L'hôpital public : un malade pas imaginaire
Publié : 8 juin 2022 à 10h04 - Modifié : 8 juin 2022 à 10h07 par Dolorès CHARLES
Ils ne voulaient pas attendre les conclusions de la "mission flash" demandée par Emmanuel Macron : des personnels hospitaliers se sont à nouveau mobilisés dans toute la France, ce mardi (7 juin), à l'appel de 9 syndicats et collectifs de soignants. Reportage à Saint-Brieuc, dans les Côtes-d'Armor.
La mobilisation est loin d'être massive à Saint-Brieuc (22), mais elle est symbolique et elle est surtout l'illustration d'un grand malaise en France, au sein des hôpitaux publics. Hier (mardi 7 juin), une petite centaine de personnes s'est réunie devant l'entrée principale de l'hôpital Yves Le Foll. Parmi eux : le Dr Christian Brice, médecin urgentiste, membre de l'association des médecins urgentistes de France. Pour lui, la "mission flash", demandée par le chef de l'Etat Emmanuel Macron, est une perte de temps, alors que le diagnostic est connu, et les remèdes aussi :
"Les seules mesures efficaces, c'est de revaloriser de suite les soignants, pour ne pas qu'ils partent à la rentrée. Je pense qu'il faut vraiment valoriser le travail de nuit, la permanence des soins : les infirmières sont payées 1 euro par heure la nuit. C'est un scandale. Je ne parle pas des médecins qui ont des gardes de 24 heures. Il faut que les gens qui subissent le plus soient revalorisés, de façon à ce qu'ils puissent, à la fin de l'été, se dire qu'ils ont été entendus."
Un manque d'effectifs criant
Si la mobilisation est restée faible, la cause selon certains soignants est justement la charge de travail et la manque de personnel. A Saint-Brieuc, Flore a participé au rassemblement devant l'hôpital Yves Le Foll, pendant sa pause sandwich. Elle appartient au service de médecine de réadaptation, et estime ne plus pouvoir remplir ses missions tel qu'elle le devrait : "On est tous en manque d'effectifs, tous les jours on le ressent : on est obligés de faire du tri, de choisir et de prioriser : quel patient est le plus important à voir aujourd'hui, le lendemain on fera pareil... C'est assez difficile psychologiquement, de se dire "lui on ne le verra pas, on n'a pas le temps". C'est frustrant de ne pas pouvoir voir tout le monde."
Il faut un plan Marshall
Pour Christian Brice, le gouvernement doit prouver qu'il veut vraiment sauver l'hôpital public, et arrêter le saupoudrage, le bricolage : "il faut absolument ouvrir des lits, il faut vraiment qu'il y ait un plan Marshall, qu'ils donnent des milliards : il y avait un déficit de 30 milliards pour les hôpitaux publics, l'Etat a investi avec le Ségur 10 milliards, il y a toujours 20 milliards qui manquent, pour qu'on puisse avoir un hôpital décent, et accueillir les gens de façon décente..."
Le retour des non-vaccinés
Dans l'urgence, la réintégration des personnels non vaccinés serait souhaitable, comme l'explique Régis Pineau, assistant de régulation au SAMU et secrétaire CGT à l'hôpital Yves Le Foll : "dans beaucoup d'établissements en France, on a fait travailler des professionnels de santé vaccinés mais porteurs du covid, alors que ces gens non vaccinés auraient pu soulager ces professionnels. Ils seraient environ 15 000 en France, suspendus, soignants et non-soignants. 15 000 c'est énorme, il ne faut pas se passer de cette ressource..."
Les conclusions de la "mission flash" doivent être remises à la fin du mois à Emmanuel Macron, qui assure vouloir annoncer des mesures d'urgences dès juillet.