Ukraine, sécheresse : les prix des produits laitiers devraient encore augmenter !

Publié : 18 août 2022 à 22h22 par Dolorès CHARLES

Elevage laitier à Sulniac (56)
Crédit : Yann Launay

Vous le constatez dans votre supermarché, le prix des produits alimentaires est en hausse, et cela pourrait continuer. Après le conflit en Ukraine, remontant à février 2022, c'est la sécheresse de cet été exceptionnel, qui en est la cause. Les agriculteurs affirment avoir besoin d'être soutenus, par les industriels et les consommateurs. Reportage dans un élevage laitier de Sulniac dans le Morbihan.

Déjà en hausse avec la crise en Ukraine, les prix des produits alimentaires devraient encore grimper, dans les semaines qui viennent. Et cette fois, c'est la sécheresse qui est en cause. Les produits laitiers seront tout particulièrement concernés : les troupeaux n'ont plus de quoi brouter dans les champs, les coûts de production augmentent, et les éleveurs ne s'en sortent plus, comme l'explique Marie-Andrée Luherne, secrétaire générale de la Fédération Nationale des Producteurs de lait (FNPL) et éleveuse à Sulniac dans le Morbihan :

"On est en train d'utiliser les stocks prévus pour cet hiver, pour pouvoir alimenter correctement nos animaux. Les coûts de production ont explosé déjà en période covid, explosé suite à la crise en Ukraine : les engrais, les semences, l'aliment du bétail, tout a augmenté. Vient surenchérir le fait qu'il y ait la sécheresse. Les coûts de production sont calculés au niveau national, sur la base de mars 2021... On a un décalage, et déjà par rapport à cette base-là, nous sommes, les producteurs, payés en-dessous de cette base, on y arrive à peine."

Marie-Andrée Luherne, éleveuse à Sulniac (56)
Crédit : Yann Launay

Quantité et qualité impactées

Il faut déjà puiser dans le stock de nourriture prévu pour l'hiver, et Marie-Andrée sait déjà que l'ensilage de maïs ne suffira pas, pour l'an prochain : les rendements sont en nette baisse. Exemple dans une parcelle proche de la ferme :"ce maïs-là devrait faire au moins 3 mètres, et là il fait 2 mètres à tout casser. On va avoir des épis mais on voit que dedans il y a quelques grains et autour rien du tout. Le maïs, comme il a été stressé, s'est adapté, il a fait le grain qu'il pouvait faire. Ça va faire moins de volume, mais surtout une moindre qualité, ce sera un maïs qui aura obligatoirement besoin d'être complémenté en céréale pour pouvoir avoir une valeur alimentaire correcte pour les vaches."

Marie-Andrée Luherne, éleveuse à Sulniac (56)
Crédit : Yann Launay
Marie-Andrée Luherne, éleveuse à Sulniac (56)
Crédit : Yann Launay

Un euro la brique de lait ?

Pour surmonter cette période décidément très compliquée, les éleveurs exhortent les industriels et la distribution à augmenter le prix payé aux éleveurs, quitte à augmenter le prix de vente en magasin, autour d'un euro la brique de lait. Actuellement, le litre de lait est plutôt vendu en moyenne autour de 78 centimes d'euro, dans les grandes surfaces, où le lait est souvent un produit d'appel. Mais ce prix est anormalement bas pour Marie-Andrée Luherne, interrogée par Yann Launay. 

"Chez nos voisins, les Allemands, les Belges, la brique de lait est entre 98 centimes et 1,05 euro, et on voit que chez eux les producteurs de lait sont payés entre 500 et 600 euros les 1000 litres alors que chez nous on stagne autour de 400 ou 420 euros les 1000 litres. On est les producteurs les moins biens payés d'Europe à l'heure actuelle, et ça ce n'est pas acceptable. On a des normes sociales et environnementales auxquelles on doit répondre, et c'est normal, mais il faut aussi que l'on puisse vivre de notre métier. On a vraiment besoin de la solidarité des consommateurs, parce qu'autrement il y aura des arrêts de producteurs et on manquera, à terme, de lait."

Marie-Andrée Luherne, éleveuse à Sulniac (56)
Crédit : Yann Launay

Les agriculteurs ont vraiment besoin de soutien

Une pénurie de produits laitiers dans les mois qui viennent n'est pas un scénario de science-fiction, c'est un risque réel, comme l'explique Marie-Andrée Luherne : "je pense que beaucoup de producteurs vont faire comme nous sur notre exploitation : on va regarder nos stocks, et on va ajuster le nombre d'animaux en fonction. Et du coup on va réduire peut-être que de 10 vaches, mais si chaque exploitation diminue ne serait-ce que de 2, 3, 4 ou 5%, ce sera d'autant moins de production à l'autre bout, et puis le découragement peut aussi amener des producteurs à vendre carrément le troupeau et arrêter. On sait que pour faire une vache, il faut environ 3 ans, entre la naissance d'un veau et le premier litre de lait qu'elle va produire : on ne peut pas relancer cette production du jour au lendemain. On a vraiment besoin d'être soutenus pour passer ce cap, maintenir le potentiel, et garantir qu'il n'y ait pas de pénurie."

Marie-Andrée Luherne, éleveuse à Sulniac (56)
Crédit : Yann Launay