Mois sans tabac. Les ados adorent les puffs, ces nouvelles cigarettes électroniques flashy

Publié : 8 novembre 2022 à 15h30 - Modifié : 8 novembre 2022 à 15h30 par Dolorès CHARLES

Bureau de tabac - archives
Crédit : Yann Launay

Plus de 150 000 fumeurs sont inscrits à ce jour à l'édition 2022 du "Mois sans tabac", qui vient de démarrer en France, et dont l'objectif est de permettre aux fumeurs d'arrêter, sous 30 jours, en bénéficiant d'outils et conseils. Il s'agit aussi d'informer les jeunes attirés par les puffs : ces nouvelles cigarettes tendance, flashy et au goût fruité.

Alors que le Mois sans tabac démarre, avec plus de 150 000 français prêts à dire "Stop à la clope" gros plan sur la "puff", cette cigarette électronique jetable qui séduit de plus en plus de collégiens et lycéens. D'après une étude menée pour le collectif Alliance Contre le Tabac, 13% des adolescents français âgés de 13 à 16 ans ont déjà consommé une puff. Avec leurs couleurs vives et leurs goûts fruités, les puffs n'éveillent pas forcément la méfiance, d'autant que certaines d'entre elles ne contiennent pas de nicotine. Mais pour le Professeur Loïc Josseran, médecin et président de l'Alliance Contre le Tabac, l'utilisation de puffs n'a rien d'anecdotique, la menace de dépendance est réelle, avec ou sans nicotine :

"Ces produits là, même sans nicotine, peuvent entraîner et entraînent même une dépendance, c'est à dire qu'on prend l'habitude de rentrer dans un rituel qui va être d'aller acheter le produit, de l'ouvrir, de le porter à la bouche, de le manipuler, de tirer dessus, d'inspirer cette vapeur, etc. Tout ça et les fumeurs le savent très bien : le rituel et le geste font complètement partie de l'addiction. Même sans nicotine, c'est un produit addictif. S'il y a en plus de la nicotine avec des dosages qui peuvent paraître relativement faibles, on est à zéro 9,7 %., mais même à ces dosages, il faut bien réaliser que si on est sur une puff à 300 bouffées, on est sur l'équivalent d'un paquet de cigarettes en termes de nicotine."

Professeur Loïc Josseran
Crédit : Yann Launay

"On est en train de fabriquer les fumeurs de demain"

Le Professeur Josseran dénonce l'hypocrisie et l'irresponsabilité des buralistes, des soldeurs qui vendent des puffs : alors que la vente de cigarettes électroniques est censée être interdite au moins de 18 ans, les puffs visent clairement les adolescents. Et il est illusoire d' imaginer qu'une consommation épisodique est sans danger. Le lien entre l'utilisation de puffs et le tabagisme est établi : "La dépendance avec ces puffs arrive assez vite et elle arrive d'autant plus vite qu'on est jeune, que le cerveau est jeune... c'est à dire que quand on est sur des adolescents, voire des préadolescents de 11-12 ans, la dépendance va s'installer en quelques mois... Il faut faire très attention à ne jamais commencer à consommer ces produits là, ce ne sont pas des confiseries, ni des chewing-gum. Un jeune non-fumeur qui commence à utiliser une puff a 3 à 4 fois plus de chances de devenir fumeur qu'un jeune qui n'en aura pas utilisé. C'est démontré scientifiquement : c'est une vraie porte d'entrée vers le tabagisme. On est en train de fabriquer les fumeurs de demain."

Professeur Loïc Josseran
Crédit : Yann Launay

Une épidémie pédiatrique

Il est mensonger de faire passer les puffs pour des cigarettes électroniques comme les autres. La cigarette électronique peut aider à arrêter de fumer, pour la puff, c'est tout le contraire. Le Professeur Josseran, ancien interne du CHU de Rennes, et aujourd'hui professeur de santé publique à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, n'a pas d'opposition au fait d'utiliser une cigarette électronique comme outil de sevrage. "En revanche, je n'entends pas que la puff soit un outil de sevrage pour des fumeurs, qui ont déjà 20 ou 30 ans de tabagisme derrière eux. On est là sur un produit qui est marketé, utilisé essentiellement par les jeunes et très jeunes. C'est la cible commerciale de ce produit !"

Là, on est sur des parfums très sucrés et très suaves. On est sur du marshmallow, de la fraise rouge, rose... On est sur des choses qui sont très particulières, et on n'est pas sur les produits habituels de la cigarette électronique. On est vraiment sur un marché particulier dédié aux plus jeunes et c'est bien pour ça que je parle régulièrement d'une épidémie pédiatrique."

Professeur Loïc Josseran
Crédit : Yann Launay

L'Alliance Contre le Tabac demande l'interdiction des puffs

Pour le Professeur Loïc Josseran, joint par Yann Launay, le gouvernement doit agir sans attendre : "ce sur quoi il faut travailler pour qu'elle devienne interdite, c'est le risque qu'elle représente d'un point de vue sanitaire, pour l'entrée dans le tabagisme des plus jeunes, d'une part, et ensuite le risque environnemental et la menace environnementale qu'elle représente. Ces produits contiennent une batterie au lithium qui va être jetée avec le dispositif, dès que la consommation sera terminée, des résidus de liquide, du plastique, du métal, l'emballage, etc. Tout ça, on en voit de plus en plus sur les trottoirs des villes, c'est vraiment parfaitement inacceptable ! (...) C'est fabriqué en Chine, cela a traversé la moitié du monde pour arriver jusqu'en Europe. C'est utilisé dix minutes et c'est jeter n'importe comment, n'importe ou... et c'est une vraie source de pollution."

Professeur Loïc Josseran
Crédit : Yann Launay

Certains territoires comme la Nouvelle-Calédonie ont d'ores et déjà interdit l'importation des cigarettes électroniques jetables.