Mobilisation à Plouisy pour dire non à la ferme de saumons
Publié : 12 décembre 2021 à 20h50 - Modifié : 12 décembre 2021 à 21h02 par Dolorès CHARLES
Une usine géante qui produirait 10 à 20 000 tonnes de saumon par an : c'est le projet du groupe norvégien "Smart Salmon". Ce dernier veut implanter à Plouisy ce projet de ferme saumons. Ses détracteurs ont manifesté sur place aujourd'hui (dimanche).
A Plouisy, près de Guingamp, dans les Côtes d'Armor, les saumons grandiraient dans de grandes citernes puis seraient transformés sur place. Les élus locaux ont déjà validé la vente d'un terrain de 10 hectares, proche de la voie rapide, mais ce projet de ferme porté par les norvégiens de Smart Salmon suscite bien des inquiétudes, et une manifestation a réuni quelque 300 opposants ce dimanche. L'entreprise explique qu’il n’y aura pas de pollution, que le système fonctionnera en circuit fermé, avec des panneaux solaires pour l'énergie, et avec un méthaniseur pour valoriser les déchets...
Mais Thomas Madec a bien du mal à y croire. Il est éleveur à Lanrodec, et membre de la Confédération paysanne : "il y aura forcément ce que l'on appelle des boues : les déjections des animaux et éventuellement l'aliment qui n'est pas consommé, et ces boues-là contiennent énormément d'azote et de phosphore. Je veux bien entendre que ces boues seront traitées en méthanisation, mais l'azote et le phosphore, qui vont entrer dans ces cuves, ressortiront fatalement. Il faudra bien trouver une destination. La seule destination ultime, généralement c'est l'épandage sur des terres agricoles, pour faire des cultures. Aujourd'hui, en Bretagne, il n'y a pas 1 cm² de terre capable d'absorber ce qui va sortir de ce méthaniseur-là."
Les emplois annoncés : "un trompe l'oeil"
Le groupe norvégien prévoit la création d'une centaine de postes, pour faire tourner l'usine, mais là aussi Thomas Madec n'y croit pas. "On avait fait une estimation par rapport à ce que peut produire comme emplois une pisciculture moyenne, au prorata on a quand même davantage d'emplois sur ces piscicultures familiales. Sur ce site, la fourchette va être entre 50 et 100 emplois. Ça va être des fileteurs, des gens qui lèvent les filets toute la journée, ce n'est pas de la main d'oeuvre très disponible sur le pays de Guingamp. On a déjà un problème de recrutement, alors si c'est pour faire intervenir des travailleurs détachés, comme on le voit dans d'autres entreprises de Guingamp, c'est dommage..."
C'est du "Fish and fric !"
Pour Emmanuel Louail, éleveur à Saint-Mayeux et porte-parole de la Confédération paysanne, derrière les belles présentations en images de synthèse, cette usine appartient à un modèle néfaste et dépassé : "on continue de concentrer les moyens de production : 10 à 20 000 tonnes de saumon produites par 100 personnes, ça ne fait pas grand monde par tonne de poisson produite. Ça renvoie aussi à l'alimentation des saumons : 10% c'est du poisson, et le reste, en très grosse majorité, c'est du soja... On va encore continuer d'importer du soja qui vient de la forêt amazonienne, à un moment où sur les questions climatiques, on est au pied du mur..."
Pour Thomas Madec, il y aurait mieux à faire sur ces 10 hectares de bocage de qualité : "c'est un espace naturel, agricole, on est quand même dans une volonté politique aujourd'hui de moins consommer de foncier, et on voit ça qui débarque encore pour bouffer 10 hectares de terres agricoles... Sur 10 hectares, on peut, nous, proposer des porteurs de projets en agriculture : des projets de maraîchage, d'ovin viande, des projets qui font travailler du monde, des gens qui ont un métier qui peut-être les rendrait un peu plus heureux que d'être sur une chaîne de découpe H24..."
Réunis au sein du collectif "Douriou Gouez" (eaux sauvages en breton), les opposants demandent aux élus de scruter le projet de Smart Salmon d'un peu plus près, et de réclamer à l'industriel norvégien une totale transparence.