Tendance. Le bio n'a plus la cote auprès des consommateurs de l'ouest

Publié : 8 décembre 2022 à 17h57 par Dolorès CHARLES

Pommes
Crédit : Pixabay

La consommation de produits bios a nettement ralenti ces derniers mois, à tel point que certains magasins, déjà bien touchés par la crise énergétique, mettent la clé sous la porte en Bretagne. L'analyse d'un expert, Goulven Oillic, coordinateur filières chez IBB - Initiative Bio Bretagne.

Des magasins bio qui ferment, d'autres en redressement judiciaire, des producteurs en difficulté : après des années de croissance, la crise est brutale, pour la filière biologique. La vente de produits bio ne cesse de reculer, depuis un an. Alors que les produits bio sont vendus 30 à 40% plus cher, en moyenne, que les produits conventionnels, le contexte d'inflation peut expliquer cette baisse de consommation de produits bio, mais pour Goulven Oillic, coordinateur filières chez IBB - Initiative Bio Bretagne, le contexte d'inflation est loin d'être la seule cause de cette crise :

"Peut être que la filière bio s'est un peu endormie sur ses lauriers aussi, dans le sens où comme on avait des croissances records, on s'est dit que ça allait continuer comme ça ad vitam aeternam, mais c'est jamais comme ça que ça se passe ! Il y a aussi le développement de labels concurrents du bio comme HVE - Haute Valeur Environnementale, la certification numéro 3. Avec la multiplication de ce genre de labels, le consommateur est perdu... sans compter que dans le bio, il y a une segmentation qui s'est mis en place avec du bio +, avec du bio convergence ; bio équitable France, Bio Partenaires... ce qui fait qu'en fait on a brouillé le message quelque part !"

Goulven Oillic, coordinateur filières chez IBB
Crédit : Yann Launay

Le marché bio français suit le voisin anglais

Le ministre de l'agriculture Marc Fesneau vient d'annoncer une rallonge de 5 millions d'euros pour le Fonds Avenir bio, qui soutient les producteurs, mais les acteurs de la filière dénoncent l'attitude des grandes surfaces, accusées de se désengager du bio. Pour Goulven Oillic, les choix des grandes surfaces posent effectivement problème, et pourraient accélérer la crise :

"On connaît les arguments des grandes surfaces, qui disent qu'elles arrivent moins bien à vendre ces produits  donc elles dé-référencent. On le voit : les gammes de produits bio se réduisent. 50 % du marché bio était détenu par les grandes surfaces et comme elles déférencient les produits, cela fait un effet boule de neige. On avait déjà vu ça en 2007 - 2008 en Angleterre. Les grandes surfaces avaient anticipé la crise; et différencié les produits... et donc le marché bio anglais s'est écroulé alors que les consommateurs continuaient à demander des produits. Le marché anglais s'est cassé la gueule sur deux ou trois années après pour remonter, cela a été progressif, mais le mal était fait !"

Carottes
Crédit : Pixabay
Goulven Oillic, coordinateur filières chez IBB
Crédit : Yann Launay

Il faut mieux communiquer

Pour Goulven Oillic, la sortie de crise passera aussi par davantage de communication, par un retour aux fondamentaux : "en fait, il y a une conscience collective d'aller de nouveau prendre son bâton de pèlerin pour communiquer sur les vertus de la bio, parler de l'intérêt de manger bio pour la santé, l'environnement (...) Il y a des avantages avérés pour la santé de manger bio qui n'ont pas été utilisés dans la communication aussi bien des professionnels que des producteurs, des transformateurs ou même des distributeurs. C'est vrai que les fondamentaux de la bio ont été oubliés... mais comme le marché allait très bien, la communication sur les produits bio a sans doute été moins offensive ou moins présente."

Goulven Oillic, coordinateur filières chez IBB
Crédit : Yann Launay

Une crise est temporaire ou pas ?

La crise du bio risque-t-elle encore de s'aggraver, jusqu'à une désorganisation complète de ses filières ? Goulven Oillic veut rester optimiste, tout simplement parce que les acteurs réagissent déjà : "on a vu des magasins bio venir discuter entre eux, qui sont concurrents les uns les autres... échanger des solutions, partager un diagnostic et aussi se regrouper avec les consommateurs. On a vu des Biocoop changer de statut, partir sur des statuts de SCIC (Société coopérative d'intérêt collectif) en intégrant les consommateurs, mais aussi leurs salariés dans la gouvernance. Les choses bougent : ils ont réagi assez rapidement. La conscience aussi que les filières bio se sont un petit peu endormies sur leurs lauriers est réelle, il y a un rebond qui s'opère donc je suis plutôt optimiste !"

 

Goulven Oillic, coordinateur filières chez IBB
Crédit : Yann Launay

Reste que l'Etat n'a annoncé aucune aide directe aux producteurs en difficulté : des aides réclamées par la Fédération nationale de l'Agriculture biologique, pour la première fois de son histoire.