La grogne des livreurs à scooter se poursuit
Publié : 19 avril 2021 à 16h06 - Modifié : 7 octobre 2021 à 9h45 par Cédric Mané
Il y a un mois entrait en vigueur l'arrêté d'interdiction de la circulation des livreurs de repas à scooter dans certains rues de la ville de Nantes. La majorité d'entre eux travaillent pour les grandes plateformes de livraison à domicile comme Uber eats ou Deliveroo. Et depuis à Rennes comme à Nantes des temps de grève ont eu lieu.
Selon ces centaines de "forçats de la croûte" comme ils ont été baptisés, cet arrêté représente une perte de temps et donc de revenus. C'est ce que détaille Abdul, l'un des meneurs du Collectif des livreurs nantais en lutte.
Abdul 1
"Ça change beaucoup de choses, les courses que tu dois livrer à pied, ce n’est pas possible, tu ne peux pas en fait. Pour une commande, avec le temps l'attente au restaurant, avant tu pouvais faire dix ou quinze minutes. Maintenant c’est trente ou quarante minutes.
La commande que je fais là tout de suite, je vais aller à pied la chercher puis je vais aller livrer à un km d’ici. la commande est payée à deux euros, le temps d’arriver au restaurant et livrer la commande, je vais faire 40 minutes. Imagine, tu es payé quatre euros pour une heure, c’est grave".
Abdul, membre du Collectif Livreur nantais en lutte @CédricMané
Les quelques 700 livreurs de repas qui sillonnent l'agglomération de Nantes se sont organisés car pour eux cet arrêté représente une perte de temps et donc de revenus. Concrètement combien leur reste-t-il à vivre après une journée de travail: c'est très variable, de 600 à 2000 euros avant d'avoir payer leur charges sociales car ils ne sont pas salariés mais entrepreneurs. C'est ce que détaille Abdul, l'un des meneurs du Collectif des livreurs nantais en lutte.
Abdul des livreurs nantais en lutte
"Vendredi dernier j’ai fait 25 courses et je suis sorti avec 70 euros. Imaginez vous ! C’est grave. Pour vivre il va me rester 30 euros, car je vais payer les taxes, les frais d’essence et de réparation du scooter. Qu’est ce que ca va faire ? Je ne vais même pas payer le loyer."
De son côté Uber Eats indique avoir lancé un dialogue social, la société amricaine a fait ses calculs: selon elle une heure de travail rapporterait entre 8 et 12 euros sur les six heures durant lesquels il y a le plus de livraison, c'est-à-dire pendant les repas.
A noter que la marque mondiale est par ailleurs depuis 2020 sponsor officiel de la Ligue 1 de football, pour un montant de 8 millions d'euros par an.
DES LIVREURS SOUTENUS
Les livreurs sont soutenus par des syndicats et des partis politiques d'opposition à l'alliance PS/Vert/UDB qui dirige la ville de Nantes. LA CGT au niveau syndical, et le parti Nantes en Commun dont est membre Clément Barrailla, ce militant explique pourquoi cette limitation de la circulation pour les livreurs à scooter est selon lui particulièrement injuste et contestable.
Clément Barrailla
"Il devait y avoir une période de transition mise en place par la mairie en disant « pendant un mois on ne vous met pas d’amende », la réalité c’est qu’il y en eu tout de suite parce que la police municipale a verbalisé les livreurs dès le premier jour, certains ont reçu sept amende en une journée.
Pourquoi la mairie n’envoie pas les amendes à Uber Eats et Deliveroo plutôt qu'à des livreurs qui gagnent parfois 85 centimes par course, et qui n’ont pas de quoi se rémunérer? Les livreurs ont investi dans des scooters et ne vont pas pouvoir les rentabiliser. Ça ne tape absolument pas sur les plateformes qui vont continuer de s’engraisser de la même manière".
@Cédric Mané
Les livreurs sont soutenus par des syndicats comme la CGT et des partis politiques... Le parti Nantes en Commun soutient les livreurs et estime que la ville de Nantes ne fait jouer que la carte de la répression au lieu de proposer des alternatives, comme celle proposée par Morgane Petiteau de Nantes en Commun :
Morgane Petiteau de Nantes en Commun
"Ce qu’on questionne c’est ce modèle de société qui fait qu’on se fait livrer chez nous de façon individuelle en ayant des esclaves modernes qui nous apportent la nourriture pendant qu’on reste tranquillement.
On a envie de repenser à un univers beaucoup plus commun autour de l’alimentation également, et pourquoi pas imaginer des espaces où les personnes qui aujourd’hui sont livreurs font aller faire du maraîchage dans une coopérative agricole et venir cuisiner la nourriture en centre ville et que les personnes viennent chercher leur repas ou manger en commun autour de grandes tablées. Ce n’est pas possible immédiatement mais en tout cas c’est un futur qui est plus prometteur que celui proposé par uber Eats ou Deliveroo".