Procès des attentats du 13 novembre 2015 : les rescapés témoignent

Publié : 8 septembre 2021 à 8h42 - Modifié : 8 septembre 2021 à 9h21 par Dolorès CHARLES

Bataclan
Bataclan
Crédit : Dolorès Charles

C’est la plus grande audience criminelle jamais organisée en France, le procès des attentats du 13 novembre 2015 s'ouvre ce mercredi. Témoignages de rescapés.

Le procès des attentats du 13 novembre 2015 s’ouvre aujourd'hui, à Paris. Il devrait durer 9 mois, avec plus de 300 avocats et 1800 parties civiles parmi lesquelles Yann Lafolie, un Francilien fan de "l’En avant Guingamp", qui a des attaches familiales dans les Côtes-d’Armor. Yann était au Bataclan le 13 novembre, avec sa sœur et sa compagne. Ils sont dans la fosse quand les terroristes commencent à tirer, et Yann aidera sa sœur grièvement blessée à s’échapper de la salle.

Cinq ans après, qu’attend-t-il de ce procès ? 

« Différentes impressions, entre de l’attente, un empressement que ça commence et puis aussi, que ces 8-9 mois passent vite, pour qu’on puisse enfin avoir un verdict. Je ne pense pas que les accusés vont faire de grandes révélations… Ce qui va se passer, c’est surtout beaucoup d’émotion par rapport aux témoignages des victimes qui vont s’exprimer… »

Yann Lafolie
Yann Lafolie
Crédit : Yann Launay

Retrouver une dynamique de vie

Yann Lafolie explique ne plus ressentir ni haine ni colère face aux accusés. Lui qui a vécu une psychothérapie de deux ans dit "avoir retrouvé une dynamique de vie" :

« La colère peut être nécessaire mais quand elle est présente dans la durée cela n’apporte rien, et même si par moment ça a pu occuper mon esprit, ce n’est pas ce qui prédomine… C’est juste des interrogations, peut-être : pourquoi c’est arrivé, pourquoi un être humain commet un tel acte ? Mais après, si je suis tout le temps dans le violent ressentiment à l’égard de ces personnes, ça ne m’empêche d’avancer… »

Yann Lafolie
Crédit : Yann Launay

Life for Paris

Arthur Dénouveaux, président de l’association « Life for Paris », fait la dernière page de Ouest-France ce matin (en mode portrait). Ce « Breton de cœur », dont les parents vivent à Groix dans le Morbihan, était lui aussi au Bataclan le 13 novembre 2015.  Alors que s’ouvre le procès, Arthur éprouve des sentiments contradictoires :

« Il y a une grande impatience à ce que cela commence et il y a une grande impatience à ce que cela termine… Cela va être une épreuve très longue de 9 mois : les évènements vont être décortiqués, pendant 5 semaines les parties civiles vont venir témoigner, et on sait que c’est quelque chose qui va en permanence nous remettre les images en tête, et ça va être très dur… »

Arthur Dénouveaux
Crédit : Yann Launay

Deux catégories d'accusés dans le box

Ce procès permettra peut-être d’apporter d’éclairer les zones d’ombre qui persistent, malgré une instruction longue et minutieuse : « il y a encore des pièces du puzzle qui manquent. On ne sait pas encore tout sur la préparation (...) on n’est même pas sûr de l’identité de l’un des kamikazes du stade de France. Il y a plein de questions qui se posent, ce n’est pas sûr qu’on les trouve, et ce n’est pas sûr que ce soit ce que nous parties civiles soyons venus chercher. »

"J’ai envie de venir déposer ... ma peine"

La possibilité d’obtenir des éléments nouveaux, des réponses de la part des accusés, reste limitée, mais existe bel et bien, pour Arthur, qui souligne la présence dans le box de deux catégories d’accusés :

« Il y a des gens, comme Salah Abdeslam, Bakkali, Abrini, qui sont des terroristes qui ont commis plusieurs attentats, et qui eux sont quasi certains, à la fois en Belgique et en France, de prendre la peine maximale. Le reste de leur vie va se dérouler en prison, ils n’ont quelque part aucune raison de collaborer, cela risquerait de détruire leur image de gros durs en prison… En revanche, il faut voir que dans le box, il y a des gens qui ont fait le taxi, qui ont donné des armes… C’est possible que eux choisissent de donner des réponses, en espérant une forme de clémence de la Cour… »

Arthur Dénouveaux
Crédit : Yann Launay

Mais finalement, ce ne sont pas forcément des éléments nouveaux qu’Arthur, comme d’autres victimes, attend de ce procès : « moi je viens chercher quelque chose qui va mettre, pas un point final, mais au moins tourner plusieurs chapitres dans ma vie de victime, pour que peut-être un jour je puisse dire que j’étais victime, mais que je ne le suis plus… Un témoignage de partie civile dans un procès, ça s’appelle aussi une déposition : j’ai envie de venir déposer ce qui m’est arrivé, déposer ma peine, et espérer qu’en faisant cela, quelque part, je n’ai pas à la reprendre en sortant de la salle d’audience… »