Retraites. La pénibilité en question pour les employés de l'agro-alimentaire en Bretagne

Publié : 19 janvier 2023 à 8h02 - Modifié : 19 janvier 2023 à 8h07 par Dolorès CHARLES

Abattoir employés découpe de viande
Crédit : Yann Launay

Enseignants et étudiants, syndiqués des transports ou de l'énergie, salariés du public ou du privé... En Bretagne, les ouvriers des usines agro-alimentaires râlent au sujet de la réforme des retraites. Un point crucial les "chiffonne", la remise en compte de la pénibilité.

C'est une journée de contestation contre la réforme des retraites, partout en France, et le projet passe mal pour les salariés de l’agroalimentaire. Ils sont nombreux à prévoir de défiler, ce jeudi 19 janvier, dans l’Ouest : c’est le cas par exemple de David, qui manifestera avec une quarantaine de ses collègues. David est cariste dans une usine de légumes surgelés, et voit mal comment travailler jusqu’à 64 ans, sachant que nombre de salariés de l’agroalimentaire terminent en invalidité, avant même 60 ans.

La pénibilité en question

Pour David, la pénibilité du travail n’est pas suffisamment prise en compte. Dans le cadre de la réforme, le gouvernement souhaite laisser les branches professionnelles définir les métiers les plus exposés. Mais David dit ne se faire aucune illusion, quand il voit la façon dont la pénibilité est calculée, actuellement, dans son entreprise :  "les 3 huit cela rapporte des points si on fait un certains nombre d'heures de nuit, mais quand vous finissez à 22 heures et que la semaine d'après vous commencez à 4 h du matin, cela rentre pas dans la pénibilité parce qu'on ne fait pas assez nuit.

Pour le froid, comme on a un blouson froid, ils considèrent que cela ne fait plus partie de la pénibilité...Je suis désolé quand vous êtes à -25°, l'air que vous respirez reste à -25°. Il y a aussi le port de charges lourdes : on considère le port de charges lourdes que le poids, or quand vous soulevez pour une palette, 72 cartons de 10 kilos, cela fait 720 kilos dans les dix minutes, soit six en une heure, il vous passe quatre tonnes quasiment dans les mains. Mais on considère que ce n'est pas de la charge lourde parce que c'est que dix kilos à chaque fois. La pénibilité, c'est un sujet beaucoup plus ample que ce qu'ils veulent nous faire croire."

David
Crédit : Yann Launay

Les rythmes usants de l'agro-alimentaire

Pour David, cette réforme des retraites est déconnectée de la réalité du terrain, tout particulièrement si l’on parle de l’agroalimentaire, où le travail reste difficile : "on travaille déjà en deux huit ou en trois huit. Déjà, les rythmes sont usant. On nous demande toujours d'aller  plus vite. C'est une usine vieillissante et le sol s'effrite... avec le chariot, on passe et on fait des trous et ça tape dans le bas du dos et ça fait des mini décharges dans le dos. Et puis, à force, on se trouve tous avec la maladie chez nous du cariste ... C'est le lumbago voire les disques écrasés, les hernies discales. On a une collègue arrêtee depuis juin, on finit tous en invalidité... Il faudrait peut être aussi se poser ces questions là."

David
Crédit : Yann Launay

Pénibilité, "de l'enfumage pour la plupart des collègues"

Le flou qui règne sur la question de la pénibilité n’est pas de nature à atténuer les inquiétudes. Cette situation rappelle à Gildas Brandého la réforme des retraites de 2010 : un système avait alors été mis en place, pour prendre en compte la pénibilité et permettre de partir en retraite plus tôt. Mais pour le délégué CFDT, formateur dans une usine agroalimentaire du Morbihan, le système fonctionne très mal :

"C'est en place depuis un moment mais on est (encore) en train de nous battre contre notre employeur pour que ce soit bien appliqué et que ces personnes aient leur compte approvisionné en points, suite à leur pénibilité au travail. Mais c'est tellement compliqué cette pénibilité qu'en fait il faut atteindre un certain nombre d'heures dont très peu de salariés sont concernés et ont des points de pénibilité. Cela a été mis en place pour nous faire passer la dernière réforme des retraites mais les salariés sont désabusés : cette histoire de pénibilité, c'est de l'enfumage pour la plupart de mes collègues."

Gildas Brandeho
Crédit : Yann Launay

Les gens ne pourront plus physiquement

Un report à 64 ans de l’âge de départ à la retraite n’est tout simplement pas concevable, pour Laurent Le Bolay, secrétaire départemental CFDT Agri-Agro Morbihan. Les conditions de travail dans l’agroalimentaire ne se sont pas suffisamment améliorées : "nous avons beaucoup de coups de téléphone, de salariés ou d'adhérents et de non adhérents, qui nous appellent pour nous dire qu'ils ont souvent entre 55 et 60 ans et ils déclarent ne plus en pouvoir : ils ont des douleurs dans les épaules, dans les bras, etc.

Aidez-moi, qu'est ce que je peux faire ? Voilà ce que nous entendrons tous les semaines c'est pour ça cette réforme on n'en veut pas. On est tous contre 60 ans dans l'agroalimentaire, donc 62 ans, voire 64 ans, c'est impossible pour nous ! Ce qu'on craint en effet dans l'agroalimentaire, c'est que comme les gens ne pourront plus physiquement et quand le physique ne va pas, le moral ne va pas, que les gens se mettent en arrêt parce qu'ils ne pourront plus aller travailler. C'est malheureux qu'aujourd'hui qu'un salarié français ne puisse pas travailler jusqu'à sa retraite tranquillement et profiter de sa retraite après."

Laurent Le Bolay
Crédit : Yann Launay