Médiator. La parole à la défense au procès en appel

Publié : 5 juin 2023 à 18h52 par Dolorès CHARLES

Irène Frachon
Crédit : Yann Launay

La défense va plaider à partir d’aujourd’hui (5 juin) au procès en appel du Médiator à Paris. La semaine dernière, l'accusation a réclamé la condamnation de Servier pour escroquerie et la "confiscation du bénéfice" dégagé grâce au médicament, soit 182 millions d'euros. Un scandale révélé par la pneumologue brestoise, Irène Frachon.

Le procès du Mediator touche à sa fin : il doit s'achever ce jeudi, après les plaidoiries de la défense (qui ont démarré ce lundi 5 juin). Depuis cinq mois, la Cour d'appel de Paris rejuge les laboratoires Servier pour avoir caché la dangerosité de son médicament coupe-faim, qui aurait provoqué des centaines de morts. Lancé en 1976 pour traiter le diabète, le Médiator a été prescrit pendant plusieurs décennies et dégradait les valves cardiaques des patients.

"Servier reste campé sur ses mensonges"

Pour la pneumologue de Brest Irène Frachon, qui a révélé ce scandale, ce procès en appel a établi les faits avec davantage de clarté qu'en première instance : "Ce qui est frappant à l'issue de ces cinq mois, c'est que nous avons vu se dérouler la totalité de l'histoire d'une incroyable machination du poison qui se noue dans les années 60, et qui n'est d'ailleurs toujours pas aujourd'hui terminé, puisque Servier reste campé sur ses mensonges. On a une histoire limpide, notamment à partir de tous les documents qui ont été perquisitionnés au sein de la firme... et tout ceci est d'une évidence implacable et effrayante."

Irène Frachon
Crédit : Yann Launay

Une amende requise plus conforme

L'accusation a requis des peines plus lourdes qu'en première instance, et notamment une amende de 200 millions d'euros contre les laboratoires Servier, une amende inédite en matière de tromperie, alors que Servier avait été condamné à 2,7 millions d'amende en première instance.

Pour Irène Frachon, cette fois l'amende requise est beaucoup plus logique : "L'idée est d'obtenir le remboursement des profits indus, que les bénéfices que Servier aurait pu tirer de cette tromperie aggravée soient remboursés... ce qui fait une très grande différence avec les réquisitions de première instance sur le volet tromperie. Cela aurait une valeur d'exemple et de cohérence plus forte que des amendes ridicules par rapport au chiffre d'affaires de ce laboratoire. Il faut que la réponse pénale soit cohérente avec cette histoire - cette machination du poison. Quand j'entends les arguments déployés par le procureur, le Parquet et les avocats des parties civiles, honnêtement cela tient la route."

Irène Frachon
Crédit : Yann Launay

La criminalité à col blanc est complexe

Irène Frachon attend que la Cour d'appel fasse, cette fois, réellement justice, au nom des victimes : "il y a un moment quand même où il faut se hisser à la hauteur du crime. Certes, la criminalité à col blanc, c'est compliqué - complexe et cela s'étale sur des périodes de temps importantes, et c'est techniquement peut-être un peu complexe. Si on n'est pas capables de condamner ce crime industriel complètement hors normes ou de mal le condamner, c'est inquiétant. J'espère bien sûr que la cour d'appel va aller non seulement à hauteur des réquisitions, mais même peut être au delà, pourquoi pas ? Elle peut interdire aux labos d'exercer dans les domaines du diabète et du cardio vasculaire. Je pense que c'est un labo qu'il fallait suspendre d'exercice très vite..."

Irène Frachon
Crédit : Yann Launay

200 millions d'euros d'amende ont été requis contre les laboratoires Servier. L'accusation réclame aussi 5 ans de prison dont deux ans fermes et 200 000 euros d'amende contre l'ancien directeur général de Servier. La Cour d'appel rendra sa décision le 20 décembre.