Lorient. La goélette Tara de retour ce samedi au ponton de la Cité de la voile
Publié : 15 octobre 2022 à 9h44 - Modifié : 15 octobre 2022 à 9h49 par Dolorès CHARLES
La goélette scientifique Tara est de retour, à Lorient son port d'attache dans le Morbihan, mais l'aventure scientifique autour de ce microbiome ne fait que commencer. Retour sur la mission et les projets avec l'équipage de Tara.
Après 22 mois de navigation et 70 000 kms parcourus en Atlantique sud, Pacifique et Antarctique, Tara est de retour à Lorient, son port d'attache. La goélette était partie étudier les micro-organismes des océans : les virus, bactéries, micro-algues... Des organismes qui représentent les deux tiers de la biomasse marine, qui captent du dioxyde de carbone dans l'atmosphère, produisent de l'oxygène, mais restent très mal connus. Tara et son équipage ont multiplié les étapes pour mieux comprendre le fonctionnement de cet écosystème, comme l'explique Romain Troublé, directeur général de la Fondation Tara Océan à Yann Launay :
"On est allés à la rencontre des écosystèmes en Antarctique autour du Krill. Qu'est ce qui se passe sur le Krill, c'est la nourriture de baleine, c'est à dire la nourriture de beaucoup d'organismes de la mer. On est allés à la rencontre des glaciers du Chili, qui fondent de plus en plus. Quel va être l'impact de cette fonte des glaciers sur les écosystèmes ? Au large du Chili, par exemple, qui sont très riches en poissons. Pour comprendre la mer, il faut aller dans tous ces endroits différents et regarder la même chose. On regarde la même chose le microbiome de la mer, dans plein d'endroits, ce qui va nous donner des clés de compréhension pour essayer de décrire comment ça va se passer, et comment mieux anticiper l'avenir et nous protéger."
Le bateau rentre avec des masses de données
Tara est de retour, mais l'aventure scientifique autour de ce microbiome ne fait que commencer : le bateau rentre avec des masses de prélèvements, de données, que des laboratoires du monde entier vont maintenant pouvoir analyser :
"On a des mesures qui sont faites par les ingénieurs à bord du bateau et on a des capteurs sur le bateau qui mesurent en temps réel. Certains capteurs mesurent la couleur de l'océan, qui permet de calibrer les satellites de la NASA, mais on a aussi beaucoup d'échantillons collectés dans les filets. On envoie des sondes à 1000 mètres de fond, on collecte des organismes qui sont mis dans les petits tubes. Il y a 25 000 petits tubes qui ont été collectés dans cette mission. On va regarder la microscopie avec des microscopes, ce qu'il y a dedans, faire des photos, regarder leur ADN pour savoir quels gênes sont dedans et est-ce qu'on voit des nouveaux gènes. Vous et moi, on est fait de 20 000 gènes... dans la mer, on a découvert qu'il y avait 150 millions de nouveaux gènes et la moitié de ces gènes, on ne sait pas pourquoi ils sont là..."
Tata veut aussi mobiliser les décideurs politiques
Ce week-end à Lorient, des membres de l'équipe Tara présenteront les résultats des recherches scientifiques menées depuis 20 ans, mais ils présenteront aussi l'action de la Fondation Tara auprès des décideurs politiques. Tara, ce n'est pas seulement des expéditions, c'est aussi une volonté de mobiliser les décideurs notamment au niveau international, comme l'explique Martin Alessandrini, chargé de mission plaidoyer et coopération internationale à la Fondation Tara Océan : "Aujourd'hui, il y a un traité qui est en discussion à l'ONU, qui est un traité sur la conservation de la biodiversité en haute mer. Il va y avoir certainement des aires marines protégées en haute mer. La question, c'est comment identifier des aires marines protégées dans une zone dont on connaît en fait quasiment rien. Tara, qui a une expertise de cette biodiversité qui existe en haute mer, va pouvoir apporter des indications sur les zones d'intérêt dans l'océan ou les fonctions que nous rend le plancton, ont eu un intérêt climatique de pompe à carbone, qui justifierait de protéger cette zone."
La lutte contre les plastiques
La Fondation Tara souhaite jouer un rôle dans le débat public, pour une meilleure préservation des océans et de la planète, en étant force de propositions concrètes. Comme par exemple dans la lutte contre les plastiques :
"On le fait avec des parlementaires qui nous aident à proposer des projets de loi qui sont basés sur des résultats scientifiques. Quels sont les plastiques les plus problématiques? Quels sont les plastiques qu'on retrouve le plus dans l'océan? Quels sont les plastiques qu'il faut légiférer en priorité ? On a déposé un amendement qui proposait une interdiction du polystyrène à horizon 2025, notamment sur le polystyrène dans les emballages alimentaires. Quel constat Tara sur la présence du polystyrène en mer et sur ses impacts ? Il y a un constat aujourd'hui de très faible potentiel de recyclabilité et on observe aujourd'hui que les fibres en polystyrène passent également dans les aliments, donc forcément dans l'homme."
Check-up complet à Lorient pour Tara, avant de repartir
La goélette va passer l'hiver à Lorient, pour un check-up complet, et malgré le contexte économique compliqué, par question de suspendre ou décaler les projets : Tara repartira, au printemps prochain, pour une nouvelle mission de 2 ans sur les côtes européennes : "je peux vous dire que le bateau va longer les côtes européennes de la Baltique jusqu'à la Grèce, cette fois-ci sur l'enjeu de l'impact de la pollution plastique, mais pas que : beaucoup de polluants arrivent à la mer ; des pesticides coulent dans la mer, les antibiotiques, les résidus de médicaments. La question, c'est quel est leur impact ? Et finalement de se dire si on pollue l'environnement, l'air qu'on respire, et ce qu'on mange est pollué, et donc on va avoir des problèmes de santé. Tout ça est lié. Cette mission de l'année prochaine va avoir à cœur de mettre en avant cet enjeu global de santé."
En parallèle des expéditions de la goélette, la Fondation Tara Océan souhaite construire une base polaire dérivante en Arctique. Malgré le contexte économique, le projet "Tara Polar Station" n'est pour le moment pas remis cause : "le projet s'inscrit dans le temps très long, il va mettre deux - trois ans à être construit. Cette base est dessinée par le même architecte que Tara, Olivier Petit (...) Ce sera un bateau qui va être dédié à dériver dans les glaces du pôle Nord pendant les 20 prochaines années. L'Arctique est une véritable sentinelle du changement climatique car il se passe là-bas des choses quatre fois plus vite qu'ailleurs, et le but est d'y emmener des scientifiques témoins de ça sur l'année entière. Sur le long terme, je crois que c'est capital pour la France, pour le rayonnement de la France dans le monde et aussi capital pour la connaissance de ces écosystèmes et du futur."
Tara Polar Station devrait voir le jour en 2025
Tara sera de retour samedi (15 octobre) à 15h30, au ponton de la Cité de la voile, à Lorient. Des animations sont organisées tout le week-end à Lorient La Base, dans le cadre du Festival des Aventuriers de la mer, avec un village des sciences, des expositions, des conférences, des ateliers, des visites de bateaux. Il sera d'ailleurs possible de monter à bord de Tara dimanche de 10h à 12h et de 14h à 18h.