Le plus grand site de production d'hydrogène vert de France, inauguré en Bretagne
Publié : 18 décembre 2023 à 18h57 par Dolorès CHARLES
L’entreprise nantaise Lhyfe a inauguré vendredi dernier (15 décembre) une unité d'hydrogène vert dans le Morbihan, à Buléon près de Lorient. Un projet à 10 millions d’euros. Le site doit entrer en fonctionnement en mars 2024 et pourra produire deux tonnes d’hydrogène par jour. Reportage.
C'est le plus grand site de production d'hydrogène vert de France : l'usine Lhyfe de Buléon, dans le Morbihan, vient d'être inaugurée, et sera entièrement opérationnelle dans quelques semaines. Elle produira deux tonnes d'hydrogène par jour contre 300 kg à Bouin, en Vendée, le premier site de la société nantaise Lhyfe. Cet hydrogène ne sera pas issu de gaz naturel, mais obtenu par électrolyse, à partir d'eau, grâce à l'électricité des éoliennes toutes proches.
Le site est automatisé mais tout le temps surveillé
Le site de Buléon se veut compact : pas de grand bâtiment, pas de hangar, mais des conteneurs, des modules préfabriqués et raccordés sur place. Sur quelques milliers de m², l'hydrogène est produit, purifié, comprimé et stocké dans des remorques prêtes à partir sur des camions, vers les industriels et les premières stations à hydrogène de l'Ouest, de Brest à Nantes, de Laval à Lorient.
Un site automatisé, sans présence humaine permanente, mais il s'agit quand même d'un gaz inflammable. "Les systèmes de sécurité vont reposer sur des capteurs, des ordinateurs, et des machines, l'erreur humaine est de ce fait minimisée, rassure Matthieu Guesné, fondateur de Lhyfe : c'est complètement automatisé. mais c'est tout le temps surveillé. On a un centre de surveillance à Nantes qui regarde les caméras et les capteurs en permanence... Il faut savoir qu'en France, on produit déjà 1 million de tonnes d'hydrogène par an. Il est produit à partir d'énergies fossiles, mais tout ce qui est réglementation lié aux risques est déjà en place."
"Avant de parler création d'emplois, il faut déjà déjà chercher à convertir les emplois liés actuellement au pétrole"
La production d'hydrogène à Buléon repose sur l'électricité fournie par des éoliennes, mais elles ne tournent pas en permanence. "Les éoliennes utilisées pour alimenter ce site tournent de 70 à 80 % du temps dans l'année, pendant 70 à 80 % du temps de l'hydrogène sera donc produit. Il sera stocké dans de grandes remorques... et quand les éoliennes ne tourneront pas, il y aura ce stock pour alimenter les clients", précise Matthieu Guesné, fondateur de Lhyfe.
Si le site est surveillé à distance, sans présence humaine permanente, faut-il comprendre que l'hydrogène vert créera peu d'emplois. "Quand on fait un site comme ça, on va utiliser des sous traitants locaux et des entreprises spécialisées dans la maintenance industrielle, qui aujourd'hui maintiennent des sites qui tournent à l'énergie fossile. Elles vont pouvoir se former et avoir du chiffre d'affaires lié à la maintenance de notre site. On va aussi alimenter des camions qu'il va falloir entretenir... Avant de parler création d'emplois, il faut déjà déjà chercher à convertir les emplois liés au pétrole. Lhyfe est très pourvoyeur d'emplois, on a multiplié par 2,5 nos effectifs sur la dernière année."
"On accepte ce surcoût, c'est une manière de contribuer à la décarbonation"
L'hydrogène produit à Buléon alimentera notamment les transports en commun de Lorient : 19 bus à hydrogène, ainsi que deux bateaux transrade, qui entreront en service à partir de 2024. Une première en France à cette échelle. Un choix qui a un coût, reconnaît Bruno Paris, vice-président de Lorient Agglomération à la transition écologique, mais le surcoût est complètement assumé.
"On prend cet engagement de participer à l'origine du déploiement du vecteur hydrogène, de telle sorte à ce que cela se démocratise et que les coûts deviennent complètement compétitifs, voire peut-être inférieurs à un moment donné à des vecteurs énergétiques comme le pétrole, qui ont des coûts importants et qui seront taxés du point de vue de leur contenance carbone. On fait ce pari et on accepte ce surcoût, de telle sorte à contribuer de manière importante à la décarbonation, mais aussi nous à continuer à avoir un territoire qui, économiquement, est en capacité d'offrir des emplois, et une qualité de vie."
Demain, d'autres sites devraient voir le jour dans l'ouest, et ailleurs
D'autres sites de productions devraient voir le jour dans les mois et les années qui viennent dans l'Ouest (Saint-Brieuc notamment y réfléchit), mais l'objectif de Lhyfe n'est pas de multiplier à l'infini les sites, et de pousser à la multiplication des éoliennes à terre. Pour Matthieu Guesné, c'est surtout en mer que cela devra se passer à l'avenir car le "gisement de vent existant en mer est extraordinaire mais aujourd'hui, on a un souci avec les éoliennes en mer, car elles sont situées trop près des côtes, le câble coûte trop cher et on a une mauvaise acceptabilité de ces éoliennes, que ce soit à Saint-Nazaire ou à St Brieuc. dans les Côtes d'Armor. On peut faire des éoliennes à 110 kilomètres des côtes, là où les régimes de vent sont bien meilleurs, et utiliser cette électricité pour produire de l'hydrogène en mer. Ramener du gaz à terre, c'est tout à fait possible !"
Un site de production d'hydrogène en mer doit être créé par Lhyfe en Belgique, à Ostende, en 2026. L'entreprise nantaise prépare de nombreux projets à l'international : en Allemagne, en Suède, en Espagne ou encore au Canada.
Les premiers bus alimentés par l'hydrogène de Buléon devraient rouler dès le premier trimestre 2024 dans les rues de Lorient.