Des salades et fraises qui poussent à la verticale, dans des containers !
Publié : 27 janvier 2022 à 22h36 - Modifié : 27 janvier 2022 à 22h36 par Dolorès CHARLES
Cultiver des légumes à la verticale, dans des conteneurs : une méthode que Jean-Luc Achard et son fils s'attachent à optimiser, pour la commercialiser en France et dans le monde.
Originaire du Finistère, Jean-Luc Achard a passé toute sa vie professionnelle à l'étranger. Il s'est retrouvé bloqué en France par la pandémie, et s'est alors concentré sur l'hydroponie en conteneur, une technique qui lui semble encore largement sous-utilisée. A Muzillac, dans le Morbihan, il a installé avec son fils un grand conteneur frigorifique réformé, dans lequel ils font pousser des salades, des fraises, des aromates... L'eau, la lumière, l'alimentation des plantes : tout est contrôlé par ordinateur, et automatisé.
Les plantes poussent sur des colonnes étroites, de 2 mètres de haut, alignées face à des rubans de leds : "ce sont des espèces de rails en pvc, à l'intérieur desquelles vous avez deux mousses qui permettent de tenir la plante, et à l'intérieur vous avez une bande de feutre, qui permet de retenir l'humidité et les nutriments dont les plante à besoin. Au niveau lumière, on a des bandes de leds qui retracent le spectre lumineux du soleil... Il y a beaucoup de capteurs : des capteurs pour la température, pour l'humidité, pour le CO2, pour les nutriments... Ce que l'on entend là ce sont les pompes de dosage qui se mettent en route automatiquement.. On vient de pomper du PH, il ne faut pas être trop acide, et la pompe va chercher ce dont elle a besoin..."
Les plantes ne voient pas la lumière du jour
Les plantes sont tout de même en contact avec de la terre : dans son système, Jean-Luc Achard utilise systématiquement du compost, pour faire germer les plantes, avant de les installer sur les tours, à la verticale. Lumière, atmosphère, humidité, acidité, nutriments : tout est sous contrôle permanent, et dépendant de l'électricité. Les plantes ne voient pas la lumière du jour, mais malgré les apparences, le bilan écologique global, à production équivalente, est selon Jean-Luc Achard très largement favorable au conteneur : "en tout, on a 260 tours, qui représentent l'équivalent de 85 m² de terrain, et sur ces 85m², on récolte à peu près 1000, 1100 salades par semaine.Vous avez un volume et une inertie assez faibles, comparativement à des serres, ce qui permet de consommer très très peu : nos consommations d'électricité sont à peu près de 280 euros par mois, et en eau, on est à 80 litres par mois. On consomme à peu près 90 à 95% d'eau et d'électricité en moins que ce qui se fait dans le classique, que ce soit en serre, en tunnel, en pleine terre..."
(Les plantes) se développent sans stress...
Une salade produite dans de telles conditions a-t-elle du goût, est-elle comparable à une salade de pleine terre ? "Elle a toutes les propriétés d'une salade plein champs, elle est très goûteuse. Le basilic est très très fort, le persil également. Je dirais que c'est presque normal puisque ces plantes se développent dans un milieu idéal pour elles, elles se développent sans stress... Elle a exactement les mêmes qualités nutritives qu'une salade pleine terre. On évite les maladies, les insectes, limaces... On n'utilise aucun traitement, aucun pesticide. Ce qui veut dire que votre salade, vous pouvez prendre une feuille et la manger : cette salade est utilisable telle qu'elle est."
Des applications nombreuses
Jean-Luc Achard et son fils ont fondé la société Sepec Consults et sont déjà en contact avec des clients potentiels, et pour Jean-Luc Achard, les applications sont innombrables, et souvent stratégiques, loin du gadget de science-fiction :
"Ça va de l'agriculteur en Martinique qui ne peut plus utiliser ses terres parce qu'elles sont polluées par le chlordécone. On a également des sociétés qui recherchent une façon de pérenniser leurs lignes de production, pour être sûres d'un approvisionnement constant, et ne pas aller chercher des salades en Italie parce qu'en France l'hiver il n'y en a pas suffisamment. Le milieu pharmaceutique a besoin aussi de sécuriser certains approvisionnements de plantes pour fabriquer leurs molécules derrière et ne pas aller les chercher à l'autre bout du monde. Vous pouvez aussi avoir des gens qui recherchent pour des bases industrielles plantées au milieu d'un désert, au milieu d'une jungle, où vous avez besoin d'approvisionner les gens qui y travaillent en légumes frais..."
140 000 euros le conteneur
Reste que cette méthode peut ressembler au cauchemar de l'agriculteur traditionnel. Pourtant Jean-Luc Achard l'assure : ces conteneurs peuvent au contraire être une opportunité en permettant aux agriculteurs de s'affranchir des aléas climatiques sur une partie de leur production : "Cette solution leur permet non seulement de pérenniser leurs exploitations, et de pouvoir produire et de fournir au consommateur des produits de qualité, bio, en circuit court, et derrière de développer d'autres cultures pleine terre avec cette garantie d'un revenu décent."
Si vous étiez prêt à tout lâcher pour vous lancer dans la culture de safran en conteneur, sachez qu'il vous faudra commencer par casser votre tirelire, qu'on espère bien remplie : un tel conteneur coute aux alentours de 140 000 euros. Fin février, Jean-Luc Achard et son fils seront à DubaÏ, pour participer au sommet sur alimentation du futur.