Retraites : motions de censure rejetées, vers quoi se dirige t-on ?
Publié : 21 mars 2023 à 9h28 - Modifié : 21 mars 2023 à 11h20 par Emilie PLANTARD
Le suspense était à son comble ce lundi 20 mars à l’assemblée. Après avoir écouté les uns et les autres, les députés ont voté à une très courte majorité contre la motion de censure du groupe Liot, et plus largement contre celle du RN. Que peut-il se passer désormais ? Réponse avec le politologue rennais, Romain Pasquier.
C’est vers 18h45 que le suspense a pris fin ce lundi 20 mars. Il n’a manqué que neuf voix à la motion de censure déposée par le groupe Liot contre la réforme des retraites, pour être adoptée. Il en fallait 287, mais seulement 278 députés ont finalement suivi la fronde. L’autre motion déposé par le RN a quant à elle été suivie par 94 élus. La loi pour la réforme des retraites est donc définitivement adoptée. A moins que ... des députés ou des sénateurs ne la soumettent au Conseil Constitutionnel. Certains soupçonnent en effet que les procédures utilisées par le gouvernement pourraient être anticonstitutionnelles.
Les explications de Romain Pasquier, politologue à Sciences-Po Rennes : "c’est une accumulation. Le vote bloqué au Sénat, le raccourcissement du droit d’amendement, l’usage du 49.3... Tout ça pourrait constituer éventuellement, tout ou partie d’une inconstitutionnalité, c’est-à-dire un usage abusif du gouvernement, de pratiques visant à limiter l’exercice de la liberté parlementaire. Mais c’est une hypothèse défendue par certains constitutionnalistes et il y en aura toujours qui diront le contraire, restons prudents."
Le Referendum devant le Conseil Constitutionnel
Alors quelles options s’offrent désormais aux opposants à cette réforme pour contrer le gouvernement ? Outre le passage devant le Conseil Constitutionnel pour vérifier le bon usage des procédures, les députés pourraient faire appel au referendum d’initiatives partagées (RIP), qui existe depuis 2015. "C’est un referendum qui est déclenché par les sénateurs et les députés, si une motion reçoit suffisamment de signatures. Cela pourrait être déclenché dans le mois qui vient, encore faut-il que la loi ait été votée dans l’année en cours et là aussi il y a des hésitations dans l’interprétation de ce referendum, s’il pourrait ou pas être utilisé."
Le RIP a été soumis ce lundi au Conseil Constitutionnel qui va étudier se recevabilité.
Plusieurs options pour Emmanuel Macron
Qu’est ce qui attend le gouvernement ? Dès lundi soir, des manifestations se sont embrasées à Paris, à Lyon, mais également à Rennes, Nantes et Brest. Des blocages ont eu lieu un peu partout ce mardi matin. Emmanuel Macron a les cartes en main, il peut encore éteindre les braises (ndlr : le président doit s'exprimer ce mercredi à 13h), mais pas certain qu’il le fasse pour le politologue RomainPasquier interrogé par Emilie Plantard.
"Il y a une voie, qui est celle du pourrissement, avec le risque ensuite de ne plus pouvoir s’appuyer sur les partenaires sociaux pour faire quoi que ce soit, et puis l’autre (voie) ce serait que la réforme serait révisée mais cela paraît difficile, et le 3ème scénario c’est que la réforme ne soit jamais vraiment promulguée par Emmanuel Macron et que, comme le CPE en son temps, ne soit jamais mis en application. Je pense que c’est plutôt le 1er scénario, le pourrissement, avec tous les risques que ça comporte."
Une crise franco-française
Malgré le passage de la loi, le gouvernement d'Emmanuel Macron est en mauvaise posture, on peut même parler de crise pour Romain Pasquier, qui rejette une quelconque responsabilité de l’Europe dans cette situation chaotique, même si elle demandait cette réforme."C’est une crise avant tout politique et institutionnelle mais qui est bien franco-française. On souffre d’hyper-présidentialisation, on souffre d’un affaiblissement des corps intermédiaires, et le risque majeur c’est que ça se bloque et que des minorités agissantes, des factions portées à la violence l’emportent. Et là on tomberait dans une crise type « gilets jaunes » où on ne sait pas jusqu’où ça va aller..."
Ce mardi, les blocages sont nombreux sur les périphériques de Nantes, de Rennes, mais également à Saint-Nazaire et à Brest où des violences ont été commises lundi soir.