MeToo : 5 ans après la parole s’est libérée, mais le parcours est encore long

Publié : 29 novembre 2022 à 7h35 - Modifié : 29 novembre 2022 à 7h41 par Dolorès CHARLES

 #Metoo
Crédit : Pixabay

Alors qu'une nouvelle marche contre les violence faites aux femmes aura lieu à Rezé (44) ce samedi 3 décembre, d'autres marches ont réuni plusieurs centaines de personnes le week-end dernier à Nantes et Rennes. La journaliste Florence Pagneux a écrit un livre "Ce que nos filles ont à nous dire" et rencontré cette nouvelle génération de jeunes filles, qui a pleinement pris conscience du combat à mener et des enjeux.

Les violences sexistes et sexuelles, le harcèlement de rue, les inégalités hommes - femmes sont au cœur du débat depuis plusieurs années, en particulier depuis ce mois d’octobre 2017 et l’apparition des hashtag #MeToo ou #BalanceTonPorc en France, encourageant la parole des femmes, et les victimes à s’exprimer. Focus aujourd’hui sur l’enquête d’une nantaise : Florence Pagneux vient de publier "Ce que nos filles ont à nous dire" aux éditions La Mer Salée. Un livre né d’une enquête sociologique menée en Loire-Atlantique sur plus de 800 jeunes filles de 13 à 20 ans (*).

Une conscience accrue des difficultés

La journaliste a enrichi les résultats de ce questionnaire avec des enquêtes de terrain, lors d’une séance d’éducation à la sexualité dans un lycée, auprès de femmes souffrant d’anorexie ou lors d’un spectacle de cirque féministe. Cinq ans après Me Too, la situation a évolué pour Florence Pagneux, au micro d’Alexandra Brunois :

"Me Too a permis à ces jeunes filles d'être beaucoup plus lucides et conscientes des inégalités et des difficultés qui pèsent sur la vie des femmes et des jeunes filles en particulier. Ce que je trouve intéressant dans cette génération, c'est qu'elles ont une prise de conscience beaucoup plus précoce de tous ces enjeux-là. Et du coup, ce qu'elles disent aux générations d'avant, c’est prenez-en compte notre voix. Elle est importante, elle compte et on vous attend au tournant pour être vraiment écoutées cette fois ci !"

(*) Enquête d’Alexandra Benahmou et des sociologues Anaïs le Thellec et Clara Vince réalisée en 2020-2021.

Florence Pagneux
Crédit : Alexandra Brunois

Elles sont 84 % à ne pas s'habiller comme elles le souhaitent

La parole s’est libérée, mais la situation ne s’est véritablement améliorée avance Florence Pagneux : "c'est toute la particularité de cette génération, c'est qu'elle est massivement consciente de tout ça, elle dénonce cette situation, mais elle en est encore massivement victime. Il y a énormément de jeunes filles dans cette enquête qui disent être victimes de harcèlement de rue, elles sont huit sur dix à le subir... Elles sont quand même 26 % à déclarer avoir vécu des violences amoureuses avec leur petit copain. C'est un chiffre assez inquiétant ! Et elles sont 84 % à ne pas s'habiller comme elles le souhaitent, même en dehors de l'école. Le matin, quand elles s'habillent et qu'elles sont devant leurs armoires, elles se disent "Tiens, si je mets une jupe? Qu'est ce qui peut m'arriver aujourd'hui? Est-ce que ça va être risqué pour moi de m'habiller de manière féminine ? C'est vraiment des questionnements qui ont toujours existé, mais qu'elles ne veulent plus subir."

Florence Pagneux
Crédit : Alexandra Brunois

Elles se disent beaucoup plus féministes 

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 80% des jeunes interrogées ont déjà été confrontées au harcèlement de rue et 6 jeunes filles sur 10 disent avoir déjà eu un rapport sexuel sans en avoir envie. Les jeunes filles et femmes n’ont jamais été aussi féministes pour Florence Pagneux interrogée par Alexandra Brunois : "elles se disent beaucoup plus féministes que les générations d'avant. A partir de 17 ans, elles sont 7 sur 10 à se revendiquer comme telles et donc à avoir vraiment une volonté de changer les choses. J'ai suivi, par exemple des jeunes lycéennes qui ont créé un groupe Les Mains violettes, à Nantes. C'est une association qui se mobilise justement contre les violences faites aux femmes et aux jeunes filles, et qui propose de porter régulièrement un tee-shirt violet en soutien à ces victimes. J'ai l'impression que cette question des violences sexistes et sexuelles, c'est vraiment ce qui rassemble les féministes de cette génération, il y a vraiment un point d'ancrage sur ce sujet-là qui est fort, qui les rassemble et qui les mobilise.

Du monde dans la rue pour le 25 novembre

Dans la rue en novembre, il y a une journée contre les violences faites aux femmes et depuis quelques années, ce sont des manifestations qui rassemblent énormément de jeunes femmes. On voit qu'elles sont prêtes à se mobiliser, y compris dans la rue, pour mettre fin à cette situation-là."

Florence Pagneux
Crédit : Alexandra Brunois

En marge de la journée du 25 novembre, dédiée à la lutte contre les violences faites aux femmes, Florence Pagneux participait aux premières Assisses nationales de lutte contre les violences sexistes à Nantes, vendredi et samedi dernier (25 et 26 novembre).

Une génération ouverte à d'autres combats

Désormais, le discours de ces jeunes femmes n’est plus celui du féminisme des années 70. "Elles ont pleinement conscience des inégalités hommes-femmes… Quand elles définissent ce que c'est d'être une fille aujourd'hui, elles disent souvent que c'est un sport de combat, c'est difficile. En revanche, elles ne sont pas contre les garçons pour autant, c'est ça que je trouve intéressant dans l'enquête. C'est qu'elles compatissent aussi sur les stéréotypes qui peuvent peser sur les hommes. Le côté être fort, être viril ou être puissant, ça ne correspond pas à tous les hommes. Cette génération veut inclure les garçons pour aller vers une société égalitaire qui se montre aussi égalitaire vis à vis des personnes en situation de handicap, d'une autre couleur de peau, il y a une sorte de féminisme très inclusif, qui défend un peu tous les pans de la société."

 

Florence Pagneux  
Crédit : Alexandra Brunois

"Ce que nos filles ont à nous dire" aux éditions La Mer Salée, de Florence Pagneux.