"Ages et Vie" : des coloc' pour seniors au lieu des EHPAD
Publié : 9 février 2022 à 10h10 - Modifié : 10 février 2022 à 8h08 par Dolorès CHARLES
Alors que certains EHPAD sont sous le feu des critiques, avec les scandales Orpéa et Korian, mettons en lumière un concept alternatif qui veut retrouver une dimension humaine dans l'accompagnement des personnes âgées : les colocations "Ages et Vie". Reportage en Bretagne avec Yann Launay.
Les plaintes pour maltraitances s'accumulent envers Orpéa ou Korian, après la publication du livre-enquête "Les Fossoyeurs" de Victor Castanet, une enquête est même ouverte au Parquet de Nantes après un décès survenu dans un EHPAD en 2014. Mais d'autres groupes prennent soin de nos anciens. Hit West a décidé de mettre en avant un concept alternatif qui veut retrouver une dimension humaine dans l'accompagnement des personnes âgées : les colocations "Ages et Vie", qui viennent d'arriver dans l'Ouest et qui se développent rapidement.
"Ages et Vie" : des coloc' pour personnes âgées
Ces colocations sont de grandes maisons, construites par 2 ou par 3, et qui accueillent chacune 8 résidents. Ces derniers disposent d'un espace personnel mais partagent les repas et la grande salle de séjour selon leurs souhaits. Ils sont aidés par des auxiliaires de vie, dont certaines vivent sur place, à l'étage, et peuvent intervenir la nuit en cas de besoin. Ces colocations s'implantent souvent dans de petites communes rurales. Exemple à Taupont, près de Ploërmel, dans le Morbihan, première colocation ouverte par "Ages et Vie" en Bretagne, il y a un an. Deux maisons voisines accueillent au total 16 personnes âgées.
Edith fait partie des résidentes : elle ne pouvait - et ne voulait plus - vivre seule chez elle, mais ne voulait pas se retrouver en EHPAD. Edith se dit ravie de son choix au micro de Yann Launay.
"On a l'impression d'être avec des amis, l'ambiance est bonne. Il y a 6 auxiliaires de vie : elles arrivent le matin avant le petit déjeuner, et le soir elles partent à 8 heures et demi, mais la nuit on a aussi quelqu'un de permanence, et on a tous une petite sonnette sur nous, pour si jamais on a un problème...[ Vous vouliez éviter d'aller en EHPAD pour quelle raison ? ] C'est une trop grosse collectivité pour moi... Ça me fait penser à mes années de pensionnaire. Alors qu'ici on ne sent pas ça, on se sent libre..."
Des personnels ravis de travailler à Taupont
Les auxiliaires de vie sont nombreuses à avoir connu les EHPAD, comme Sabrina, qui a travaillé en EHPAD puis comme aide à domicile, mais qui préfère de loin son poste actuel à la colocation de Taupont : "On prend soin d'eux, on a le temps de parler avec eux, de faire leur douche... En Ehpad, j'ai vu de la maltraitance sur les personnes âgées : il faut courir parce qu'il y a beaucoup de résidents et pas assez de personnel... Je suis très contente d'être ici en tous cas."
Pour Anita, responsable adjointe de la colocation de Taupont, même si le travail dans la colocation peut aussi être exigeant (surtout en ces temps de covid), pas question de repartir un jour en EHPAD : "Ça n'a rien à voir, là les gens n'ont pas d'heure pour se lever, ils se lèvent à l'heure qu'ils veulent. L'obligation c'est de prendre les repas ensemble le midi et le soir, mais il n'y a pas d'heure pour se coucher non plus, ils vivent leur vie, ils sont chez eux... Je trouve que c'est un super concept... Mais il ne faut pas que les personnes soient trop dépendantes : on a eu des cas un peu lourds et du coup là c'est plus fatigant : c'est une équilibre à trouver entre la dépendance et le personnel, il faut en fonction de la dépendance, augmenter le personnel."
Un accompagnement au quotidien
Ces colocations cherchent à trouver le bon dosage entre la liberté des personnes âgées et l'assistance au quotidien, loin du fonctionnement d'un EHPAD, comme l'explique Tony Philias, responsable régional Bretagne "d'Ages et Vie" à Yann Launay.
"Là, on est vraiment sur quelque chose de convivial, de personnalisé, un accompagnement au quotidien, on connaît son auxiliaire de vie, on peut échanger avec elle quand ça ne va pas, on prend le temps... On est sur du domicile partagé, sécurisé : ils (les résidents) ont un espace personnalisé, indépendant, de 30 m2 minimum, avec une sortie sur l'extérieur, indépendante, pour recevoir leur famille, leurs amis, aller et venir comme ils veulent, c'est vraiment chez eux, et on reste dans sa vie locale comme on en avait l'habitude."
Une prise en charge, pour quel budget ?
Ce principe de colocation ne peut pas se substituer dans tous les cas à l'EHPAD, car les résidences partagées "Ages et Vie" ne peuvent pas accueillir tous les profils de personnes âgées. Pour Tony Philias, il y a "un reste à charge chez nous d'environ 1600 / 1800 euros, contrairement à des EHPAD, où on est sur des tarifs bien plus élevés. Evidemment, ces dispositifs ne sont pas adaptés à tout le monde, cela va dépendre des troubles cognitifs de certaines personnes, par exemple une personne qui aurait tendance à fuguer ne pourrait pas être admise chez nous..."
Ils vont pouvoir se retrouver
Si tous les profils ne peuvent être accueillis, l'inverse existe aussi. Des possibilités sont offertes dans ces colocations comme par exemple "l'accueil d'animal de compagnie. On peut aussi venir en couple : sur une future collocation qui va ouvrir dans le 44, madame est actuellement en EHPAD, elle ne peut plus rester à domicile, et monsieur est seul à son domicile. Ils vont pouvoir se retrouver ..." "Ages et Vie" se développe rapidement, en Bretagne et Pays de la Loire, où pas moins de 40 projets devraient sortir de terre dans les deux ans qui viennent.