Ariane 6 : les pièces acheminées par un bateau ... conçu par un cabinet nantais et parisien
Publié : 7 mars 2022 à 8h57 - Modifié : 9 mars 2022 à 19h56 par Dolorès CHARLES
Ariane 6 préférée à Soyouz. Nouveauté, les pièces du lanceur conçues en Europe seront acheminées à Kourou par "Canopée". Un transport imaginé par un cabinet nantais VPLP Desing, et parisien.
Au regard du contexte international (la guerre en Ukraine), le prochain satellite d’observation militaire français devrait être lancé avec un an de retard par Ariane 6, plutôt qu’avec la fusée russe Soyouz. Ce satellite baptisé CSO-3 devait être lancé en fin d’année depuis Kourou, mais en riposte aux sanctions européennes, Moscou a suspendant les tirs de Soyouz depuis la Guyane.
Un vol d'ici la fin d'année
Le premier vol opérationnel d’Ariane 6 est attendu dans les prochains mois... Ce lanceur comprendra une innovation majeure en matière de transport : les pièces conçues en Europe seront acheminées à Kourou par "Canopée", un bateau de 121m doté de quatre ailes verticales qui feront office de voile. L'idée sera d'avancer en partie grâce au vent, et de faire des économies de carburant, et c'est un cabinet d'architecture nantais associé à ses collègues parisiens, VPLP Design, qui s'est occupé de la conception, avec des contraintes bien précises.
Simon Watin, directeur de VPLP Desing, avec Charles Guyard.
"Par Ariane il y avait la volonté de décarbonner ce transport tout en restant à un nombre de rotations constant, donc ça veut dire une même vitesse. Il fallait faire des économies d'énergie, c'était un premier défit. Le deuxième défi était de gérer le transport de gaz liquéfié, le carburant de fusée ensemble dans un même bateau. Il y avait d'énormes colis d'hydrogène et d'oxygène liquides qu'il fallait transporter , il y avait un gros sujet d'organisation du colisage de la fusée, d'une part avec les carburants qui devaient être extrêmement séparés, et d'autre part avec la fusée en elle-même qui est évidemment extrêmement fragile. On a donc eu un cahier des charges assez costaud d'accélération, pour que les bouts de fusée ne soient pas trop secoués dans le transport."
De 5 à 30% d'économies
Pour Simon Watin, directeur de VPLP Desing, le bureau en charge de la conception, basé à Nantes. "On a des techniques de prédiction météo et de simulation aujourd'hui. On est capable de présenter à des décideurs et à des armateurs, un plan d'économie qui tienne la route d'un point de vue statistique, qu'ils puissent s'y retrouver sur un, trois ou cinq ans selon le nombre de rotations. En moyenne, vous allez économiser tant. Si en moyenne on est à 15%, une bonne traversée on va faire 25%-30% d'économie, et une mauvaise traversée on fera 5% d'économie. Quand on dit à une banque, vous aller investir X millions d'euros sur ce bateau, on s'attend à ce que les gains de la propulsion vélique soient de tant de %... c'est lissé sur l'année. On rajoute un système, on paye plus à l'achat, et on économie sur les coûts opérationnels, donc les coûts d'exploitation sont moins chers."
Objectif, la réduction de CO2
Eric Le Nechet, chef de la logistique et du transport chez Ariane Groupe, explique pourquoi il a choisi ce navire dessiné à Nantes. "Au départ lorsqu'on a lancé l'appel d'offre, l'enjeu était économique, essentiellement. On est quand même sensibilisé depuis un certain temps. Quand on fait de l'économie de CO2, on fait de l'économie aussi au sens large. Quand on a eu ce projet-là, ça a été un plus en termes d'images pour Ariane Groupe, ça c'est évident. Et on savait aussi qu'il y aurait des évolutions de réglementation sur les émissions de CO2 sur l'aspect maritime qui pouvaient nous contraindre et ne plus arriver à maîtriser nos coûts, car on aurait des taxes importantes. Ce projet-là nous a sensibilisé à se dire, on se projette sur un certains nombre d'années. On s'aperçoit que c'est une solution qui va nous permettre de passer les réglementations, et puis c'est un enjeu fort d'Ariane de participer aussi à la réduction de nos réductions de CO2."
Actuellement en construction en Pologne, "Canopée" doit être mis à l'eau en décembre pour débuter son exploitation avec Ariane en février 2023, à raison d'une douzaine de rotations par an.