Témoignage : le mal-être du secteur de l'aide à domicile

Publié : 3 mai 2022 à 17h14 - Modifié : 4 mai 2022 à 7h53 par Emilie PLANTARD

AIDE A DOMICILE
Crédit : ADMR/FACEBOOK

Lettres ouvertes, manifestations... Les appels à l’aide du secteur de l’aide à domicile se multiplient. Les difficultés de recrutement ont de plus en plus d’impact sur le service rendu aux bénéficiaires, au grand désespoir des professionnels. Témoignages.

L’aide à domicile est un secteur en crise. Plus de bénéficiaires, moins de personnel et des conditions de travail difficiles... Les bénévoles de l’ADMR du Maine-et-Loire ont publié une lettre ouverte le 21 mars dernier. L’association de Janzé (35) nous a, quant à elle, contactés. A chaque fois, le même cri du cœur, le contexte est devenu infernal et aucune solution ne se profile. A Janzé, la directrice de l’ADMR, Lyse Peyrouset, voit arriver l’été et tous ses congés avec beaucoup d’appréhension... "Nous nous demandons tous comment nous allons parvenir à fonctionner, et à accompagner les personnes, qu’elles vivent à domicile ou en résidence parce que nous constatons une pénurie de personnel, que ce soit du personnel de soin, aides-soignants ou infirmiers ou du personnel d’intervention à domicile. Les salariés, du privé ou du public, ont besoin de prendre des congés et on a des inquiétudes sur notre capacité à fonctionner puisque nous n’avons pas de candidatures."

Des interventions réalisées... ou pas

L’organisation des plannings est devenue un stress quotidien. A Janzé en Ille-et-Vilaine, l’ADMR jongle et fonctionne par priorité. Certains services ne sont pas toujours assurés afin de privilégier les soins et les interventions indispensables. "Dans l’urgence, nous tenons à garantir les interventions vitales du type accompagner les gestes de la vie quotidienne, habillage, prise des repas, toilette... Mais les interventions ménagères sont les premières que nous allons chercher à suspendre et il nous arrive de les supprimer. Et ces derniers mois, les difficultés s’accroissent" précise Lyse Peyrouset.

Les structures dans l’impasse

Les organismes d’aide à domicile, qu’ils soient publics, privés ou associatifs, rencontrent les mêmes difficultés à recruter, alors même que la population continue de vieillir. "Nous ce qui nous inquiète beaucoup, avoue Lyse Peyrouset, c’est que du fait de la difficulté des structures à domicile à répondre aux besoins des personnes, certaines personnes se retrouvent vraiment sans aide extérieure professionnelle et dans l’obligation de solliciter leurs enfants. On pensait être en mesure de solliciter de l’aide, aujourd’hui malheureusement, ce n’est pas le cas."

 

Lyse Peyrouset, directrice de l’ADMR de Janzé
Crédit : Emilie Plantard

Quand l'aide vient à manquer...

Rodolphe Gerfault est professeur de français en collège, il est handicapé moteur. Son épouse, Claire, souffre d’une maladie génétique qui s’est aggravée, elle est alitée depuis 5 ans. Tous les deux ont besoin d’un accompagnement important en terme d’heures, ils cumulent les interventions d’aides à domiciles et d’étudiants mais il leur est de plus en plus difficile de constituer un planning. Il y a quelques semaines, l’étudiant qui devait assister Rodolphe pour le coucher n’est pas venu...

Il témoigne au micro d’Emilie Plantard : "J’ai passé la nuit dans mon fauteuil. Le lendemain je suis allé travailler à l’heure habituelle. C’est la première fois que ça arrive ? Oui. Mais je sentais que ça devait arriver, il y a un tel manque de personnel, on n’arrive pas à recruter de gens. Ça devient une vraie source de stress." Actuellement, le couple cumule les contrats tant bien que mal, les personnes motivées se font de plus en plus rares "J'ai droit à 212 heures par mois, 120 heures partent avec Daphnée, après il y a les étudiants. Mais il n'y a pas grand monde qui veut travailler avec quelqu'un comme moi..."

"J’ai passé la nuit dans mon fauteuil..."

Rodolphe et Claire ne passent pas par un organisme spécialisé, ça leur coûterait trop cher, ce sont donc eux qui gèrent le recrutement des aides à domicile. Et puis les entreprises ont également des contraintes de planning qui sont difficilement compatibles avec les besoins du couple. "C’est qu’ils nous imposent beaucoup plus de choses et c’est souvent plus difficile. Ils vont me dire qu’ils ont quelqu’un entre 17H et 18H30, du coup je prends mon repas du soir à 17H et je suis couché plus tôt. Ou alors ils ne peuvent pas faire intervenir quelqu’un avant 8H, donc est-ce que je pourrais continuer à exercer mon métier si personne ne me lève à 7H ?"

Rodolphe et Claire sont régulièrement aidés par des amis et de la famille, un recours indispensable au couple pour rester à son domicile.

Claire et Rodolphe Gerfault
Crédit : Emilie Plantard
Rodolphe et Claire Gerfault, bénéficiaires d'aide à domicile
Crédit : Emilie Plantard