Carhaix. Un golf innovant en termes de préservation de la ressource, ou de biodiversité

Des golfs de nouveau pris pour cible, en Normandie, 15 jours après des dégradations dans un golf de la Vienne : les terrains de golfs sont parfois vus comme des espaces gourmands en eau et en pesticides. Mais certains golfs cherchent depuis plusieurs années à favoriser la biodiversité et à économiser l'eau : c'est le cas par exemple du golf de Carhaix, dans le Finistère. Ouvert en 2005, le parcours a obtenu le niveau bronze du label "Golf pour la biodiversité", et vise maintenant le niveau argent.

La préservation de la ressource

Ici au golf de Carhaix (*), les produits phytosanitaires ont été bannis, les espaces d'herbes hautes ne sont fauchés qu'une ou deux fois par an, et les branches mortes ne sont pas broyées. Yann Launay a rencontré Erwan Brot, greenkeeper (responsable de l'entretien du terrain) du golf de Carhaix :

"Avec les intempéries, il y a des petites branches qui tombent ou parfois se cassent... On les tronçonne et on les laisse directement en talus, ce qui va permettre à un tas d'insectes de s'installer dedans. Là, vous voyez un arbre mort sur le talus, on était parti pour le couper, mais en fait, au niveau sécuritaire, il ne mettait pas les joueurs en danger s'il tombait. Le fait de le garder allait apporter tout un tas de biodiversité, notamment des insectes qui pouvaient s'en nourrir... En termes de diversité, on avait tout intérêt à le garder. Ce n'est pas forcément que tout soit aseptisé, tout soit propre, tout soit net, surtout dans des zones qui sont hors jeu."

Un arrosage mesuré

Sur le parcours de 9 trous, l'arrosage est dosé au plus juste, et les volumes d'eau utilisés n'ont rien de pharaonique, comme le soulignent Claude Prigent, le directeur, avec Erwan Brot, le greenkeeper : "à Carhaix, on n'arrose que les greens - c'est la surface qui est autour du drapeau qui est tondu très ras. Cela représente 2 % de la surface, donc quand vous arrosez 2 % de la surface, vous êtes sur des quantités d'eau très faibles. On arrose pas les départs, on n'arrive pas à le fairway ... et on accepte que si vraiment il fait trop chaud, comme l'année dernière en 2022, les "fairway" jaunissent. Ça n'empêche pas de jouer au golf....

On ne peut pas avoir un terrain de la même qualité en hiver, en automne, au printemps comme en été. Le golfeur est éduqué à ça. Quand on va avoir une perte de feuilles dans les arbres et qu'on va se retrouver sur les fairways ou autour du green, avec un peu de feuilles, on va souffler au maximum pour ne pas que cela ne gêne le jeu, mais il y aura des feuilles, cela fait partie de la saison."

Une retenue d'eau pour arroser les greens

Pour aller plus loin, Claude Prigent et son équipe ont le projet de créer prochainement une retenue d'eau, pour être autonome et favoriser la biodiversité, une retenue qui n'aura rien d'une méga-bassine : "c'est une mare de 1100 m2, c'est limité mais ça suffit à stocker l'hiver une quantité d'eau, qui sera réutilisée au printemps ou l'été, et cela devrait suffire à arroser les greens. On n'a pas retenu la solution d'étanchéité avec une géomembrane avec une bâche. Nous, ce qu'on voudrait, c'est arriver à assurer l'étanchéité avec de l'argile... La nature va se l'approprier, avec tout un tas d'espèces qui pourront venir dedans."

Un grand jardin fleuri a été créé autour du bâtiment qui abrite le bar, toujours en favorisant la diversité, comme l'explique Cédric Lumeau, jardinier du golf de Carhaix : "15 000 végétaux ont été implantés, à peu près 10 000 vivaces pour 5 000 arbres et arbustes... et tout ça en 750 variétés différentes. C'est un îlot au milieu du golf qui rajoute encore à la biodiversité puisque avec un tel nombre d'espèces, vous imaginez le nectar que ça représente pour les insectes - c'est une vraie mine d'or..."

Des espèces menacées recensées sur le site

Le golf de Carhaix est suivi et conseillé par Cyrille Blond, un naturaliste du Morbihan, qui constate la présence d'espèces menacées sur ce territoire de 17 hectares : "on a le moineau domestique, qui est en régression en Bretagne - des études scientifiques le montrent. Il y a le bouvreuil pivoine, qui est une espèce qui ne va pas trop aimer le réchauffement climatique. Il aime bien les climats un peu frais et il est nicheur sur le golf. Il y a une espèce aussi emblématique c'est l'escargot de Quimper, qui est présent dans une haie bocagère.... Je m'aperçois que j'ai quand même une vingtaine d'espèces végétales que je n'avais pas recensées avant, qui se sont développées sur le site et qui est lié à la gestion des oiseaux."

Bien sûr, un golf n'est pas une réserve naturelle, et l'exercice a ses limites, mais pour Cyrille Blond, la création du golf de Carhaix et sa gestion raisonnée sont réellement favorables à la biodiversité.

Le golf de Carhaix organise des portes ouvertes tous les mercredis du mois de septembre. C'est gratuit et sur réservation : l'occasion de s'initier au golf tout en découvrant la démarche environnementale suivie à Carhaix.