Dupont de Ligonnès : la traque des cyber-enquêteurs

Publié : 7 avril 2021 à 14h15 - Modifié : 8 avril 2021 à 4h34 par Dolorès CHARLES

HIT WEST
Crédit : pixabay

C'était il y a 10 ans, l'assasinnat de la famille Dupont de Lignonnès à Nantes, et la fuite du suspect numéro 1, le mari et père de famille, Xavier Dupont de Ligonnès. Cédric Mané a rencontré de discrets cyber-enquêteurs.

C'est entre le 3 et le 6 avril 2011 que Xavier Dupont de Ligonnès aurait assassiné sa femme Agnès, et ses quatre enfants : Arthur (20 ans), Thomas (18 ans), Anne (16 ans) et Benoît (13 ans). Les corps ont été retrouvés une dizaine de jours plus tard le 21 avril 2011, dans leur maison du boulevard Schuman, devenue tristement célèbre à Nantes. Tous les cadavres avaient été ensevelis sous la terrasse, un objet religieux à proximité, ainsi que les deux labradors de la famille. Depuis XDDL est introuvable. Le père de famille a été vu pour la dernière fois le 15 avril à Roquebrune-sur-Argens, dans le Var.

Une affaire et des soubresauts médiatiques

Depuis le fiasco de la fausse arrestation en octobre 2019 d'une personne supposée ressembler à Xavier Dupont de Ligonnès, les enquêteurs de la Police Judiciaire et le parquet de Nantes n’évoquent quasiment plus l’affaire en public et à la presse. Mais des enquêteurs il y en d’autres, sur le web notamment, ils disposent d’outils étonnants pour traquer des personnes qui se sont volatilisées. Le nantais Charles-Axel Dein développe des sites internet, et il est surtout un passionné de cybersécurité. Charles-Axel Dein connaît très bien les possibilités techniques infinies proposées par l’internet pour retrouver la trace d’un fugitif ou d'un disparu. Parmi ces outils, il y a ce que les enquêteurs du web appellent "le pot de miel", une fausse information diffusée en ligne pour voir où et par qui elle est consultée, dans le monde entier.  

Charles-Axel Dein 1 

« En fait c’est un piège, c’est un peu ça le concept, on pourrait utiliser le principe avec Xavier Dupont de Ligonnès en créant un faux scoop, en disant qu’on a des informations absolument nouvelles à révéler sur cette affaire, et voir qui s’intéresse(nt) à cette information, à ce faux scoop, voir si les connexions viennent d’endroits isolés & d’endroits en particulier… En partant du principe que vu l’organisation déployée par Dupont de Ligonnès pour organiser les crimes, il sera intéressé par les suites de l’affaire et donc intéressé potentiellement par ce faux scoop... Quand on se connecte sur un site, on peut savoir énormément de choses sur la personne (qui se connecte), on peut savoir d’où elle vient et quand on est un service de police, on peut avoir une localisation très précise ».

Autre technique possible : la reconnaissance faciale. Des expériences ont permis de reconnaître et d’identifier des visages totalement inconnus ainsi que les lieux eux aussi très difficile à situer.

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« Il y a cette expérimentation faite par des chercheurs en sécurité, ils ont posté cette photo d’un inconnu dans un endroit lui aussi inconnu, et ensuite ils ont demandé à une communauté d’identifier à la fois la personne et le lieu. Alors que cette photo n’avait jamais été diffusée sur internet. Et en quelques mois des chercheurs en cybersécurité ont identifié cette personne, un Coréen du Sud et le lieu, un village en France. Donc voilà avec beaucoup de gens et de temps, on peut identifier des n’importe qui n’importe où sur internet. Le risque c’est d’avoir beaucoup de faux positifs, beaucoup de photos et de gens qui se ressemblent, car beaucoup de gens auront tenté l’expérience... Le risque c‘est donc d’avoir beaucoup de bruit, & de perdre beaucoup de temps à analyser tout ça ».

Les algorithmes pourraient détecter des points communs

Une autre stratégie est beaucoup plus improbable mais elle existe, c’est la reconnaissance du style d’écriture, avec un système d'algorithmes qui sauraient détecter des points communs entre l’écriture de Xavier Dupont de Ligonnès et des notes diffusées en ligne écrites avec un style semblable.

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« Là c’est vrai que c’est plutôt une expérimentation à mener, mais c’est vrai qu’avec tout ce qui a été écrit par Xavier Dupont de Ligonnès on pourrait entraîner un programme pour identifier son style d’écriture, les fautes d’orthographe qu’il fait, etc. Et voir s’il n’y a pas une personne sur internet qui poste des contenus similaires... Google est un très bon exemple, il permet d’aller identifier immédiatement une tournure de phrase sur tout l’internet, donc c’est quand même très efficace ».

Les recherches sur le terrain et sur le web ont en commun d’être pleines d’incertitudes : rien que dans le Var où des fouilles ont été effectuées, il faudrait explorer environ 3000 crevasses de plus de dix mètres de profondeur pour éventuellement retrouver le corps du père de famille. Une recherche tout aussi complexe que celles effectuées sur le web par des milliers de cyberenquêteurs.

Une interview de Cédric Mané.