Ile de Bréhat : le maire prend un arrêté pour limiter le tourisme de masse

Publié : 15 juin 2023 à 10h41 - Modifié : 15 juin 2023 à 10h52 par Dolorès CHARLES

Brehat - Port clos
Crédit : Yann Launay

Dans les Côtes-d'Armor, la petite île de Bréhat qui compte de plus en plus de visiteurs vient de mettre le holà. Le maire Olivier Carré a pris un arrêté pour limiter la fréquentation, notamment l'été, afin de préserver la population, la faune et la flore, et aussi de faire en sorte que les touristes apprécient davantage leur séjour.

C’est une première, sous cette forme, en Bretagne comme en France : le maire de Bréhat dans les Côtes-d'Armor vient de signer (ce mercredi 14 juin) un arrêté pour limiter le nombre de touristes sur l’île bretonne, du 14 juillet au 25 août. Le plafond est fixé à 4 700 visiteurs quotidiens de 8h30 à 14h30. Ce sont les compagnies maritimes qui devront s'appliquer cette limite. Une régulation pour préserver l’île des conséquences du tourisme de masse, mais une régulation qui vise aussi finalement à préserver le tourisme lui-même, comme l’explique Olivier Carré, le maire de Bréhat :

Olivier Carré : "80 % des Bréhatains veulent réguler !"

"Quand vous avez 30 % des gens les jours de pic qui repartent en disant je ne reviendrai plus jamais à Bréhat, parce que  c'est l'enfer. J'ai perdu du temps sur les parkings. J'ai attendu une heure pour prendre le bateau et je n'ai pas pu manger... A l'arrivée, il y aura moins de visiteurs mais nous ne cherchons pas à avoir moins de visiteurs, mais à éviter les pics... On avait fait un sondage auprès des habitants et 85 % nous disait "il faut absolument réguler". Les Brehatains" qui vivent à l'année et les secondaires qui viennent passer du temps l'été, sont aussi impactés quand il y a trop de monde."

Un quota sera accompagné d'une incitation des visiteurs à mieux se répartir sur l'île, et à mieux respecter le patrimoine naturel : sur certains sites, les dégradations liées à l'affluence s'accéléraient, comme par exemple au célèbre Phare du Paon : "le résultat c'est ce qu'on voit ici, à savoir un chemin très dégradé et cela entraîne au bord une érosion plus importante. Lorsqu'on a en hiver de très grosses tempêtes de l'ouest, le trait de côte est mangé et c'est pour ça qu'on veut mieux canaliser les visiteurs, de manière à si possible à ce que la lande retrouve son implantation naturelle."

Olivier Carré, le maire de Bréhat
Crédit : Yann Launay

Un quota a été fixé à 4 700 visiteurs

Le maire de Bréhat aurait souhaité un chiffre plus faible, un quota plus bas, mais alors comment ce chiffre de 4 700 visiteurs a-t-il été fixé ? La réponse d’Olivier Carré  : "c'est un compromis établi suite aux discussions avec toutes les parties. Il y avait une inquiétude clairement exprimée de la part des socio professionnels, des commerçants, qui craignaient justement un impact trop important si le chiffre était trop bas. On a fini par arriver à ce chiffre de 4 700 qu'il faut corriger, pour prendre en compte les gens qui ne sont pas comptés... et on arrive à des journées à 5003, à comparer aux pics de 6000 avant. C'est un compromis trouvé suite aux inquiétudes des uns et des autres mais on n'a pas un consensus parfait. On a fait ce qui nous a paru le plus équitable pour les compagnies maritimes, mais certaines ne sont pas satisfaites du niveau de régulation."

Pour établir cet arrêté, Bréhat est l'une des premières communes à s'appuyer sur un nouvel article du Code de l'environnement, qui permet de réglementer ou interdire l'accès à des espaces protégés s'ils sont menacés. Bréhat innove et tire aussi les leçons d'exemples comme l'île de Porquerolles, dans le Var, où la régulation avait été contournée...

A Bréhat, le maire à tout prévu : "il y a éventuellement des gens qui vont proposer un transport parallèle payant et amener des gens en dehors du port d'arrivée de l'île, et les déposer à des endroits plus discrets avec des gros zodiacs de 12, 15 ou 20 places. Je vais prendre un arrêté dans les jours qui viennent pour interdire ça, parce que si on demande des efforts aux compagnies maritimes, ce n'est pas pour que des petits malins par derrière contournent l'arrêté et débarquent des gens au détriment des compagnies !"

 Olivier Carré, le maire de Bréhat
Crédit : Yann Launay
Bréat - Phare du Paon
Crédit : Yann Launay
Olivier Carré, le maire de Bréhat
Crédit : Yann Launay

Les compagnies maritimes sont loin d'applaudir cette régulation

Si les compagnies maritimes font grise mine, les commerçants de l'île sont plutôt compréhensifs. Yann Launay a rencontré Catherine, qui reconnait une petite crainte : "comme tout commerçant qui se respecte, forcément par rapport au chiffre, et à la fréquentation, j'ai une petite crainte. Mais c'est vrai que certains jours, c'est quand même beaucoup trop insupportable pour tout le monde. Je ne suis pas certaine qu'on travaille mieux quand il y a 7 000 personnes. Est-ce que vraiment ça va changer pour l'île, ou pour le plaisir des gens ? Trop de monde c'est vrai que ce n'est plaisant pour personne."

Catherine
Crédit : Yann Launay

Les touristes approuvent-ils cette décision du maire ?

La réponse penche majoritairement vers le oui, pour les visiteurs rencontrés en cette mi-juin par Yann Launay : "quand on voit toutes les dégradations faites l'été, les poubelles sont pleines, etc. Le fait de limiter les visiteurs permet aussi de profiter mieux de l'île... Il faut qu'il y ait moins de monde et que les gens s'étalent sur l'année parce que c'est beau tout le temps, donc on peut venir à d'autres périodes. Je trouve que c'est pénalisant parce que l'île est assez grande et il y a de la place pour tout le monde... Après, je pense que c'est plus une gestion pour intégrer l'île, et après les commerçants doivent gérer ça aussi. Ça me parait intéressant pour la faune et la flore, pour les préserver au maximum parce que forcément ça fait des dégradations, des déchets et la pollution pour venir aussi, donc je trouve ça bien."

Visiteurs
Crédit : Yann Launay

Les déposes de touristes par des bateaux en dehors des lignes régulières seront interdites. Les compagnies maritimes seront régulièrement contrôlées, pour être sûr qu'elles respectent le quota. Ce premier été sera encore expérimental, un bilan sera tiré pour adapter le dispositif, et peut-être revoir le chiffre de 4700 visiteurs à la hausse ou à la baisse.