Environnement : des alternatives existent au glyphosate en Bretagne

Publié : 6 novembre 2023 à 10h52 - Modifié : 6 novembre 2023 à 11h14 par Dolorès CHARLES

Olivier Manceau - Kerguehennec
Olivier Manceau - Kerguehennec
Crédit : Yann Launay

Alors que l'UFC Que Choisir (44) appelle aujourd'hui les élus et notamment les parlementaires européens, à s'opposer à tout renouvellement d'autorisation pour le glyphosate, des Chambres d'agriculture de l'ouest travaillent à réduire l'usage de ce pesticide très controversé. Reportage à la station expérimentale de Kerguéhennec dans le Morbihan.

Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé dès 2015 le glyphosate comme cancérogène probable. L’Inserm alerte sur l’impact sanitaire désastreux de ce pesticide, pourtant la Commission européenne appelle les États membres à renouveler l'autorisation de son utilisation, pour 10 ans supplémentaires. Aujourd'hui (6 novembre), l'UFC-Que Choisir s'adresse aux parlementaires de Loire-Atlantique pour qu'ils interpellent le gouvernement, et aux élus européens pour s'opposer à tout projet de renouvellement.

Le glyphosate sera-t-il autorisé pendant 10 ans encore dans l'Union européenne ?

Les 27 voteront à nouveau, dans quelques jours, pour déterminer le sort de cet herbicide fortement suspecté de nuire à l'environnement et à la santé humaine, mais les alternatives existent-elles ? Dans l'Ouest, les Chambres d'agriculture y travaillent, comme à la station expérimentale de Kerguéhennec, dans le Morbihan. Les tests en conditions réelles montrent qu'il ne sera pas si simple de se passer totalement de glyphosate, mais réduire drastiquement son utilisation est techniquement possible, pour Olivier Manceau, directeur innovation recherche à la Chambre d'agriculture de Bretagne.

"On n'est pas condamnés à utiliser du glyphosate tous les ans sur toutes les parcelles. On travaille sur des techniques qui permettront de faire des impasses parce que sur certaines le désherbage mécanique fonctionnera très bien. La rotation nous permettra de gérer et on est en train de travailler en termes de perspectives. : on va recevoir un pulvérisateur qui permettra de désherber de façon intelligente... c'est à dire qu'on aura fait un repérage de la parcelle avec un drone et il n'ira désherber que la zone très localisée où il y a la vivace qui nous pose problème, donc de réduire de façon drastique les quantités, c'est à plus de 90 %."

Olivier Manceau, de la Chambre d'agriculture de Bretagne
Crédit : Yann Launay

Impossible de s'en passer totalement !

Si cet herbicide controversé n'était pas prolongé, les agriculteurs qui l'utilisent actuellement pourraient-il s'en passer rapidement ? Impossible, répond Yannick Le Bars, agriculteur et président de la commission écophyto Bretagne. Dans son exploitation de Plouha, dans les Côtes d'Armor, Yannick Le Bars ne laboure plus depuis 1996, pour préserver la vie des sols. Il a réussi à réduire son utilisation de glyphosate, en arrachant les adventices à la herse ou à la bineuse mais, à son grand regret, ce n'est pas la solution miracle :

"C'est une contrainte car il faut passer les bineuses et cela prend du temps mais c'est surtout compliqué parce qu'il pleut beaucoup au printemps souvent, et un binage, s'il pleut dans les jours qui suivent, ne sert à rien. Aujourd'hui dans certaines situations, on n'a pas les solutions alternatives pour s'en passer. On a des solutions pour réduire l'utilisation, on a de la robotique qui arrive - des robots qui vont remplacer le travail manuel fait dans les années 40-50 après guerre, mais la robotique ce n'est que le balbutiement. Il faut que la recherche fasse son travail..."

Yannick Le Bars
Crédit : Yann Launay
Yannick Le Bars
Crédit : Yann Launay

"On a besoin d'un minimum de glyphosate"

Paradoxalement, ce sont les agriculteurs engagés dans une démarche de conservation des sols qui s'inquiètent le plus d'une interdiction du glyphosate. Ils auraient de grandes difficultés à s'en passer totalement. L'agriculture de conservation des sols "est une agriculture où on ne va pas labourer, c'est à dire qu'on ne va pas retourner la terre. Cela a de très gros avantages par rapport à l'environnement pour le stockage du carbone, pour la vie des sols... Ce sont des techniques qui sont relativement nouvelles, ajoute Olivier Manceau, mais pour lesquelles on a besoin d'un minimum de glyphosate pour les mettre en œuvre... d'abord pour faire un rendement, parce que si on laisse les mauvaises herbes pousser, on perd énormément et puis, il y a d'autres problématiques. C'est que si on se retrouve avec dans nos récoltes des mauvaises herbes toxiques, les produits ne sont pas consommables, ou ils sont dangereux pour les consommateurs."

Olivier Manceau, de la Chambre d'agriculture de Bretagne
Crédit : Yann Launay

Plus le glyphosate est utilisé, moins il est efficace

Pour la Chambre d'agriculture de Bretagne, si l'interdiction totale du glyphosate est un vrai défi, réduire son utilisation est obligatoire, d'abord pour une raison agronomique : plus le glyphosate est utilisé, moins il est efficace. L'utilisation massive de glyphosate depuis 1974 a sélectionné des plantes résistantes, dont le nombre augmente d'année en année, dans le monde entier.

Olivier Manceau, de la Chambre d'agriculture de Bretagne
Crédit : Yann Launay

Pour Olivier Manceau, c'est un peu comme pour les antibiotiques : "en santé humaine avec les antibiotiques, dès qu'on avait le moindre souci, on les utilisait et ensuite on a dit non, il faut les utiliser que lorsqu'ils sont efficaces ! Aujourd'hui pour les médicaments comme pour les produits phytosanitaires, l'objectif serait de faire de la micro-thérapie et d'intervenir que là où on en a réellement besoin, donc de limiter très fortement les doses pour tous les produits chimiques, qui soit pour notre santé ou pour la santé des plantes, on aura la même logique."

Le vote des 27 devrait intervenir d'ici une dizaine de jours, autour du 15 novembre. Si aucun accord n'est trouvé, c'est la Commission européenne qui prendra seule la décision.