Loi Valletoux. Les généralistes de l'ouest augmentent le tarif de leur consultation
Publié : 8 juin 2023 à 15h06 - Modifié : 12 juin 2023 à 12h06 par Dolorès CHARLES
Les médecins généralistes en colère comptent fermer leurs cabinets ce vendredi 9 juin, pour dire non à la proposition de loi Valletoux, qui vise à rendre obligatoire la participation des médecins à une permanence de soins notamment. D’autres professionnels de santé ont décidé eux d’augmenter leurs tarifs.
Des cabinets médicaux garderont porte close, ce vendredi 9 juin, dans l'Ouest comme dans toute la France. Les médecins sont appelés à faire grève contre la proposition de loi "Valletoux", et pour appeler le gouvernement à investir massivement dans la médecine de proximité. Le projet de loi Valletoux, déposé par le député Horizons du même nom, veut faire reculer la désertification médicale... avec notamment de nouvelles obligations pour les médecins, et de nouvelles contraintes pour encadrer les installations.
"Si on ne nous donne pas les moyens, comment voulez-vous qu'on puisse soigner correctement les gens ?"
Ce texte entraînera des complexités administratives supplémentaires pour les médecins, mais il ne résoudra pas le problème, selon Mélanie Rica-Henry, généraliste à Guidel, près de Lorient, et porte-parole Bretagne de l'association Médecins pour demain : "S'il n'y a pas assez de soignants sur un territoire ou une carence de soins, s'il y a un problème pour l'accès aux soins sur un territoire, ce sera de la faute des professionnels de santé qui ont "échoué". Mais si on ne nous donne pas les moyens, comment voulez vous qu'on puisse soigner correctement les gens ? On en revient toujours aux mêmes problèmes - c'est un problème d'attractivité... Les jeunes n'ont pas envie de s'installer. Du fait de la profession libérale, on a déjà des contraintes propres à notre profession, si en plus on nous rajoute les contraintes des fonctionnaires, autant être fonctionnaires !"
Une relavorisation d'un euro 50
Pour Mélanie Rica-Henry, la lutte contre les déserts médicaux, l'incitation des jeunes médecins à s'installer comme généralistes, passe par une seule chose : revaloriser le tarif des consultations... et pas seulement d'1,50 euro, ce qui est prévu pour cet automne. Le tarif de la consultation (pour les généralistes) passera alors de 25 à 26,50 euros, pas même de quoi compenser l'inflation, comme le dénonce Mélanie Rica-Henry : "il est temps que les politiques assument de dire les choix, qu'ils ont décidé pour le système de santé français... Est-ce qu'ils veulent un système de santé français de qualité, efficient comme on l'avait après la deuxième guerre mondiale ? Ou est-ce qu'ils veulent un système de santé français à deux vitesses, tel qu'on peut voir dans les pays anglo saxons ? Un système public sous-forme par exemple de dispensaires, où les moins riches consultent, mais avec de l'abattage... et puis ceux qui ont les moyens qui vont dans des structures privées de qualité... Nous, on veut que la médecine puisse être bénéfique pour tous, mais pour ça, il faut les moyens. On ne peut pas travailler dans le low-cost, ce n'est pas possible."
Des dépassements d'honoraires pratiqués
Devant la faible revalorisation des tarifs de consultation (la consultation pour les généralistes passera cet automne de 25 à 26,50 euros), des médecins ont décidé de pratiquer des dépassements d'honoraires, et de demander jusqu'à 30, 35 ou 40 euros, pour des consultations longues et complexes. Dans le Morbihan, une quarantaine de médecins, regroupés en collectif, ont commencé à pratiquer ces dépassements, il y a quelques jours.
Parmi eux, Didier Le Vagueres, médecin généraliste à Vannes : "La Cnam disait qu'il fallait aussi augmenter notre activité : on est un peu traités comme des fainéants et le médecin traitant devrait avoir au minimum six patients par heure. Si les consultations font par exemple moins de dix minutes, eh bien cela reste le tarif conventionné 25 €. S'il y a plusieurs motifs, on l'adapte avec tact et mesure entre 5, 10 ou 15 € selon la durée et les possibilités de remboursement des patients. Sachant que tous ces ajustements d'honoraires sont tous, pour la plupart pris en charge par les complémentaires que chacun d'entre nous payons assez grassement, et qui jusqu'ici n'ont pas tellement mis la main au porte monnaie."
Le Dr Le Vagueres, comme les autres membres du collectif, ne réclament aucun dépassement d'honoraires aux patients qui bénéficient de la Protection universelle maladie, comme aux patients qui ne seraient pas correctement remboursés.
Ces dépassements sont fonction de la durée de la consultation, et de sa complexité. Ils sont surtout un acte de résistance, pour ces généralistes, qui attendent une meilleure considération et une véritable revalorisation du métier. Mais en pratiquant ces ajustements, n'ont-ils pas peur de sanctions ? "Absolument pas, je suis droit dans mes bottes car je le fais avec conscience, parce que j'aime mon métier et parce que je suis très attaché à la qualité de ce que je fais... Mon déplacement est pris en charge par la Sécu au même tarif qu'il y a 22 ans... Le médecin parti consulter une personne âgée aux multiples pathologies, s'il fait ça au tarif conventionné clairement, il perd de l'argent."
Pour Didier Le Vagueres, la lutte contre les déserts médicaux et la lutte contre la crise des urgences ont un seul et même remède : une meilleure rémunération des généralistes, pour rendre le métier à nouveau attractif.
La proposition de loi Valletoux sera débattue à partir du 12 juin à l'Assemblée nationale. Des collectifs locaux se créent un peu partout, dans l'Ouest (Saint-Malo, Lorient, Angers), pour pratiquer de façon solidaire le dépassement d'honoraires.