Négociations commerciales : les agriculteurs entendus
Publié : 3 mars 2022 à 8h48 - Modifié : 3 mars 2022 à 8h52 par Dolorès CHARLES
Les négociations commerciales viennent de s'achever, entre les industriels de l'agroalimentaire et la distribution, et les agriculteurs sortent plutôt satisfaits. Ils ne seront pas les seuls à payer, et à assumer la hausse des coûts.
Cette année, ces négociations commerciales entre industriels de l'agroalimentaire et grande distribution, étaient particulièrement tendues, sur fond d'augmentation des coûts de production dans l'agriculture : les prix de l'énergie, des engrais, des aliments pour le bétail n'en finissent pas de grimper. Au final, d'après les premiers échos des négociations, il semble que la loi Egalim 2 et la vigilance des éleveurs aient porté leurs fruits : les industriels et la grande distribution semblent prendre en compte les difficultés des agriculteurs.
Le consommateur paiera
Faut-il comprendre que la hausse des coûts de production sera supportée par les consommateurs ? La réponse d'Alexandre Castrec, éleveur de vaches laitières et président des Jeunes Agriculteurs du Finistère : "in fine, oui. On n'aura pas le choix : notre production a une valeur, si tout le monde veut garder sa marge dans la filière, c'est le consommateur final qui paiera. Les hausses seront minimes : dans les grandes surfaces, si on arrive à avoir 5 centimes de hausse sur un litre de lait, déjà ce serait énorme... Sur l'ensemble des produits, je n'ai pas les calculs, mais si on mettait déjà 10 euros en plus, par mois et par consommateur, ça couvrirait toutes les hausses des matières premières agricoles."
Moins d'engrais = moins de blé -> augmentation du cours
A l'issue des négociations commerciales, les agriculteurs ont donc l'espoir de pouvoir absorber la hausse de leurs coûts de production, mais voilà : dans le contexte de guerre en Ukraine, rien n'est réglé. Les prix du blé, des aliments pour le bétail, de l'énergie poursuivent leur hausse, et ils peuvent avoir des effets en cascade. Exemple avec le prix de l'engrais, fabriqué à partir du gaz :
"L'année dernière, au printemps 2021, on achetait de l'engrais, type ammonitrate, autour de 300 - 320 euros la tonne. Au mois de septembre dernier, on est arrivé à 400 euros la tonne. Fin janvier cette année, on était à 805 euros la tonne... Si ça continue comme ça, comme le prix de l'engrais est indexé sur le prix du gaz, avec le conflit ukrainien, le coût de l'engrais va monter. Si le coût augmente trop, les agriculteurs, au niveau mondial, en mettront moins, donc une baisse de rendement en blé. Moins de production, une augmentation du cours du blé encore sur les marchés l'année prochaine..."
Pénurie dans les rayons ?
Cette crise ukrainienne entraîne une hausse rapide des prix des aliments pour animaux d'élevage, l'Ukraine et la Russie étant de gros exportateurs de blé, de maïs, de tournesol (la moitié du maïs importé en Europe vient d'Ukraine). Les éleveurs de vaches laitières, comme Alexandre, pourraient être tentés de limiter leurs achats d'aliments, voire de réduire leur troupeau. Le conflit ukrainien pourrait accélérer la baisse de production laitière déjà entamée, et avoir des conséquences dans les rayons :
"On vivait dans une situation où il y avait une légère surproduction au niveau mondial, et là depuis un an et demi, il y a de moins en moins de monde à produire du lait. Si on donne moins à manger aux vaches, elles feront moins de lait. Si tout le monde se met à produire moins de lait, au niveau breton, français, européen, voire mondial, on va recréer une pénurie de produits laitiers dans certains rayons peut-être à la fin de l'année ou l'année prochaine..."
L'impact de cette hausse des coûts liée à la pandémie et à la guerre en Ukraine peut encore être amplifié par la météo, comme l'explique Alexandre à Yann Launay : "si on a un printemps favorable à la pousse de l'herbe, on aura un fourrage de qualité pour mettre nos animaux dehors, donc on pourra baisser les consommations d'aliments achetés, et maintenir une production laitière. Mais arrivé au mois d'août, septembre, et surtout si on a un été sec et s'il faut augmenter la part de maïs dans les rations, l'équilibre va changer, ce sera plus compliqué..."
Une réunion est prévue dans quelques jours, entre agriculteurs et représentants de la grande distribution, pour faire le point sur les prix et les renégociations possibles en cours d'année.