La tempête Ciaran n’a pas épargné la forêt : l'ONF évalue les dégâts
Publié : 15 novembre 2023 à 8h27 - Modifié : 15 novembre 2023 à 8h36 par Dolorès CHARLES
C'est un travail conséquent qui attend les agents de l'ONF - l'Office National des Forêts, une douzaine de jours après la tempête Ciaràn qui a dévasté une partie des massifs forestiers de la région Bretagne. Reportage dans la forêt de Landévennec (Finistère).
La tempête Ciaràn n’a pas épargné la forêt, dans les Côtes d'Armor, le Morbihan et surtout le Finistère. Les agent ONF commencent un vaste travail de diagnostic fin, à pied et à l'aide de drones, pour mesurer les dégâts sur le terrain. Les premières reconnaissances révèlent l’ampleur des conséquences de Ciaràn. Notre reporter en Bretagne, Yann Launay, a suivi Paul Sansot, responsable ONF Morbihan-Finistère sud, dans la forêt de Landévennec, en presqu’île de Crozon : "ici, d'un côté, on a la futaie feuillue et de l'autre on avait plutôt des épicéas, mais aussi un mélange d'autres arbres. Vous voyez le versant d'en face, cela veut dire que tout a été soufflé par la tempête. Si je devais évaluer, je dirais qu'il reste 5 à 10 % des arbres. On sent qu'il y a eu un couloir de vent et ça, on le voit dans beaucoup de forêts de la zone la plus touchée.
Notre travail est de caractériser l'impact de la tempête par parcelle pour ensuite prioriser les interventions en fonction de différentes choses : quel type de bois il y a dans la parcelle ? Quel est l'enjeu sanitaire puisque beaucoup de bois morts par terre et sur pied fait qu'au printemps, il peut y avoir un risque de scolytes, des insectes (ravageurs), qui s'attaquent aux arbres morts ou dépérissants. Ils vont pulluler et aller attaquer des arbres sains."
Dans certaines parcelles, les 2/3 des arbres brisés ou déracinés
Dans le Finistère, il est toujours interdit de se promener en forêt, les zones boisées restent dangereuses, des arbres et des branches menacent de tomber. Les agents de l’ONF ont commencé les reconnaissances sur le terrain, et les premières constatations viennent confirmer les craintes : dans certaines parcelles, les 2/3 des arbres sont brisés ou déracinés. Une perte environnementale et paysagère, mais aussi économique, pour Paul Sansot, d'autant que les chênes, comme ceux de la forêt du Cranou, ont payé un lourd tribut à Ciaran :
"Un chêne qu'on coupe à 200 ans, si une parcelle qui a 100 ans tombe eh bien on perd les deux tiers du volume ! C'étaient des chênes de qualité et amenés à faire que du bois d'oeuvre quasiment et là, on se retrouve avec beaucoup qui vont partir en bois énergie. Il y a une grosse perte économique derrière tout ça. Imaginez l'investissement en temps et en argent qu'il va falloir pour renouveler ces forêts. Pour que l'ambiance forestière revienne dans ces parcelles cela se compte en dizaines d'années, de 20 à 30 ans..."
Que va devenir le bois tombé ?
Des milliers d'arbres ont été couchés par la tempête, dans les forêts domaniales bretonnes. Des arbres de tous diamètres et de toutes essences. Que va-t-on en faire, dans les semaines et les mois qui viennent ?
Pour Marie Dubois, directrice ONF Bretagne : "il y a des arbres, qui vont pouvoir rentrer dans le circuit de commercialisation, dans la filière forêt bois habituelle, qui vont partir en Syrie pour faire de la charpente, des meubles, des bois de cagettes, etc. qui alimentent aussi l'industrie agro alimentaire bretonne et du bois énergie. Il y a aussi certains arbres qui sont tombés qu'on va laisser en forêt, parce que ça fera du bois mort pour protéger la biodiversité et les écosystèmes forestiers. Il faudra aussi exporter les bois rapidement parce qu'il y a des critères de dangerosité aussi par rapport à des chutes potentielles d'arbres qui sont proches des routes forestières, et des chemins d'accès. Il faut qu'on sorte ces bois rapidement pour sécuriser l'accès, notamment des publics qui viendront ici."
"On viendra localement faire des plantations pour aider la forêt à repartir avec des essences diversifiées et adaptées au contexte de changement climatique"
Le bilan précis de la tempête, dressé hectare par hectare, prendra plusieurs semaines. En parallèle commence le déblaiement des routes et allées forestières, et ensuite ce sera l'enlèvement des arbres brisés ou déracinés.
Se posera ensuite la question de la régénération des massifs les plus impactés, mais selon quelle méthode ? "Au maximum, il faut laisser faire la nature et laisser la forêt se reconstituer seule, avance Marie Dubois. On sait avec les collègues forestiers qu'ont vécu les tempêtes de 87 et 99 que cela a marché dans au moins 65 % des cas. Parfois, cela ne marche pas et dans ces cas là, on vient localement faire des plantations pour aider la forêt à repartir avec des essences diversifiées et adaptées au contexte de changement climatique. Je prends l'exemple du hêtre qui aura beaucoup de mal à résister à la sécheresse et au réchauffement prévu en 2050 et 2100, et donc typiquement, c'est une essence qu'on ne va pas planter en mono essences, mais cela peut faire partie d'un mélange d'essences locales, qu'on ira planter pour reconstituer la forêt."