Quiberon "surfe" sur la première réserve de vagues françaises

Publié : 20 mars 2022 à 21h44 par Dolorès CHARLES

St-Pierre Quiberon - pointe du Percho vue de port Bara
St-Pierre Quiberon - pointe du Percho vue de port Bara
Crédit : Yann Launay

La plage de Port Blanc à Saint-Pierre-Quiberon dans le Morbihan abrite la première réserve de vagues françaises. Reportage sur place de Yann Launay.

C'est une première en France : une "réserve de vagues" vient de voir le jour sur la côte sauvage, à Quiberon, plus précisément sur la commune de Saint-Pierre Quiberon, entre Port Blanc et Port Bara. Sur cette portion de littoral d'un kilomètre de long, déjà classée Natura 2000, les vagues sont désormais protégées en tant que telles. Cette réserve a été proposée par l'association "France Hydrodiversité", cofondée par le surfeur morbihannais Erwan Simon, interrogé par Yann Launay :

"On parle beaucoup de la biodiversité, qu'il faut protéger, et on oublie les vagues : c'est un patrimoine naturel, qui est mouvant, qui vient dynamiser, oxygéner l'océan et dessiner les paysages. Ça c'est pour l'aspect environnemental, ensuite il y a un aspect économique, touristique. Il faut protéger les vagues, et la France, qui a des vagues remarquable, deuxième plus grande aire maritime au monde, n'a aucune réserve de vagues, alors que ça existe à l'étranger."

Erwan Simon
Crédit : Yann Launay

Les vagues ont une vraie identité

Des réserves de vagues existent en Espagne, en Australie, au Pérou ou encore en Californie. Une façon de souligner la valeur mais aussi la fragilité de vagues qui ne sont pas forcément éternelles, comme le souligne Erwan Simon : "Il faut savoir qu'il y a beaucoup de vagues qui ont disparu, par la construction de digues, la construction ou l'agrandissement de ports, par des enrochements. Par exemple dans le Pays basque, à Anglet, il y avait spot considéré comme l'un des meilleurs au monde, et lorsque le port de Bayonne a été agrandi, il a complétement disparu... Nous, on est là justement pour épargner certaines zones, et pour intégrer les vagues aux projets d'avenir."

Mais que va changer, concrètement, cette réserve de vagues de la Côte sauvage ? La réserve implique-t-elle de nouvelles contraintes, de nouvelles interdictions ? La réponse de Stéphanie Doyen, maire de Saint-Pierre Quiberon :

"C'est assez symbolique, parce que sur le territoire on a déjà une "couche" de protections : on est en zone Natura 2000, il y a la Loi littoral... Mais on veut aussi s'appuyer sur la création de cette réserve pour faire beaucoup de pédagogie, en disant : une vague peut disparaître, cela a été observé sur d'autres côtes, avec des travaux qui peuvent être entrepris, et la vague disparaît purement et simplement. Les vagues ici ont une importance culturelle, c'est le deuxième spot de surf de Bretagne après la Torche. Les vagues ont une vraie identité. Au-delà de l'aspect patrimonial, on a une dimension sportive, culturelle et économique."

Stéphanie Doyen, maire de Saint-Pierre Quiberon
Crédit : Yann Launay
Port Bara Plage
Crédit : Yann Launay
Stéphanie Doyen, maire de Saint-Pierre Quiberon
Crédit : Yann Launay

La menace peut se situer au large

Cette première réserve de vagues est créée sur un espace qui semble déjà très protégé : les vagues de la Côte sauvage peuvent sembler intouchables. Mais en fait la menace peut se situer beaucoup plus au large, et pour Erwan Simon, une telle réserve doit permettre d'évaluer l'impact de projets  : "il faut savoir qu'ici, il y a une quinzaine d'années dans le secteur, entre Groix, Belle-Ile et Etel, il y avait un projet de pompage de sable, qui aurait pu impacter les bancs de sable jusqu'ici. Heureusement le projet est tombé à l'eau, mais cela peut revenir. Il y a un projet d'éoliennes au large, entre Groix et Belle-Ile, on ne sait pas si cela aura un impact sur la propagation de la houle : est-ce que cela formera un mur qui bloquera la houle ? On ne sait pas..."

Erwan Simon
Crédit : Yann Launay

Il faut mobiliser les esprits

L'objectif est de voir d'autres collectivités créer à leur tour des réserves de vagues, comme l'explique Stéphanie Doyen : "on souhaitait accompagner l'association France hydrodiversité dans cette première marche peut-être pour amener d'autres communes à faire la même chose, qui auraient moins de "couches de protection", et pour lesquelles cela aurait un intérêt juridique beaucoup plus fort. Aujourd'hui les enjeux environnementaux sont majeurs, et ne sont pas forcément pris assez en considération dans le cadre des élections à venir : il faut mobiliser les esprits, et même si c'est symbolique pour nous, cela fait partie d'une démarche globale, sur laquelle ensuite on va pouvoir semer, auprès des enfants et du public, sur l'ensemble du territoire."

Stéphanie Doyen
Crédit : Yann Launay

Les communes intéressées par la création d'une telle réserve de vagues peuvent contacter Erwan Simon et son association France hydrodiversité, sur Facebook ou Instagram. Déjà des communes de métropole et de Tahiti y réfléchissent.