Parc éolien en baie de Saint-Brieuc, les pêcheurs portent plainte
Publié : 31 août 2021 à 8h13 - Modifié : 31 août 2021 à 9h19 par Dolorès CHARLES
En baie de Saint Brieuc, la colère des pêcheurs ne retombe pas, contre les éoliennes : le comité des pêches des Côtes d'Armor a déposé plainte contre le projet pour pollution et atteinte à l'environnement.
Sur le terrain, le chantier débuté en mai dernier avance lentement : le bateau chargé de percer les fonds rocheux pour fixer les futures éoliennes rencontre des difficultés, et deux fuites d'huile ont déjà été observées sur le site de forage. Le Comité des pêches demande l'interruption de ce chantier éolien, son président Alain Coudray dénonce une situation ubuesque et scandaleuse : "on leur donne le droit de détruire, de polluer, de faire tout ce qu'ils veulent faire... Entre mai et septembre, ils devaient faire 30 forages, aujourd'hui ils sont au quatrième... C'est du bricolage, de la destruction, tout sauf la construction d'un parc..."
La zone d'implantation mal choisie
Pour Alain Coudray, la zone d'implantation des éoliennes a été très mal choisie, et la société Ailes marines, filiale du groupe espagnol Iberdrola, a fait preuve de suffisance et de mépris envers les pêcherus, et envers la réalité géologique des fonds marins au large de Saint-Brieuc : "normalement un forage ils doivent mettre 4 à 5 jours maximum, aujourd'hui le point de forgage qu'ils sont en train de faire, cela fait 3 semaines qu'ils sont dessus ! Ils n'arrivent pas à percer, leur matériel casse et il y a toujours des problèmes techniques ou mécaniques. C'est la roche la plus dure du monde, c'est plus dur que le béton. Ils sont arrivés en roulant des épaules : "vous les petits pêcheurs, vous n'y connaissez que dalle, nous on fait des parcs depuis des années". Ils sont arrivés comme ça et voilà !"
De fortes nuisances
Selon les pêcheurs, le chantier provoque des nuisances bien pires que tout ce qui avait été annoncé. Le patron du chalutier "Fury Breizh" dénonce l'intensité du bruit généré et l'incohérence d'un chantier parti pour durer des années. Jonathan Thomas joint par Yann Launay :
"Ils commencent à faire des trous et ils n'arrivent pas à terme de chaque position et malgré ça le gouvernement les autorise à changer de place à chaque fois, à réessayer, à recommencer des petits trous sans arriver à terme. On ne comprend pas trop, tout le monde le dit,il y avait d'autres promoteurs éoliens qui l'avaient dit, les fonds sont trop durs, c'est comme du diamant c'est volcanique... ce sont les fonds les plus durs d'Europe ! Ils persistent, ils sont en train de tout saccager avec le soutien du gouvernement français. On n'a plus un poisson en baie de Saint-Brieuc : on a une perte sèche de 30% minimum, le poisson fuit c'est logique."
"Ils ont le droit de faire ce qu'ils veulent..."
Jonathan Thomas, qui a participé à des manifestations en mer contre le projet, espère cette fois que la plainte déposée par le Comité des pêches aboutira, et qu'elle se traduira d'abord par une suspension du chantier. Mais il est loin d'en être convaincu :
"Depuis le début, je vois tellement de choses insensées, c'est vrai qu'on n'y croit plus trop... Ils sont tellement puissants, ils ont l'argent, ils ont le droit de faire ce qu'ils veulent. Ils ont toujours réussi à contourner la chose et à déformer les informations. On aurait voulu plus de dialogue avec le gouvernement français, les portes nous sont complètement fermées, et on nous crache dessus... L'armée de mon pays, qui est censée protéger les citoyens, est prête à nous couler. On est dégoûté de tout ça."
L'appui de Sea Sheperd
Plus encore que la plainte déposée, c'est la récente prise de position de l'organisation Sea Shepherd contre le projet qui redonne espoir à Jonathan Thomas. Pour le patron du Fury Breizh, l'intervention d'une organisation qu'on ne peut pas soupçonner de complaisance envers les pêcheurs est une bonne nouvelle :
"C'est vrai que je trouve ça bien, pour les gens qui ne nous écoutent pas encore.. et de savoir que Sea Shepherd rallie les pêcheurs, c'est peut-être que les pêcheurs ne disent pas que des bêtises, c'est qu'il y a peut-être vraiment quelque chose de très dangereux pour l'environnement et pour la baie... Il y a eu du dégât de fait auparavant avec de la surpêche, nous en tant que petits pêcheurs on fait beaucoup d'efforts et on arrive à obtenir des choses concrètes, c'est positif mais là on vient nous mettre un coup de massue !"
La plainte des pêcheurs a été déposée le 26 août contre X devant le procureur de la République de Brest. Le futur parc de 62 éoliennes doit être érigé à 16 kms de la côte bretonne, sa mise en service est prévue à la fin 2023.