Lorient : les kinés en ont plein le dos, et le font savoir à l'Assurance maladie
Publié : 2 mars 2023 à 20h07 par Dolorès CHARLES
Les "kinés" se sont mobilisés ce jeudi 2 mars dans le Morbihan, notamment à Lorient, où ils ont symboliquement déposé leurs feuilles de soins (papier) à la CPAM pour dénoncer un tarif qui n'a pas évolué en dix ans. Reportage.
Une action symbolique des kinésithérapeutes ce (jeudi) matin, à Lorient, Brest et Rennes en Bretagne : ils ont déposé des feuilles de soin papier à la Sécurité Sociale, au lieu de les transmettre en numérique. Ils réclament l’augmentation de leurs tarifs de consultation, et la réouverture des négociations avec l’Assurance maladie. Les "kinés" invoquent un décrochage de leurs revenus, et ils préviennent : sans revalorisation, ce sont les patients qui vont en pâtir. Yann Launay a rencontré Caroline Stragliati, kinésithérapeute établie à Quéven, près de Lorient :
Beaucoup se demandent s'ils ne vont pas mettre la clé sous la porte !
"La seule solution, c'est soit de demander au patient de mettre la main à la poche avec des dépassements à chaque séance, soit de prendre deux ou trois patients en même temps sur la demi-heure, mais cela veut dire que la qualité de soins est diminuée. Nous sommes énormément de kinés libéraux à ne faire encore qu'un patient par demi-heure, à s'y tenir, à aimer ça, et à vouloir soigner nos patients comme ça. Mais la Cnam ne nous en donne plus les moyens. Beaucoup de kinés se demandent s'ils ne vont pas mettre la clé sous la porte. Ce n'est plus vivable comme ça, pas dans ces conditions là. Les charges augmentent pour tout le monde, le coût de la vie augmente pour tout le monde. Mais notre salaire n'a pas bougé depuis dix ans. Dix ans sans revalorisation ou une revalorisation tellement faible que cela n'a pas d'impact ... par rapport à l'inflation, c'est ridicule !"
Une revalorisation véritable
Les kinés expliquent que leurs revenus professionnels ont baissé de 24% ces dernières années, par rapport à l’inflation. Ils expliquent devoir travailler 54 heures par semaine aujourd’hui pour gagner la même chose qu’en 40h en 2012, puisque leurs tarifs n’ont presque pas augmenté en 10 ans. Ils demandent une revalorisation véritable de leurs actes par l’Assurance maladie, et tout particulièrement les déplacements à domicile :
"On est payé pour aller à domicile en plus de notre acte de 2,50 € à 4 € par visite à domicile. Il y a de plus en plus de collègues, qui ne veulent plus faire de soins à domicile parce qu'en fait, nous perdons de l'argent en allant voir les patients à domicile. La CNAM préfère aujourd'hui que le médecin fasse un papier pour que les patients viennent nous voir au cabinet, avec un VSL ou un taxi, plutôt que de nous augmenter. Or ce VSL ou ce taxi coûte plus cher à la société que de nous permettre, nous, en tant que libéral, d'aller voir le patient à son domicile. Donc moins de fatigue pour le patient et une meilleure prise en charge dans la globalité des choses. Et pour l'instant, la CNAM ne nous entend pas sur cette demande là non plus !"
Quid de l'accès direct aux kinés ?
Pour Caroline, il ne faudrait pas croire que l’accès direct aux kinés, sans passer par le médecin traitant (tout récemment adopté à l’Assemblée nationale et au Sénat) va venir compenser la baisse de revenus des kinés : "cet accès aux soins n'est bon que pour les kinés qui sont dans des maisons de santé pluridisciplinaires, et avec des docteurs qui seront d'accord de nous donner cette autorisation de soins en première intention. En tant que kiné libéral dans un cabinet particulier, je ne suis pas concernée. Et de toute façon, au jour d'aujourd'hui, il y a une telle demande de soins que même si vous m'appelez demain pour une prise en charge en première intention, je n'ai pas de place sur mon planning..."
Cette première action était coordonnée par un collectif hors syndicats. Un collectif qui n'exclut pas de se mobiliser à nouveau, et qui n'exclut pas une grève, si les négociations ne reprennent pas avec l'Assurance maladie.