Immigration : "Emmanuel Macron n'a aucun intérêt à dissoudre l'Assemblée" pour le politologue rennais Romain Pasquier

Publié : 20 décembre 2023 à 17h39 - Modifié : 20 décembre 2023 à 17h46 par Dolorès CHARLES

Assemblée Nationale
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Crédit : Assemblée Nationale

Alors que le texte de loi sur l'immigration a finalement été adopté par les deux chambres parlementaires, après un passage en Commission mixte paritaire, le camp de la majorité présidentielle tangue sévèrement. Analyse politique avec le Rennais Romain Pasquier.

La France est-elle en crise politique ? Alors que son examen a été rejeté il y a une semaine, le projet de loi immigration a finalement été adopté au Sénat et à l’Assemblée hier soir (mardi 20 décembre). Une victoire pour la droite, qui a pesé sur les négociations au sein de la Commission mixte paritaire (CMP). Dans le camp Macron, l’aile gauche grince des dents : certains députés de la majorité présidentielle ont d’ailleurs voté contre le texte, à l’image de l’élue de Loire-Atantique, Sophie Errante, le vendéen Stéphane Buchou lui s'est abstenu… et le ministre de la santé Aurélien Rousseau a depuis officiellement remis sa  démission.

Une tendance européenne

Pour Marine Le Pen du RN, c’est "une victoire idéologique", ce que ne conteste pas le politologue rennais, Romain Pasquier, joint par Dolorès Charles. "Il y a clairement une orientation de droitisation, d'autant que cette droitisation des LR a été opérée sous la menace du Rassemblement national. Marine Le Pen n'a pas tort de dire qu'il y a bien une inflexion très forte du droit du sol en France. Alors ce n'est pas spécifique à la France : on voit bien qu'il y a une montée du populisme de droite. On l'a vu en Europe du Nord, très récemment en Hollande, l'AFD en Allemagne est à plus de 20 %. C'est un contexte mais qui  obère beaucoup la capacité à réformer d'Emmanuel Macron dans les dans les mois et les années qui viennent. La fin de quinquennat risque d'être très longue."

Romain Pasquier
Crédit : Dolorès Charles

"Le rapport de force n'est pas du tout favorable à la macronie"

Il sera difficile de gouverner désormais pour Emmanuel Macron, mais l'universitaire ne croit pas à la dissolution de l’Assemblée, en revanche un remaniement est possible. "Le rapport de force n'est pas du tout favorable à la macronie. En plus, le contexte socio économique, qui était la partie valorisée et valorisante du bilan d'Emmanuel Macron est en train de se durcir avec la remontée du chômage, on a frôlé la récession... Il n'a aucun intérêt, à moins 'être un peu suicidaire pour ses propres amis, de dissoudre l'Assemblée nationale. Il va falloir durer mais dans quelles conditions ? Avec une Première ministre très affaiblie, une solidarité gouvernementale qui a tangué... Il est possible que le remaniement et qu'un changement de Premier ministre soit à l'ordre du jour dans les semaines et les mois qui viennent."

Romain Pasquier
Crédit : Dolorès Charles

Ce n'est pas une crise de régime

Pour le politologue Romain Pasquier, cette crise n’est pas inédite, et les partis politiques français restent dans la confrontation. "On voit bien que le Président de la République, s'il n'a pas de majorité solide, est très entravé dans un système majoritaire pour gouverner, parce que la culture politique n'est pas à la coopération. Le groupe républicain a essayé de faire payer à la macaronie les misères qu'elle a pu lui causer les années précédentes. Mais les LR ont fait passer l'entièreté du texte du Sénat. D'un côté comme de l'autre, on voit bien qu'on est sur du conflit, sur du rapport de force et pas dans la coopération et la coalition, parce que ce n'est pas dans la culture politique de la 5e République."

Romain Pasquier
Crédit : Dolorès Charles

Le président Emmanuel Macron doit s’exprimer ce soir (19h) sur France 5, dans l’émission "C’est à vous". Sans doute va-t-il rassurer et "prendre quelques points précis pour dire que le droit du sol a été préservé, que les valeurs républicaines sont sauvées et qu'en même temps (il faut) être plus vigilant sur l'immigration. Le patronat a rappelé dans le même temps que l'économie française avait besoin d'immigration notamment dans les métiers en tension."

Élisabeth Borne a reconnu des mesures probablement inconstitutionnelles. La Première ministre a estimé que le texte "serait amené à évoluer" après l’examen du Conseil constitutionnel saisi par le président.