Des sépultures mises à jour, en plein coeur de Rennes
Publié : 25 janvier 2022 à 21h49 - Modifié : 26 janvier 2022 à 7h39 par Dolorès CHARLES
Le passé de Rennes ressurgit, en plein cœur de la ville : des fouilles sont menées en ce moment place de la Mairie, et elles attirent l'attention de nombreux passants. 12 sépultures ont été découvertes, sept d'entre elles dateraient de la fin du Moyen-âge, et cinq autres plutôt du début de cette période. Reportage sur place de Yann Launay.
C'est un diagnostic archéologique mené par l'INRAP (Institut National de Recherche Archéologique Préventive), là où des arbres doivent être plantés prochainement, que la découverte d'ossements s'est faite. La procédure est systématique avant travaux. Quatre grandes tranchées ont donc été ouvertes, et sous les pavés de la place de la Mairie de Rennes, les archéologues ont notamment retrouvé plusieurs sépultures : des squelettes remontant au haut Moyen-Age, comme l'explique Dominique Pouille, ingénieur de recherches à l'INRAP et responsable des opérations, à Yann Launay :
"Là on est à l'extérieur de la ville médiévale, c'est probablement le cimetière de cette église Saint-Pierre du Marché, dont on connaît l'existence au XIème siècle, et qui a disparue ensuite. Ce sont des sépultures toutes orientées dans la même direction, avec la tête à l'Ouest, regardant vers le soleil levant, c'est ce que l'on trouve à partir de l'antiquité tardive dans ces cimetières chrétiens. Les restes osseux vont permettre de déterminer s'il s'agit d'un homme ou d'une femme, de déterminer l'âge au décès. Pour l'une des sépultures, on a le crâne avec la dentition assez bien conservée : ça permet d'avoir quelquefois des informations sur les régimes alimentaires. Les ossements sont partis en laboratoire et vont être étudiés en détail dans les mois qui viennent."
Des traces de l'incendie de 1720
Dans les tranchées, des traces du grand incendie de 1720, qui a ravagé une bonne partie de la ville, ont été retrouvées, mais aussi des constructions plus anciennes, comme ces murs découverts dans l'une des tranchées proches de l'opéra :
"On a de très gros murs, qui correspondent aux murs d'un hôtel particulier construit dans le courant du XVIème siècle, qui s'appelle l'Hôtel de Brissac, dont on connaît l'existence parce qu'il a été mentionné dans des textes. On s'attendait à le retrouver, alors ce qui est un peu surprenant, c'est la taille des maçonneries : on a des murs dont certains font un peu plus d'1,40 m d'épaisseur... Ça suppose un bâtiment avec une élévation très importante, un très grand logis qui a disparu après l'incendie."
Des pierres sculptées en granit secrètes...
Des fragments de céramique, de vaisselle du Moyen-âge ont été découverts, ainsi que des pièces de monnaie difficiles à dater. Parmi les découvertes plus mystérieuses : des pierres sculptées, en granit, qui intriguent les archéologues :
"On a retrouvé des éléments d'architecture, des gros blocs de pierre moulurés, des meneaux d'ouvertures, de fenêtres, d'une construction qui date probablement du XVème ou du XVIème siècle, vraisemblablement un gros manoir urbain, qui a été détruit finalement assez rapidement, puisque bizarrement ces matériaux ont été réutilisés comme empierrement de fondation d'un mur du XVIIème siècle, donc ça pose question et en même temps c'est intéressant parce qu'à Rennes on n'a pas beaucoup de témoignages d'architecture civile de cette époque..."
La frustation des archéologues
Les archéologues ne creuseront pas au-delà de 1,50 m, la profondeur nécessaire pour la plantation des arbres, et les fouilles s'achèveront ce vendredi. C'est la procédure, mais Dominique Pouille ne cache pas une certaine frustration :
"C'est une opportunité pour nous de pouvoir travailler ici, et en même temps c'est vrai que c'est un peu frustrant, parce qu'on soulève le tapis, pour voir ce qu'il y a à cet emplacement-là, et on aimerait bien aller voir à côté, parce qu'évidemment tout cela se poursuit sur le reste de la place, mais on doit se contenter de ce qu'il y a dans ces tranchées... Si un jour il y a d'autres aménagements prévus, je ne sais pas, un bassin au milieu de la place, peut-être que cela nécessitera une autre intervention et qu'on pourra compléter les informations... Mais en tous cas, ce qui est intéressant c'est que pour un quartier pour lequel on n'avait absolument pas d'information, on a déjà beaucoup de choses qui sont sorties et qui vont enrichir considérablement le dossier de l'archéologie à Rennes."
Les divers objets découverts, tout comme les ossements, seront analysés en laboratoire dans les semaines et les mois qui viennent. Le chantier de plantation de 18 arbres va prendre le relais des fouilles, Place de la Mairie : 18 chênes qui devraient atteindre 10 à 12 mètres de haut d'ici une quinzaine d'années.