Protection de l’enfance : le cri d'alarme de 3 présidents de départements
Publié : 2 février 2023 à 14h25 - Modifié : 3 février 2023 à 10h18 par Emilie PLANTARD
Une vingtaine de présidents de départements, dont trois dans l’ouest, ont cosigné une tribune dans laquelle ils demandent à Emmanuel Macron d’agir en faveur de la protection de l’enfance. Ils pointent du doigt des manquements importants qui impactent certains enfants et des situations qu’ils jugent insupportables. Focus en Côtes d’Armor.
Les présidents des trois départements des Côtes d’Armor, d’Ille-et-Vilaine et de Loire-Atlantique ont cosigné une tribune avec 20 autres présidents et présidentes concernant la protection de l’enfance, une compétence dont ils ont la charge. Dans ce texte publié dans Le Monde la semaine dernière, les élus s’adressent à Emmanuel Macron, ils demandent au président de la République de donner plus de moyens à la psychiatrie et à la prise en charge du handicap des enfants pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance. Ils estiment que 20 à 40% de ces enfants sont concernés et que les structures n’ont pas la possibilité de les prendre en charge correctement.
Une triple peine pour les enfants
Ces enfants ont besoin d’un accompagnement psychiatrique adapté. Mais dans le département des Côtes d’Armor, le contexte médical ne le permet pas avance Cinderella Bernard, vice-présidente du département en charge de l’enfance : "dans notre département, on a deux fois moins de personnel soignant en pédopsychiatrie qu’en France, c’est déjà quelque chose à pointer. La densité de médecins est largement inférieure aux chiffres nationaux. Cela créé une triple peine pour les enfants. Ils ont d’abord vécu des situations très difficiles qui nécessitent un besoin de protection, et là on intervient mais faute de disposition d’accompagnement global de santé et de problèmes éducatifs, ils passent de structure en structure et vont d’échec en échec."
Les éducateurs impuissants face au handicap
Depuis quelques années, ces enfants dits complexes sont de plus en plus nombreux, or ils nécessitent une prise en charge particulière. On peut avoir des enfants avec des troubles autistiques, ajoute Cinderella Bernard, et ces troubles nécessitent un accompagnement spécifique pour lequel nos équipes ne sont pas formées. Ils peuvent aussi avoir des troubles envahissant du développement avec parfois des prescriptions médicales, qui nécessitent l’intervention d’infirmiers, mais on n’est clairement pas formés à ça donc on a besoin d’avoir ce double accompagnement, d’avoir des équipes mixtes dans l’accompagnement de l’enfant. On le fait mais on ne pourra pas continuer, il faut que l’Etat nous aide! "
Des lieux adaptés pour ces enfants
Par cette lettre au président, les élus demandent la mise en place d’un accompagnement adapté et durable face à ce besoin grandissant. "On a de plus en plus d’enfant qu’on nomme à besoins multiples, explique Cinderella Bernard, c’est-à-dire avec des carences éducatives ou affectives et en plus avec un problème de santé, soit en situation de handicap ou avec des troubles du comportement. Aujourd’hui, ce qu’on souhaite développer avec le département c’est un partenariat financier entre l’ARS et le département pour un dispositif commun où on va retrouver dans un même lieu d’accueil des travailleurs sociaux mais aussi des infirmiers, des psychologues et des pédopsychiatres qui peuvent intervenir. On a un dispositif comme celui-ci sur lequel on a pu obtenir des financements de l’Etat sur 3 ans, mais on ne peut accueillir que 5 enfants."
Une bombe à retardement
Ce contexte laisse des enfants en grande souffrance et ternit leur avenir. "Plus on aggrave les difficultés dès la petite enfance, plus les choses vont se révéler à l’adolescence ou à l’âge adulte. L’accompagnement est important dès le plus jeune âge. Quand il n’y en a pas, on met l’enfant en situation d’échec, qui réagira avec des troubles du comportement, et cela va se transformer par des exclusions, par une rupture sociale et on va le retrouver en protection de l’enfance parce qu’à un moment donné il pourra se faire violence ou subir des violences au sein de sa famille qui sera démunie."
Dans les Côtes d’Armor, 4 200 enfants sont actuellement pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, dont 1 600 sont placés en structure ou en famille d’accueil.