Le Carnet : stop ou encore

Publié : 2 mars 2021 à 9h42 - Modifié : 7 octobre 2021 à 9h45 par Alexandra BRUNOIS

HIT WEST
Crédit : Stop Carnet

Au Carnet, le projet du port autonome de Nantes Saint-Nazaire a ses partisans et ses opposants. Un point de situation avec Cédric Mané.

Il y a le serpent de mer de Saint-Brévin, une oeuvre d'art contemporain installé ici par le projet artistique "le Voyage à Nantes", et puis il y a cet autre serpent de mer, plus ancien, c'est ce projet d'aménagement du site du Carnet, sur la rive gauche de l’estuaire de la Loire, entre Nantes et Saint-Nazaire.

Près de 400 hectares d'une zone remblayée rendue à la nature depuis cinquante ans et un projet de centrale nucléaire abandonné. Le Port autonome Nantes Saint-Nazaire veut aujourd'hui y aménager une centaine d'hectares pour y créer un « parc d'entreprises écotechnologiques orienté sur les énergies marines ».

Mais il y a des opposants, des habitants des environs de Frossay et Saint-Viaud, ainsi que des zadistes, des militants venus s'installer sur le site pour empêcher la création de ce parc.

Dans cette affaire à multiples épisodes, le dernier événement en date se déroulait en fin de semaine passée devant le tribunal administratif de Nantes : les maires des communes de Frossay et Saint-Viaud, où se situe le Carnet, ont demandé au tribunal d'ordonner au préfet de procéder à l'expulsion des zadistes. Une demande acceptée par la Justice et validée par le Préfet.

Pour le moment, les cinquante zadistes qui peuvent être expulsés à tout moment restent toutefois en place... dans une forme assez proche de ce qui a été construit à Notre-Dame-des-Landes pendant la lutte contre le projet d'aéroport.

Sur le fond chacun tient des positions très opposées...

LE CARNET : UN PORT, DES EMPLOIS

L'association "Le Carnet, un port des emplois" porte bien son nom: ce groupe voit sur le site du Carnet un espace idéal pour développer l'activité économique, notamment l'aménagement d'un quai pour recevoir et envoyer de grandes pièces, comme des éoliennes, explique le porte-parole Mathias Croizet

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« Au Carnet, on a une zone en friche depuis pas mal d’années qui est destinée à accueillir des projets de développement économique et qui est déjà artificialisée. Des espèces invasives s’y sont développées, c’est une vasière en fait. Et c’est une zone où on a 200 mètres de libre en bord de Loire sur lequel on peut facilement installer un quai, et aujourd’hui en Loire-Atlantique c’est une configuration unique ».

L'autre argument est évidemment lié, c'est l'emploi, sur un territoire qui va en perdre à long terme du fait de la réduction d'activité programmée de certains mastodontes, explique Mathias Croizet :

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« Aujourd’hui le développement durable génère un nombre important d’emplois, et notamment l’éolien en mer. Alors ces emplois, ils peuvent être mis en Bretagne, en Normandie, mais ils peuvent aussi être mis en Belgique ou au Pays-Bas. Nous on préfèrerait que ce soit en Loire-Atlantique.
Nous, on a l’opportunité, si on veut amorcer la transition écologique et créer des emplois durables et qualifiés sur un bassin d’emploi qui est plutôt sinistré, c’est la raffinerie de Donges et la centrale de Cordemais, ce ne sont pas des industries d’avenir. Donc là on a l’opportunité de mettre des emplois de qualité sur cette zone il faut en profiter ».

LE CARNET : LA DESTRUCTION D'UN ESPACE NATUREL

Il y a donc l'emploi, mais aussi l'impact environnemental, ce qui met le collectif "Stop Carnet" vent debout face à ce projet. La porte-parole Gabriella Marie voit venir la destruction d'un espace naturel:

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« Le Carnet c’est une ancienne île, et sur cette zone qui est redevenue naturelle, il y a 116 espèces menacées, c’est l’un des derniers couloirs migratoires d’Europe, les oiseaux viennent s’y reposer, et qui plus est c’est 51 hectares qui vont être détruits à jamais.
Quand vous allez sur le site du ministère de l’Ecologie, ils vantent le mérite des zones humides, et là on est sur un projet ahurissant qui est écocidaire, je pèse mes mots, qui va massacrer cinquante hectares de zone humide et impacter durement la faune et la flore ».

Le projet est, à ce jour, à l'arrêt, en tout cas sur le terrain: le port autonome a été sommé d'établir un inventaire de la faune et de la flore présente sur place avant d'entamer les travaux. C'est donc parti pour une année d'étude. Sur les 400 hectares que compte le site, une centaine sera aménagée, dont la moitié de zone humide, et 280 sont supposées être sanctuarisés, donc non aménageables: ce sont des zones dites "de compensation". Du vent, selon Gabriella Marie:

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« On parle de ces fameuses zones de compensation, mais je ne pense pas qu’avec la pollution lumineuse et le bruit, les animaux vont continuer à nicher sur le Carnet même s’ils ne sont pas dans la zone qui va être durement touché. C’est ahurissant, il est impossible que tout le Carnet ne soit pas durement touché. C’est une vaste fumisterie, il faut arrêter ».

Le projet lui devrait prendre du temps : les entreprises candidates à ce projet porté par "Business France" ne sont pas connues, le port autonome ne donne pour le moment pas de nom. Des sources proches de ce dossier estiment qu'à ce jour, il n'y aurait pas de candidat officiel pour s'installer au Carnet. En Loire-Atlantique, les gros chantiers communiquent: il est envisagé d'utiliser les gravats de la destruction de l'actuel CHU de Nantes pour construire le terrassement au Carnet.