Les intermittents font le spectacle, mais ne sourient pas

16 mars 2021 à 13h30 - Modifié : 16 mars 2021 à 16h04 par Dolorès CHARLES

HIT WEST
Crédit : Cédric Mané (Hit West)

Il y a eu les César, marquée par une vague de colère et d'indignation portée par les acteurs-trices, les cinémas mobilisés pour une réouverture immédiate des salles le week-end dernier, et puis depuis quasi une semaine les théâtres sont occupés par les intermittents. D'abord à Nantes, puis à Brest, Rennes, etc.

Les occupations de lieux culturels se multiplient dans l'Ouest. Le Quartz à Brest, le théâtre du Carré Magique à Lannion, le théâtre de Saint-Nazaire, le Grand Théâtre à Lorient, le Théâtre national de Bretagne à Rennes, le Quai à Angers. A Nantes, l'occupation du théâtre Graslin dure depuis une semaine (10 mars). Une quarantaine de personnes y passent leurs journées et pour certains leur nuit. Pour ce qui est des revendications, pas de surprise : la réouverture des lieux culturels, une prolongation des droits à l'assurance chômage au-delà du 31 août et des budgets supplémentaires. L'aide de 30 millions d'euros, annoncée par le Ministère de la Culture, n'est pas jugée suffisante.

D'autres aides existent au niveau local : la ville de Nantes a mis la main à la poche et lancé un plan de soutien, doté d'un million d'euros en 2020 et d'autant cette année, et ce à destination d'une dizaine de théâtres associatifs ou privés. A Graslin, lieu historique de l'opéra dans l'Ouest, les intermittents mobilisés sont loin d'être les mieux lotis. Ce sont pour beaucoup des comédiens de théâtre de rue, des musiciens, danseurs et "des habitués" aux petites salles, à l'écart des scènes nationales comme le Lieu Unique et ses 5,5 millions d'euros de budget annuel, ou Nantes-Angers Opéra et ses 10 millions par an.

Les Bien nourris et les autres

Depuis des années, une partie du monde du spectacle râle contre un partage des budgets alloué à la culture "inégal", avec d'un côté les petites troupes qui tirent la langue, et de l'autre les BN, les "Bien Nourris", en référence au célèbre biscuit local. Pour eux, tant que les scènes, les bars et les petits festivals seront fermés, il n'y a pas d'issue. C'est ce qu'explique la chanteuse du groupe nantais Johanna Reyjasse and the Bell Orchestra.

Johanna Reyjasse

"Je bossais plus dans de petits endroits, qui sont aujourd'hui fermés. Il n'y a pas que les festivals, il y aussi les théâtres, les cafés, les restaurants.
On peut en démarcher quelques-uns, les plus gros, mais c'est hyper épuisant de créer des projets, de démarcher et que derrière tout referme... et je ne me sens pas du tout à l'aise de démarcher des lieux, qui sont dans la même "merde" que nous. Dans tous les cas, on est tellement nombreux qu'il n'y aura pas assez d'opportunités pour tout le monde".

Quand bien même les lieux ouvriraient cet été, Johanna estime qu'elle n'aura pas le temps de mettre en place une tournée et de "faire ses heures". D'où le besoin, pour elle, de repousser les droits à l'assurance chômage après le 31 août - la date arrêtée par le gouvernement l'an passée.

Ils demandent plus de soutien

Les techniciens et les organisateurs cherchent des solutions pour pallier la crise sanitaire et culturelle actuelle, et cela passe par un soutien des collectivités et du public, explique Nicolas, régisseur de spectacles.

Nicolas, régisseur

"Les petites associations et structures sont déjà sur des budgets très tendus depuis plusieurs années, donc pour eux ça va être très compliqué s'il n'y a pas un appui des pouvoirs publics. Des budgets peuvent se trouver, sur de petites jauges car les budgets y sont moins importants que sur des dizaines de milliers de personnes. Donc avec une réouverture en douceur sur des jauges à 50 ou 100 personnes, je pense que financièrement, ça peut passer. Je pense que le public entendrait de payer un peu plus sa place, ce qui pourrait pallier certains manques".

Des prises de paroles (agoras) et des spectacles sont donnés chaque jour sur la place Graslin, devant le théâtre.

Un reportage de Cédric Mané.