Procès du Médiator : la brestoise Irène Frachon se bat contre les mensonges de la firme

Publié : 9 janvier 2023 à 8h04 - Modifié : 9 janvier 2023 à 8h35 par Dolorès CHARLES

Irène Frachon, la pneumologue brestoise
Crédit : Yann Launay

Le procès en appel du Médiator s'ouvre aujourd'hui 9 janvier à Paris et s'étalera jusqu'au 28 juin, au rythme de deux journées et demi d'audience par semaine. Ce médicament des Laboratoires Servier est accusé d'avoir provoqué de graves lésions cardiaques et de nombreux décès.

Dans l'affaire du Mediator, le procès en appel s'ouvre ce lundi 9 janvier 2023 et doit durer 6 mois. Le Mediator, c'est ce médicament antidiabétique utilisé comme coupe-faim, et commercialisé de 1976 à 2009 par les Laboratoires Servier. Le Mediator aurait fait entre 1 500 et 2 100 morts, et entraîné des milliers d'hospitalisations. En première instance, les Laboratoires Servier avaient été reconnus coupables de tromperie aggravée, homicides et blessures involontaires, mais relaxés des délits d'obtention indue d'autorisation de mise sur le marché, et relaxé aussi du délit d'escroquerie.

Le parquet comme les Laboratoires Servier avaient tous les deux fait appel.

Rendez-vous manqué

La pneumologue de Brest Irène Frachon, qui avait révélé le scandale, avait été déçue par la décision rendue en première instance, et elle espère cette fois que le justice ne manquera pas le rendez-vous : "on aura rarement l'occasion de punir de façon exemplaire une affaire qui est entièrement disséquée et démontrée et que cela marque l'histoire de l'industrie pharmaceutique et aussi l'histoire des collusions de cette industrie avec les pouvoirs publics, pour dire que lorsqu'il y a une transgression des règles, la punition est exemplaire et dissuasive. Cela n'a pas été le cas en première instance et je souhaite bien sûr que ce soit le cas parce que l'on a tous les éléments pour comprendre et démonter les rouages de cette tromperie. Ce serait une occasion ratée, et irrattrapable de ne pas la dire : Stop, ça ce n'est pas possible."

Irène Frachon
Crédit : Yann Launay

"Je dois me battre tous les jours pour que les victimes obtiennent réparation"

Pour Irène Frachon, tous les éléments contenus dans le dossier doivent conduire à une condamnation exemplaire mais la pneumologue n'est pas si confiante, sur l'issue de ce procès en appel : "malgré l'éclatement public du scandale et son retentissement national, je dois me battre tous les jours pour que les victimes obtiennent réparation, reconnaissance, indemnisation... Je me bats contre les mensonges de la firme qui n'a absolument pas fait évoluer son discours, qui persiste à nier les évidences de manière violente face aux victimes, qui continue à avoir pignon sur rue, à nouer des partenariats prestigieux avec nos grandes institutions scientifiques et à recevoir des honneurs indus.

Une semaine avant l'ouverture de ce procès, une des principales cadres de Servier, qui faisait pression sur l'agence pour protéger la commercialisation du Mediator, a été élevée au rang d'Officier de la Légion d'honneur. C'est insupportable !"

Irène Frachon
Crédit : Yann Launay

Une BD en librairie, et une pétition

Il s'ouvre alors que sort en librairie une bande dessinée co-signée par Irène Frachon, intitulée "Mediator, un crime chimiquement pur". Un roman graphique de 200 pages, écrit avec l'auteur Eric Giacometti et dessiné par François Duprat.

Irène Frachon lance par ailleurs une pétition (présentée à la fin de la BD) pour retirer à Jacques Servier, à titre posthume, sa dignité de grand croix de la Légion d'honneur, ou plus exactement pour changer le règlement, puisqu'aujourd'hui il n'est pas possible de retirer cette distinction à titre posthume.
Pour Irène Frachon, cette démarche doit aller à son terme par égard pour les victimes, mais aussi pour préserver la dignité de cette distinction nationale. 

"Jacques Servier est mort en 2014, inculpé de très très lourdes charges, escroquerie et blessures, homicides involontaires, tromperie aggravée et l'entreprise qui porte son nom, Servier, a été condamnée pour ces faits là et la responsabilité personnelle de Servier est largement établie. Il ne s'agit pas de déboulonner des statues, il s'agit de remettre un peu de décence dans une histoire contemporaine, et qui continue à tuer des citoyens français."

La pétition est en ligne sur le site change.org

Le procès en appel doit se tenir à Paris jusqu'au 28 juin 2023.