Retraites : les seniors, les laissés-pour-compte du marché du travail

Publié : 7 février 2023 à 16h02 - Modifié : 7 février 2023 à 16h02 par Dolorès CHARLES

Senior en vélo
Crédit : Pixabay

En ce mardi 7 février, l'acte 3 de mobilisation est en marche contre le projet de réforme des retraites, débattu depuis hier (6 février) à l'Assemblée. On peut s'interroger sur les seniors, qui devront travailler plus longtemps alors qu'ils ont parfois bien des difficultés à trouver du travail après 55 ans en France. L'avis de la CGT "chômeurs rebelles" du Morbihan sur "l'index seniors."

Pour les opposants à la réforme, repousser l'âge du départ à la retraite est déconnecté de la réalité, et notamment le réalité vécue par les seniors : en France, seuls 56% des 55-64 ans travaillent, un chiffre inférieur à la moyenne européenne. Et les seniors sont nombreux à se retrouver au RSA ou en en pension d'invalidité, en attendant la retraite.

La double peine pour les seniors

Pour Vladimir Bizet-Guilleron, du Comité CGT "chômeurs rebelles" du Morbihan, rencontré par Yann Launay, cette situation va encore s'aggraver avec la réforme, ce sera même la double peine pour les seniors, qui viennent déjà de voir se réduire leur durée d'indemnisation chômage : "de nombreuses entreprises se séparent de leurs seniors. Certaines personnes se disent bon an mal an, i me reste quelques années avant la retraite. Jusque-là, l'assurance chômage maximum, pour les plus de 55 ans, était de trois ans mais aujourd'hui elle tombe à 27 mois. C'est une première sanction... et si vous augmentez encore l'âge de la retraite de 62 à 64 ans, cela prolonge de deux ans. Potentiellement, rien qu'avec les règles de Macron, quelqu'un peut se retrouver au RSA pendant deux ans et neuf mois supplémentaire par rapport à avant, pris en étau entre la baisse de la durée de l'assurance chômage et le recul de l'âge de départ à la retraite."

Vladimir Bizet-Guilleron
Crédit : Yann Launay

Les entreprises n'en ont rien à faire

Le gouvernement prévoit la mise en place d'un "Index seniors", pour veiller à ce que les entreprises ne se séparent pas trop facilement de leurs employés de plus de 50 ans. La première ministre, Elisabeth Borne, s'est même dit ouverte à la possibilité de sanctions envers les entreprises qui ne joueraient pas le jeu. Mais Vladimir Bizet-Guilleron craint que le dispositif ne soit aussi léger que pour lutter contre les contrats précaires :

"J'observe ce qui se passe pour l'assurance chômage qui est aujourd'hui appliquée en France : cette majoration de cotisations sociales pour les employeurs qui abusent des contrats précaires se joue sur des prélèvements qui sont augmentés ou diminués mais de façon dérisoire et les employeurs n'en n'ont strictement rien à faire. Essayer de me dire qu'il y a des patrons qui embauchent plus facilement en CDI ou en CDD parce qu'ils ont peur de ces décrets Macron d'assurance chômage. Si vous m'en trouvez un, je veux bien rencontrer."

Vladimir Bizet-Guilleron
Crédit : Yann Launay

Les patrons n'embauchent pas les plus de 50 ans

Vladimir Bizet-Guilleron voit mal comment un "Index seniors" pourrait influer sur un phénomène d'une telle ampleur, et qui ne s'arrange pas réellement : "on a 27 % des inscrits au Pôle emploi aujourd'hui qui ont plus de 50 ans, contre 24 % en 2017, on voit que cela ne s'arrange pas, malgré des efforts très importants de Pôle emploi d'organiser des convocations, des sanctions, des radiations ciblées sur les gens qui sont à quelques années, voire quelques mois de la retraite. Les patrons ne veulent pas embaucher des plus de 50 ans parce que les gens ont moins de jus, parce que les gens depuis 50 ans se laissent moins faire que les jeunes, par rapport à leurs conditions de travail, ou à leur salaire. Vous allez dans les entreprises de travail temporaire, on vous dit c'est le SMIC mais les gens qui ont 20 à 25 ans d'expérience, 30 ans d'expérience, pourquoi ils seraient payé au SMIC, il faut m'expiquer !"

Vladimir Bizet-Guilleron
Crédit : Yann Launay

Si la réforme des retraites est adoptée, l'Index seniors pourrait s'appliquer dès le 1er novembre 2023, et si les entreprises ne jouent le jeu, elles s'exposeront à des sanctions financières, équivalentes à 1% de la masse salariale. L'index devra être publié dès cette année par les entreprises de plus de 1.000 salariés et en 2024 pour les entreprises de plus de 300 salariés.