"Linfini" : la relance de l'industrie textile en France, près de Morlaix

Publié : 22 novembre 2022 à 8h07 par Dolorès CHARLES

Xavier Denis & Tim Muller
Crédit : Yann Launay

"Linfini", c'est le nom du projet de construction d’une filature de lin en Bretagne, près de Morlaix. Objectif des fondateurs, réhabiliter la filière alors que la France est le premier producteur de lin au monde mais 99% de cette production végétale est exportée en Asie, et plus particulièrement en Chine, pour être filée. L’ouverture est prévue en juin 2023.

Elle avait fait la richesse de la région aux XVIIème et XVIIIéme siècle : la filière lin cherche à renaître, en Bretagne, et un cap sera franchi dans un an : une filature devrait commencer à produire, à Morlaix. Ce sera le quatrième site en France à relocaliser cette activité, et le premier en Bretagne. Un projet porté par deux jeunes entrepreneurs, à travers leur entreprise baptisée "Linfini".

Une situation paradoxale

Les machines sont commandées, et l'équipe est en cours de recrutement. Dans un premier temps, 23 employés seront embauchés pour faire tourner la filature, avec l’objectif de combattre une situation paradoxale : le lin est produit en France, mais il parcourt des milliers de kilomètres avant d’être utilisé en France, comme le souligne Xavier Denis, co-fondateur de Linfini, au micro de Yann Launay :

"La France est le premier producteur au monde de lin, sauf que tout part en Chine et en Europe de l'Est. On est les leaders mais on a laissé partir ce savoir-faire de la filature qui empêche d'avoir du fil 100 % français. Aujourd'hui, quand vous regardez le contexte économique international, vous avez l'augmentation de l'énergie, l'augmentation des frais de conteneur, l'augmentation des salaires à l'étranger. Quand vous cumulez tout cela, plus les problèmes environnementaux, est-ce raisonnable de délocalise ? Non, aujourd'hui, les marques et les industriels en prennent conscience. Le but n'est pas de remplacer à 100 % les Chinois mais de proposer des produits alternatifs et des solutions en circuit court pour valoriser le savoir-faire et l'industrie."

Xavier Denis
Crédit : Yann Launay

De nombreux débouchés

Dans la future usine de 4500 m2, c'est la méthode de filature "au sec" qui sera retenue, pour économiser l'eau et l'énergie. Ce sera la seule filature de lin de ce type, ce qui la rendra complémentaire des trois autres ateliers français, comme l'explique Françoise Kerjose, directrice de production chez "Linfini" : "certes, on va fabriquer un fil un peu plus épais que la technique de la filature au mouillé. Mais ce fil un peu plus épais a de nombreux débouchés avec l'hôtellerie et la restauration, qui nous ont sollicitées pour aménager des hôtels dans la déco, mais également pour leur fournir le linge de table, des nappes, des serviettes... Petite anecdote, nos déchets de lin vont servir pour la fabrication des billets de banque américains puisque les déchets de lin entrent dans la fabrication des billets."

Filature, Infini projet
Crédit : Infini projet
Françoise Kerjose
Crédit : Françoise Kerjose

Avec le lin recyclable et biodégradable, les possibles sont gigantesques !

L’atelier "Linfini" ne produira par seulement des bobines de fil : l’objectif est de proposer du lin sous diverses formes, pour de multiples utilisations : "on va vendre du fil, des produits finis pour l'hôtellerie et la restauration, mais on va vendre aussi des filets de conditionnement pour les légumes avec les prototypes que nous sommes en train de créer avec la Sica Saint-Pol-de-Léon, Prince de Bretagne... et puis, il y a aussi tout le marché du bio composite : ça peut être pour l'aéronautique ou l'automobile. Aujourd'hui, on comprend bien que le lin peut venir en alternative au plastique. Le lin est une matière recyclable, biodégradable, et les possibles sont gigantesques ! C'est pour ça qu'on a décidé de mettre sous notre filature un laboratoire d'expérimentation et un bureau d'étude pour avoir les yeux toujours tournés vers l'avenir et d'être toujours innovant."

Xavier Denis
Crédit : Yann Launay

Des agriculteurs sont prêts à fournir la matière première 

Producteur de lin bio à Commana et président de la Société Linicole de Bretagne, Guillaume Letur est convaincu qu'il s'agit d'une opportunité à saisir : "On a de la place sur le territoire pour développer cette culture qui est intéressante. On est sur une relance de filières, il y a donc de petites contraintes, à savoir être un peu plus patient : ce n'est pas une culture qui est livrée à la coopérative et qui est payée tout de suite comme du blé par exemple. Il y a un peu plus de patience à avoir parce qu'il faut que la fibre soit transformée. Tout le breton aujourd'hui part en Normandie pour travailler et commercialiser, et l'objectif à très court terme est de monter une usine de teillage de transformation à Commana pour éviter les coûts de transport. Le teillage, c'est donc la séparation des fibres, du lin et des coproduits, la graine et la paille, de façon uniquement mécanique et sans eau."

Guillaume Letur
Crédit : Yann Launay

Dès l'an prochain, Guillaume Letur et ses confrères finistériens devraient semer autour de 500 hectares de lin. Xavier Denis et son associé Tim Muller assurent avoir réuni 90% des 10 millions d’euros nécessaires pour lancer la filature. Démarrage de la production prévu en novembre 2023.