Un dispositif spécial à Saint-Nazaire pour répondre au mal-être des marins au large

Publié : 29 octobre 2021 à 14h31 - Modifié : 29 octobre 2021 à 14h33 par Dolorès CHARLES

Bateau de pêche - illustration
Crédit : Pixabay

Un dispositif d'urgence psychologique est en place depuis un an à Saint-Nazaire pour répondre au mal-être des marins au large, quand ils reviennent sur terre. Un réel besoin, qui se veut être assez unique en France.

Comment gérer la souffrance des travailleurs de la mer ? Eh bien, c'est tout l'objet d'un congrès organisé au début du mois par le centre de Ressource d'Aide Psychologique en Mer (le CRAPEM) à Saint-Nazaire. Objectif : réunir tous les acteurs de soin d'urgence psychique avec les acteurs du soin d'urgence maritime. Une préoccupation plutôt récente même si le mal-être au large est documenté depuis des siècles. Camille Jégo, psychologue clinicienne et coordinatrice du CRAPEM :

"Dans les annales de la médecine maritime, on parlait de la nostalgie des marins, et ce dès le 19e siècle., avec des descriptions d'état de stress post traumatique (SPT), sans le nommer tel quel. Là depuis les attentats, les grands événement, le SPT est mieux connu, mieux pris en charge, et il a une meilleure visibilité . La principale cause de souffrance, c'est l'isolement à bord car quand on vit un événement traumatique à bord il n'y a pas la même incidence qu'à terre. L'isolement du bateau fait que tout est plus compliqué. Mais il y a aussi l'isolement de la pensée sociétale car qui pense aux marins quand il y a des situations compliquées. Par exemple pendant le confinement, la plupart des gens n'ont pas forcément pensé qu'il y avait des marins coincés à l'autre bout du monde."

Camille Jégo, coordinatrice du CRAPEM
Crédit : Jules Housseau

Un dispositif 24h /24

Alors comment interviennent-ils lorsqu'une situation compliquée se présente au large ? Pour Camille Jégo, coordinatrice du CRAPEM, les conseillers "peuvent intervenir soit au moment de l'événement traumatique, à bord ou à terre. Si par exemple, il s'agit d'événements qui sont proches des côtes, au niveau national, on va évaluer la situation, et évaluer les outils de soin nécessaires. On est inclus dans la chaîne de secours maintenant qu'on est un dispositif 24 heures sur 24. Quand le centre de consultation médicale maritime de Toulouse a une situation psychiatrique à bord, il nous fait le relais systématiquement. A terre, on fait un suivi un peu classique et en terre. Une fois en mer, on utilise les outils de communication, téléphone, mail... pour pouvoir suivre le suivi même dans cette vie un peu discontinue. Ce n'est pas parce qu'on a travaillé des chose à terre que ça n'existe plus en mer. On continue le suivi s'il y a des besoins."

 

 

CRAPEM
Crédit : Jules Housseau
Camille Jégo, coordinatrice du CRAPEM
Crédit : Jules Housseau

Une cellule aussi pour les familles restées à terre

Le dispositif est là pour répondre aux besoins des marins, mais aussi de leurs familles restées à terre car de leur côté aussi, il y a parfois des moments de doute et d'angoisse. Pour Camille Jégo, psychologue clinicienne, "les familles sollicitent (ce dispositif) souvent malheureusement dans le cadre d'un décès en mer. Cela peut être aussi de l'attente. Cela peut être compliqué d'attendre toujours le moment de l'appel, tout en continuant sa vie... (Faut-il tout dire au marin sur ce qui se passe à terre, notamment un décès?) C'est vrai que c'est très compliqué. C'est l'impuissance ressentie quand ils sont à bord sur des événements importants de leur vie terrienne, sans pouvoir y aller. Effectivement quand on est sur une transatlantique, qu'on apprend un décès, on sait qu'on ne sera pas aux obsèques où c'est important de se réunir, et eux apprennent ça tout seul dans leur cabine. Il n'y a pas de bonnes solutions. On sait juste que c'est des moments compliqués."

 

Depuis son lancement, en mars 2020, le CRAPEM de St-Nazaire a suivi 180 marins et géré une quinzaine de situations à risques, à distance, signalées sur des navires.