Retraites : après la mobilisation du 1er mai, à quoi doit-on s'attendre ?
Publié : 2 mai 2023 à 11h46 - Modifié : 2 mai 2023 à 11h52 par Dolorès CHARLES
Entre 800 000 et 2,3 millions de manifestants sont descendus dans la rue hier (1er mai) pour demander l'abrogation de la réforme des retraites. La mobilisation a été à la hauteur, même si elle a été ternie par des violences, notamment à Rennes, Angers et Nantes.
2,3 millions de manifestants en France pour la CGT, 780 000 selon la Police : l’Intersyndicale appelait hier à manifester partout en France pour demander l’abrogation de la réforme des retraites, une mobilisation jugée historique, mais ternie par des affrontements dans quelques grandes villes, en particulier à Paris, Lyon, Rennes et Nantes. Dans la Cité des Ducs, 80 000 personnes (moins de 20 000 selon la préfecture) ont défilé, la plupart pacifiquement mais un millier de blacks blocs est venu en découdre avec les forces de l’ordre, et des incendies ont touché la Préfecture ou l’Hôtel du Département de Loire-Atlantique. Quatre manifestants ont été blessés, dont un grièvement à la main, 24 blessés aussi parmi les forces de l’ordre, et 29 personnes ont été interpellées, pour des faits de violence notamment.
Cela a dégénéré aussi dans l'ouest à Angers : les portes vitrées de la mairie ont été frappées "à coups de barre de fer", et des commerces ont été vandalisés... Le maire Jean-Marc Verchère porte plainte. A Rennes, la manifestation organisée dans l’après-midi a été émaillée de tensions. Les forces de l'ordre ont fait usage de gaz lacrymogène et de canons à eau pour disperser les manifestants. Un gendarme a été blessé légèrement et neuf personnes ont été interpellées selon la préfecture d'Ille-et-Vilaine.
Les autres rassemblements se sont déroulés dans le calm, de Saint-Nazaire à Quimper, en passant par Brest, Vannes, Saint-Brieuc, La Roche sur Yon, Laval ou Lorient.
Des artisans dans le cortège
Pour Erlé Boulaire, pas question de baisser les bras, même si la loi est maintenant promulguée. Dans le cortège hier, ce patron de PME voit cette journée comme une étape, pas comme un baroud d'honneur. Erlé Boulaire dirige une entreprise d'électricité-plomberie basée à Langast, dans les Côtes d'Armor. Il est aussi président de la CAPEB 22, le syndicat patronal des artisans du bâtiment. Et ce ne n'est pas seulement en son nom, mais aussi au nom des adhérents de la CAPEB qu'il se mobilise : lors d'une consultation interne, ils se sont exprimés contre la réforme à une large majorité.
Pour Erlé Boulaire, la mobilisation doit se poursuivre pour faire échec à cette loi : "Il faut savoir qu'on est motivés pour ur nous, bien sûr., mais aussi pour tous nos compagnons dans nos entreprises. On est des entreprises à taille humaine, où justement le facteur humain est hyper important. Moi, je vais sur les chantiers avec mes compagnons. Je sais les difficultés qu'ils ont, qui sont les miennes aussi. Il y a une solidarité entre nous qui s'est créée. Soit ils débrayent, soit ils vont manifester, soit ils n'y vont pas. Je n'impose rien, mais ils savent par contre que je suis là bas. On est en train de parler de l'emploi des seniors. Déjà aujourd'hui, vu la pénibilité qu'on a cette fois ci à recruter, si j'avais un senior qui frappait à ma porte pour un boulot, je lui en proposerais... sauf qu'on en n'a pas parce que dans nos métiers, les gens sont usés bien avant."
"On n'est pas des habitués de la manifestation"
Erlé Boulaire se dit prêt à manifester à nouveau, au-delà du 1er mai, mais Emmanuel Macron ne semble pas disposé à retirer sa réforme. Alors une mobilisation jusqu'à quand ? Le patron breton n'a pas la réponse : "s'il daigne nous écouter, et qu'il puisse se rendre compte qu'à un moment donné, on ne peut pas gouverner sans son peuple. Comme d'habitude, il compte sur un certain essoufflement... mais visiblement, ce n'est pas le cas. On n'est pas des habitués de la manifestation : ça doit être la troisième fois que je manifeste et à chaque fois, c'est pour les retraites. La première fois, c'était il y a plus de 20 ans, sous Laurent Fabius à Bercy. C'était déjà pour partir en retraite avant 60 ans, quand on avait tous ses trimestres. On se rend compte que rien n'a changé. On se bat pour nous, pour les générations futures et on continuera.... Cela va être très difficile de faire rentrer (la foule)."
"On nous a imposé quelque chose avec un passage en force, sans vouloir véritablement négocier quoi que ce soit"
L'utilisation du 49.3 ne passe pas, pour Erlé Boulaire, qui dénonce une réforme dogmatique, et mal préparée. Le président de la CAPEB 22 n'est pas opposé à toute réforme des retraites, à condition que la pénibilité soit réellement prise en compte, et que des solutions réalistes soient trouvées pour les travailleurs seniors : "Une des pistes qui pourrait favoriser le maintien en emploi ou l'emploi de seniors, c'est justement des gens expérimentés. Les faire entrer pour accompagner des jeunes de façon à transmettre leur savoir. Cela pourrait se faire avec un salaire minimum garanti ou avec un allégement de charges, et un subside pour ne pas non plus devenir trop pesant sur la trésorerie des entreprises. Il existe des solutions mais personne ne s'est mis autour de la table pour les chercher... Il y avait matière à discussion et à trouver des terrains d'entente."
Les syndicats se réunissent ce matin pour décider de la suite à donner au mouvement. Au menu de l’agenda : prochaine rencontre à Matignon avec Elisabeth Borne, décision du Conseil Constitutionnel sur le référendum d’initiative partagé demain (mercredi 3 mai), et abrogation de la loi dans le cadre de la niche parlementaire du groupe LIOT en juin (le 8 juin).