Grève des médecins libéraux pour deux jours, au bénéfice des patients ?

Publié : 1er décembre 2022 à 18h30 - Modifié : 1er décembre 2022 à 18h37 par Dolorès CHARLES

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Crédit : Pixabay

Le mouvement est rare, les médecins généralistes sont en grève pour deux jours en France. A bout, ils demandent plusieurs mesures dont la revalorisation de la consultation de base et plus de moyens, pour de meilleurs conditions de travail. Le tout au bénéfice des patients ? L'avis de spécialistes bretons, membres du mouvement "Médecins pour demain", interrogés par Yann Launay.

De nombreux médecins libéraux sont en grève, aujourd'hui (jeudi 2 décembre) et demain (vendredi 3 décembre) en France, et donc dans l'ouest : leurs cabinets vont rester porte close. Les médecins généralistes demandent des moyens supplémentaires pour mieux travailler, et pour assurer la relève, grâce à un métier plus attractif. Parmi les principales revendications : une consultation médicale de base à 50 euros, au lieu de 25 actuellement.

Une médecine de qualité ?

Ils veulent aussi pouvoir se consacrer davantage à leurs patients, et déléguer certaines tâches administratives, comme l'explique Nicolas Hirth, médecin généraliste à Trégastel, dans les Côtes d'Armor, et co-fondateur du collectif "Médecins pour demain" :

"Revaloriser l'acte au quotidien, c'est donner la liberté au médecin de pouvoir investir dans son outil de travail, afin de préserver cette médecine de proximité. En Allemagne, le médecin emploie deux équivalents temps plein par médecin : secrétariat et assistante médicale. Quand, en France, un médecin emploie 0,2 équivalents temps plein en moyenne. Une médecine de qualité, comme on peut en voir dans des pays comme en Allemagne, comme en Suisse, est à ce prix là. Maintenant, la question est "est-ce que la France a la possibilité de se donner les moyens pour assurer une médecine de qualité du même niveau que ses voisins ?"

Nicolas Hirth, médecin généraliste à Trégastel
Crédit : Yann Launay

La consultation à 50 euros

Mélanie Rica-Henry est médecin généraliste à Guidel, près de Lorient, et membre du collectif "Médecins pour demain". Si elle porte cette demande d'une consultation à 50 euros, ce n'est pas pour s'enrichir : les médecins ne se plaignent pas forcément de leurs revenus personnels, mais ils veulent pouvoir travailler dans de meilleurs conditions : "c'est pour embaucher, c'est pour acheter du matériel, comme un échographe parce qu'aujourd'hui l'accès aux échographies sur Lorient est difficile, c'est un délai de quinze jours. Quand on a besoin d'avoir une réponse rapide pour un patient, c'est délicat. Des fois, on se retrouve bien obligé de les envoyer aux urgences, alors qu'on aurait pu gérer nous mêmes auparavant les situations en ville. On pourrait investir, mais pour cela, il faut de la trésorerie tout simplement."

Mélanie Rica-Henry, généraliste à Guidel
Crédit : Yann Launay

Rendre le métier plus attractif

Les médecins grévistes demandent une meilleure considération de la part de l'Etat, et des moyens pour aussi résoudre le problème du manque de médecins généralistes. Pour Nicolas Hirth, il faut endiguer l'abattage, les consultations à la chaîne, et rendre le métier attractif :

"Les jeunes médecins qui sortent, se spécialisent et font d'autres choses. Ils vont travailler dans des endroits où il n'y a pas cette contrainte du libéral : être poussés à enchaîner des actes à bas coût pour pouvoir gagner sa vie. C'est qu'en fait l'acte est bradé et en fait, ça crée un mal-être parce qu'on a peur de devenir maltraitant. Quand vous voyez un médecin qui a déjà vu 30 ou 35 patients, il porte le travail de la journée sur le dos... et prendre une décision à ce moment là, cela peut être scabreux et difficile. Plus on avance dans la journée, plus j'ai tendance à ralentir parce que ça demande de plus en plus d'efforts pour se concentrer sur le patient, parce que ce qui compte dans la consultation, c'est le patient."

Nicolas Hirth, médecin généraliste à Trégastel
Crédit : Yann Launay

Des consultations aberrantes

Les généralistes veulent pouvoir se consacrer sur leur travail de médecin, ils estiment passer beaucoup trop de temps sur les tâches administratives (en moyenne 13 heures par semaine), et souhaiteraient que l'Etat prennent des mesures pour faire disparaître les consultations inutiles, purement administratives : Mélanie Rica-Henry a calculé que ces consultations représentaient facilement le quart de ses rendez-vous : "les patients savent très bien qu'une virose de moins de trois jours, sans symptôme particulier, il n'y a pas nécessité de nous consulter. Sauf que ces patients viennent me voir pour avoir leur certificat de congé enfant malade. Ils viennent me voir pour avoir le certificat et se faire rembourser les 3 € de la cantine et en contrepartie on paye 30 €. La sécu paye 30 € pour rembourser 3 € de cantine. On a des aberrations aujourd'hui, des consultations aberrantes qui nous chargent nos plannings... On veut faire de la médecine et on ne veut pas faire de l'administratif."

Mélanie Rica-Henry, généraliste à Guidel
Crédit : Yann Launay

Le répondeur téléphonique des cabinets fermés renvoie sur le 15, et cette grève intervient alors que l'hôpital est déjà sous pression. Mais pour Mélanie Rica-Henry, cette grève veut montrer au gouvernement combien les médecins libéraux sont précieux, et c'est avant tout une grève pour les partients  et la population : "tout ce qu'on veut, c'est défendre le système de santé pour que les patients puissent toujours se faire rembourser. Si on continue, on va se retrouver à un système de santé à deux vitesses" pour ceux qui auront de l'argent pour payer les soins et les autres.

Les médecins grévistes n'excluent pas de reconduire le mouvement fin décembre, début janvier, s'ils ne sont pas entendus.