Plan Ecophyto en pause : le Collectif de soutien aux victimes des pesticides dépité en Bretagne

Publié : 5 février 2024 à 14h29 - Modifié : 5 février 2024 à 14h36 par Dolorès CHARLES

Tracteur
Tracteur épandant des produits phytosanitaires
Crédit : Pixabay

Les associations environnementales ont réagi après les mesures dévoilées par le Gouvernement Attal, pour calmer la colère paysanne, à trois semaines du salon international de l'Agriculture à Paris. Le plan Ecophyto est particulièrement dans le viseur du collectif de soutien aux victimes des pesticides de l'Ouest. Exxplications.

Après les nouvelles mesures annoncées pour venir en aide aux agriculteurs, l'inquiétude grandit chez les associations de défense de l'environnement, qui dénoncent un dangereux retour en arrière. Le Premier ministre, Gabriel Attal, a notamment annoncé une pause dans le plan Ecophyto, qui visait à réduire l'utilisation des pesticides.

Pour Christian Jouault, agriculteur à la retraite de Nouvoitou, en Ille-et-Vilaine, et membre du collectif de soutien aux victimes des pesticides de l'Ouest, "il vaut mieux payer les agriculteurs, leurs efforts et leurs produits convenablement que de leur donner l'autorisation de détruire l'environnement et d'utiliser de plus en plus de pesticides. C'est un modèle voué à disparaître : 80 % d'insectes en moins, eau polluée partout... On ne peut pas continuer comme ça... Il faut croire que les gens qui produisent les pesticides, les lobbies des pesticides, sont plus forts que tout les textes votés."

Christian Jouault, du collectif de soutien aux victimes des pesticides de l'Ouest
Crédit : Yann Launay

Le ministre de l'agriculture a aussi précisé que l'Etat soutiendrait en justice les "chartes de voisinage" : ces chartes qui permettent l'épandage de certains pesticides à moins de 5 ou 10 mètres des habitations. Un non-sens et un vrai retour en arrière pour Christian Jouault, qui souffre lui-même d'une leucémie, reconnue maladie professionnelle.

"Tout le monde sait qu'un aérosol étendu à dix ou quinze mètres d'une maison, si le vent est dans le bon sens, il va dans la maison. Les ZNT Les zones de non traitement sont un bon début, mais ce n'est pas suffisant. C'était nettement insuffisant et on ne peut pas les réduire, ce n'est pas possible et on ne peut que les augmenter : les scientifiques ont démontré qu'il fallait 150 à 200 mètres des maisons d'habitation pour que les maisons d'habitation ne soient pas polluées par ces pesticides."

Tracteurs mobilisés à Vannes (56)
Tracteurs mobilisés à Vannes (56)
Crédit : Yann Launay
Christian Jouault, du collectif de soutien aux victimes des pesticides de l'Ouest
Crédit : Yann Launay

Sur les blocages, les agriculteurs non bio ont répété qu'ils avaient nettement réduit l'utilisation de ces produits phytosanitaires, et qu'ils étaient maintenant parmi les plus vertueux sur ce plan, tous pays confondus. Alors cette "pause" dans le plan Ecophyto, pose-t-elle vraiment problème. Oui, répond Estelle Le Guern, chargée de mission agriculture chez Eau & Rivières de Bretagne.

"On pu voir ces 20 dernières années des augmentations de l'usage de ces pesticides. Un des projets du ministre, c'est de revoir le thermomètre justement, qui mesure cet usage des pesticides et nous, ce qu'on peut regretter, c'est qu'on va finalement casser ce thermomètre, alors qu'on sait très bien qu'il y a urgence. C'est une évidence, il va falloir changer ce modèle agricole qui va dans le mur."

Estelle Le Guern, chargée de mission agriculture chez Eau & Rivières de Bretagne
Crédit : Yann Launay

"On a atteint un niveau de dégradation, qui nécessite une révision du système en profondeur"

Dans l'Ouest et en France, peut-on se permettre une pause dans les efforts de préservation de l'environnement ? Ne sommes-nous pas sur la bonne trajectoire, notamment en termes de qualité de l'eau et de biodiversité ? 

"En France et en Bretagne, on continue de détruire des haies, des talus qui sont essentiels à la biodiversité. On continue de cultiver sur des zones humides qui ont régressé de manière impressionnante depuis des décennies. Jusqu'à 2015, on a eu des efforts qui ont été faits sur la problématique des nitrates, par exemple. Aujourd'hui, on stagne sur cette problématique. Il y a eu des choses mises en place, mais cela ne va pas suffisamment loin. On a atteint un niveau aujourd'hui de dégradation, qui nécessite une révision du système en profondeur."

Le Collectif de soutien aux victimes des pesticides accompagne 140 personnes officiellement  reconnues en maladie professionnelle, dans l'Ouest, et des dizaines d'autres en attente de l'être. Il organise ce mardi 6 février une rencontre avec Nicolas Legendre, journaliste et fils de paysan, prix Albert Londres 2023 pour son enquête sur l'agroalimentaire breton. C'est à 20h au cinéma le Triskell, à Betton, près de Rennes.