Côtes-d'Armor : le décès d'un joggeur en 2016 était-il lié aux algues vertes ?

Publié : 28 octobre 2022 à 7h26 - Modifié : 28 octobre 2022 à 14h39 par Hélène HAMON

Des associations réunies ce jeudi matin devant le tribunal administratif de Rennes
Des associations réunies ce jeudi matin devant le tribunal administratif de Rennes
Crédit : Des associations réunies ce jeudi matin devant le tribunal administratif de Rennes

Le tribunal administratif de Rennes se penchait ce jeudi matin (27 octobre) sur l'affaire du joggeur retrouvé mort dans l’estuaire du Gouessant à Hillion, en baie de Saint-Brieuc (22). Cet homme de 50 ans avait perdu la vie le 8 septembre 2016. Sa famille se bat pour que le lien entre son décès et la présence d'algues vertes soit établi.

L'émotion était palpable ce jeudi matin au tribunal administratif de Rennes. Des militants, très engagés contre les algues vertes, étaient présents, en nombre, pour soutenir la famille de Jean-René Auffray. Il y a un peu plus de six ans, le corps de ce joggeur expériménté de 50 ans avait été retrouvé mort dans l’estuaire du Gouessant à Hillion, dans les Côtes-d'Armor. Il avait été découvert dans une vasière infestée d'algues vertes alors qu'il était parti faire un jogging avec son chien. Sa famille fait  aujourd'hui clairement le lien entre son décès et la présence d'algues vertes sur les lieux de l'accident.

Une bataille judiciaire engagée

L'entourage de la famille a entamé une bataille judiciaire en 2019 pour ne plus que ce type de drame n'arrive. Le tribunal administratif de Rennes se penchait sur cette affaire sensible. De nombreuses associations qui luttent contre les algues vertes étaient présentes, dont 'Haltes aux Marées Vertes'. Pour sa présidente, Annie Le Guilloux, interrogée par Hélène Hamon, cet accident n'aurait jamais du avoir lieu. "Cet accident n'aurait jamais dû avoir lieu si les autorités avaient fait le nécessaire. Or, la zone du Gouessant, connue pour être très dangereuse, n'a été interdite d'accès qu'après septembre 2016. De la même façon, ce n'est que postérieurement, et même très récemment en septembre dernier, qu'a été mise en place un protocole stipulant qu'en cas de suspicion d'intoxication à l'hydrogène sulfuré, les analyses nécessaires soient faites immédiatement pour déterminer, sans contestation possible, les causes de la mort. Mais surtout, ce n'est pas pour autant que les pouvoirs publics doivent se dédouaner de traiter le problème à la racine. Il faut accepter d'en finir avec l'élevage hors sol à l'origine des algues vertes, et revenir à un élevage lié au sol avec un cheptel proportionné à la surface agricole disponible parce que c'est la seule voie pour remédier au fléau."

Annie Le Guilloux
Crédit : Hélène Hamon

Un vrai plan pour endiguer les algues vertes

Pour Annie Le Guilloux, cette audience était aussi l'occasion d'alerter le grand public sur la problématique des algues vertes en Bretagne. Selon elle, les pouvoirs publics doivent proposer un plan ambitieux pour éradiquer ce phénomène. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. "Les marées vertes sont toujours là, toujours aussi présentes. L'année 2021 a été une année record en baie de Saint-Brieuc, notamment. Après les variations se font en fonction de la météo, mais au niveau agricole, rien n'a changé... et le troisième plan algues vertes qui entre en vigueur, quand on fait une lecture attentive, on s'aperçoit que ce n'est rien d'autre que le recyclage des mesurettes qu'on a connues avec le premier et le deuxième plan algues vertes."

Annie Le Guilloux
Crédit : Annie Le Guilloux

Deux niveaux de responsabilités

L'association Colocaterre était aussi présente à l'audience, représentée par Michèle Baudouin. Cette dernière espère que le tribunal administratif de Rennes, qui a mis sa décision en délibéré, donnera raison à la famille de Jean-René Auffray. "Il y a deux niveaux de responsabilité dans cette affaire : le premier niveau est de reconnaître une négligence coupable de la part des pouvoirs publics, de ne pas avoir signalé le danger dans cette zone, de ne pas avoir limité voire interdit l'accès à cette zone où des algues vertes en putréfaction n'étaient pas détectables à l'odeur, à cause de la croûte formée au-dessus. Après aller au delà et reconnaître que les pouvoirs publics sont responsables des excédents d'algues vertes, ce qui est vrai puisque les préfets donnent toujours leur autorisation aux agrandissements d'élevages etc. on n'ose pas l'espérer."

Michèle Baudouin
Crédit : Michèle Baudouin

La décision sera rendue d'ici un mois

Même son de cloche pour l'avocat de la famille, François Lafforgue. Selon lui, les données transmises au tribunal ce jeudi sont imparables. "Le rapporteur public considère qu'il y a une véritable faute majeure de l'État dans la gestion du problème des algues vertes en Bretagne. Ensuite, il considère que dans le dossier particulier de Monsieur Auffray, il est difficile d'établir le lien de causalité entre son décès et la prolifération des algues vertes au motif que l'autopsie aurait été réalisée trop tardivement. Mais sur ce point, je pense que nous avons apporté des éléments au tribunal qui pourrait lui permettre de nous donner raison, notamment le fait que, à cet endroit, des analyses ont été faites et qu'on explose absolument les taux de l'hydrogène sulfuré dans le sol à l'endroit précis ou Monsieur Auffrayest décédé. Je pense que le tribunal a tous les éléments pour pouvoir retenir ce lien."

Le tribunal rendra sa décision d'ici un mois.

François Lafforgue
Crédit : François Lafforgue