Les pêcheurs peuvent repartir dans le Golfe de Gascogne, mais la météo les en empêche

Publié : 21 février 2024 à 8h15 par Dolorès CHARLES

Port de Lorient (56)
Port de Lorient (56)
Crédit : Yann Launay

Depuis minuit, l’interdiction de pêcher dans le golfe de Gascogne est terminée. Les navires français de plus de 8m n’avaient plus le droit de pêcher depuis le 22 janvier, une mesure prise pour limiter les prises accidentelles et sauvegarder les populations de dauphins. Mais la filière de pêche se dit fragilisée. Une réunion se tenait hier (mardi 20 février) à Lorient, dans le Morbihan.

Ils étaient cloués à quai depuis un mois : près de 450 navires de pêche peuvent reprendre la mer depuis minuit (mercredi 21 février). Des chalutiers basés à Audierne, Lorient, La Turballe ou les Sables d'Olonne, et qui avaient l'interdiction de pêcher dans le Golfe de Gascogne, pour éviter les captures de dauphins. Le Conseil d'Etat avait décidé cette fermeture, à la demande de plusieurs ONG de défense de l'environnement.

"Nous allons faire un recours sur le fond auprès du Conseil d'État pour qu'il n'y ait pas un bis repetita l'année prochaine"

Mais pour Olivier Le Nézet, le président lorientais du Comité national des pêches, cette interdiction n'aura fait que fragiliser la filière, sans répondre à l'objectif : "les premiers chiffres indiquent une petite baisse du nombre d'échouage de ces petits cétacés parce qu'on était à 93 durant la même période de l'année dernière, et nous sommes à 75 alors que tous les bateaux sont à quai. Cela prouve que la mesure est inutile, et qu'elle n'est pas efficace. Au Comité national des pêches, nous allons faire un recours sur le fond auprès du Conseil d'État pour qu'il n'y ait pas un bis repetita de cette fermeture l'année prochaine, et que l'Etat doit être à nos côtés pour démontrer qu'une fermeture n'est pas la solution, mais bien une catastrophe économique et sociale."

Olivier Le Nézet, président du Comité national des pêche
Crédit : Yann Launay

"On se retrouve dans une situation sans aucune visibilité"

Cette fermeture de 4 semaines du Golfe de Gascogne est appelée à se renouveler en 2025 et 2026. Inconcevable, pour Olivier Le Nézet, tant les conséquences financières et sociales sont lourdes. "Il faudra mettre tout en œuvre pour éviter une catastrophe en chaîne de toute la filière qui, je rappelle, est déjà passée par de multiples crises ... du Brexit, du plan de sortie de flotte, du Covid, ou de l'augmentation de l'énergie. On se retrouve dans une situation sans aucune visibilité, que tout le monde souhaite retrouver pour pouvoir respirer et continuer à apporter du poisson, des crustacés aux consommateurs et éviter que des produits viennent potentiellement de pays tiers, voire de Chine, qui représente à elle-seule 39% de la pêche mondiale, alors que la pêche européenne, c'est 1%."

Les chalutiers du port de Lorient
Les chalutiers du port de Lorient
Crédit : Yann Launay
Olivier Le Nézet, président du Comité national des pêches
Crédit : Yann Launay

La double peine, "une série de mauvais temps arrive"

David Le Quintrec est pêcheur côtier à Lorient. Les semaines passées à terre lui ont paru interminables, et la fin de l'interdiction ne suffit pas à le rendre optimiste : "on aurait dû repartir en mer mais une série de mauvais temps arrive, et c'est la double peine ! Nous voilà en train de creuser notre tombe : on est tous pris à la gorge économiquement, ça n'a pas changé depuis le début qu'on est à terre, là, ça s'amplifie tout simplement. Nous (les pêcheurs) sommes toujours porteurs de solutions pour qu'on n'ait pas par la suite des mois d'interdiction de pêche. Depuis quelques semaines, j'ai réussi à faire en sorte de réunir toutes les ONG qui nous ont assigné devant le Conseil d'Etat. On a eu une réunion qui a duré 4 heures, et on va essayer de prouver que les marins pêcheurs sont capables de faire de belles choses sur la mer, et au sujet des captures accidentelles de dauphins également."

David Le Quintrec pêcheur côtier à Lorient
Crédit : Yann Launay

Toute la filière impactée

Les pêcheurs ont été les premiers touchés par cette fermeture, mais toute la filière a été impactée : les entreprises de réparation navale, les transporteurs ou les entreprises de mareyage comme celle de Cédric Guivarch, basée à Lorient : "n'importe quelle entreprise à qui vous enlevez une partie de son activité ne peut être que fragilisée, parce que nos marges sont déjà naturellement très faibles sur les produit frais, sur la transformation et la remise en vente. On a trouvé du poisson ailleurs parce que nous avons des obligations vis à vis de nos clients, et des obligations vis à vis du consommateur. Il faut quoi qu'il arrive que le consommateur ne se détourne pas du poisson et qu'on lui en trouve, maintenant, si cela se renouvelle cela va mettre des entreprises en difficulté. Il y a des entreprises de mareyage aujourd'hui fortement organisées autour du métier de la sardine, ou du métier de gros volumes, comme le merlu, la julienne ou la sole, qui ont déjà sûrement un genou à terre."

Cédric Guivarch, basé à Lorient
Crédit : Yann Launay

Le gouvernement s'est engagé à rembourser les pêcheurs concernés à hauteur de 80 à 85% de leur perte de chiffre d'affaires, et ce dès le mois de mars. Le Comité national des Pêches prépare une contre-attaque juridique, pour contester cette fermeture du Golfe de Gascogne. Pour faire diminuer le nombre de captures accidentelles, les pêcheurs souhaitent expérimenter à grande échelle plusieurs techniques pour éloigner les dauphins, comme les systèmes d'effarouchement acoustique.