17 mars 2020 : le cluster d'Auray, 1er de l'Ouest
Publié : 17 mars 2021 à 6h57 - Modifié : 7 octobre 2021 à 9h45 par Alexandra BRUNOIS
Le 17 mars 2020, cela faisait déjà 15 jours que le Pays d'Auray était confiné... le secteur faisait alors face au 1er cluster de l'Ouest, le 3ème de France. Une situation qui a incité le Morbihan a lancé une étude de prévalence, 1er du genre en France. Combien de morbihannais ont été en contact avec le Covid ? Les résultats ont été surprenants. Une interview de Yann Launay
Quand le confinement national démarre, le 17 mars, les habitants du pays d'Auray vivent déjà depuis 15 jours avec des écoles, des piscines, des cinémas fermés, et les rassemblements sont interdits dans tout le Morbihan. Détecté fin février, le cluster morbihannais est le troisième en France, après l'Oise et la Haute-Savoie. Une situation qui incitera le Conseil départemental à lancer une étude de prévalence, la première du genre en France. Objectif : estimer le nombre de Morbihannais ayant été en contact avec le coronavirus. Ce sont des échantillons sanguins prélevés "en routine"dans des laboratoires de ville, dans des hôpitaux, qui vont être analysés par le laboratoire départemental. Le principe est de chercher trace des anticorps spécifiques que l'organisme produit pour répondre au nouveau coronavirus.
#Covid19 #Morbihan La prévalence dépasse les modélisations ministérielles avec entre 5,4 et 9,7% de la population en contact avec le virus avant le 1er mai: soit un taux significatif de cas asymptomatiques ou pauci-symptomatiques @OPENHEALTH_Co @thomaqu https://t.co/cTk39KflB4
— HOSPIMEDIA (@HOSPIMEDIA) June 5, 2020
L'étude montrera, en mai 2020, qu'une proportion importante de Morbihannais avait déjà été en contact avec le virus, beaucoup plus que les chiffres avancés par les pouvoirs publics, comme le souligne François Goulard, président du conseil départemental du Morbihan, ancien ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche :
Écouter le podcast
"C'est 10% quand on additionne les différentes catégories d'anticorps. De manière plus prudente, il est certain qu'il y avait plus de 6% de Morbihannais ayant été en contact avec le virus, ce qui est considérable, c'est beaucoup plus que le nombre de cas répertoriés à l'époque, avec des méthodes assez sommaires qui consistent à regarder qui est malade, qui va à l'hôpital... Il est clair que dès cette époque, il y avait davantage de personnes qui avaient été en contact avec le virus sans développer de symptômes..."
AURAY PAS PLUS TOUCHE QUE LE RESTE DU MORBIHAN
Un comparatif est fait entre d'une part les habitants du cluster d'Auray, et le reste du département... Et surprise : les chiffres sont très proches
Écouter le podcast
"Les explications, on peut en avancer quelques unes : d'abord, un peu de temps avait passé, la maladie s'était répandue ailleurs, et aussi sans doute qu'il y a beaucoup d'échanges entre les différentes parties d'un département, et il y a des contaminations qui se répandent malgré les mesures qui avaient été prises à l'époque..."
Ces résultats peuvent aussi refléter une circulation précoce du virus... et d'ailleurs les résultats de l'étude morbihannaise peuvent être rapprochés d'une étude que l'INSERM (l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) vient de publier. L'Institut à utilisé les échantillons de sang prélevés régulièrement depuis 2012 sur 9000 français, et congelés pour servir de cohorte de référence. Résultat : en mars 2020, 6,7% des français adultes avaient sans doute été en contact avec le virus. 5% en janvier 2020... et 1,9% dès le mois de novembre 2019...
UNE ETUDE STOPPEE ET PAS IMITEE
Si l'étude morbihannaise avait pu être menée à son terme, elle l'aurait sans doute montré dès l'été dernier, puisque l'objectif initial était de compléter les premières analyses, en utilisant des échantillons antérieurs à mai 2020, et des échantillons postérieurs, de façon à obtenir une image fidèle de l'évolution de la circulation du virus... Alors pourquoi l'étude s'est-elle arrêtée ? La réponse de François Goulard :
Écouter le podcast
"Le laboratoire départemental d'analyses qui faisait ces analyses sérologiques, a été submergé par les analyses virologiques que l'on nous a demandées peu de temps après. Les laboratoires de biologie humaine eux aussi ont eu une activité considérable à partir de cette période : ils n'avaient plus la possibilité de faire ces prélèvements dans les "fonds de tube" pour constituer un échantillon... Cela a été stoppé par manque d'intérêt du milieu scientifique, des autorités sanitaires, et par de difficultés matérielles qui se sont présentées à ce moment-là..."
La prévalence du Covid-19 dépasse dans le Morbihan les modélisations ministérielles @hospimedia https://t.co/eqFuQqm4QN
— Sophie Mazé (@sophie_maze) June 8, 2020
Au printemps dernier, on aurait pu s'attendre à ce que l'étude morbihannaise retienne l'attention, et soit imitée sur une plus large échelle... Ce n'est pas ce qui s'est passé... François Goulard le déplore et a son idée sur ce qui peut l'expliquer
Écouter le podcast
"Le corps médical dans son ensemble, et l'administration de la santé n'étaient pas du tout préparés... On avait affaire à des gens qui développent des techniques pour soigner des malades, mais pas pour suivre une épidémie... Ensuite, il y a aussi le fait que dans notre pays terriblement centralisé, quand l'impulsion ne vient pas d'en-haut, c'est considéré comme inexistant... Une initiative prise par un petit département au fin fond de la Bretagne, cela a été considéré sans doute avec une sorte de dédain, et n'a suscité aucun intérêt..."