Carburants. Les stations-service communales bretonnes ne vendront pas à prix coûtant
Publié : 28 septembre 2023 à 22h01 par Dolorès CHARLES
C’est à partir de demain (vendredi 29 septembre) que les enseignes Carrefour et Leclerc vont vendre le carburant à prix coûtant, jusqu’à la fin de l’année. Une opération que ne peuvent pas se permettre les stations-service indépendantes, privées ou communales comme Spézet ou Plouray en Bretagne, où s'est rendu Yann Launay. Elles demandent donc au gouvernement la mise en place d'un fonds de compensation.
Pour répondre à la demande du gouvernement, des groupes de la grande distribution annoncent les uns après les autres des opérations de vente des carburants à prix coûtant. A compter de ce vendredi, ce sera le cas pour un célèbre groupe né dans le Finistère à savoir Leclerc, mais aussi Carrefou. De leur côté, les stations-service indépendantes, privées ou communales, s'estiment complètement oubliées par le gouvernement. Elles expliquent qu'elles ne pourront pas vendre à prix coûtant.
"Il faudrait plus jouer sur la taxation des produits pétroliers que sur les marges des entreprises."
Alain Lollier gère la station de Spézet, dans le Finistère. Une station ouverte il y a deux ans, en partenariat avec la commune, pour que les habitants n'aient pas à faire des kilomètres pour remplir leur réservoir. Pour Alain Lollier, interrogé par Yann Launay difficile de baisser les prix actuels : "on a des prêts en cours, on a des charges fixes, l'entretien de la station, les contrôles, l'électricité, etc. Faire à prix coûtant sur le court terme, c'est dangereux et sur le long terme, c'est encore plus dangereux. C'est impossible. Il nous faut un peu de marge pour payer toutes ces charges fixes. Il faudrait plus jouer sur la taxation des produits pétroliers que sur les marges des entreprises. Parce que si c'est ensuite devoir les subventionner, parce que ces entreprises seront dans le rouge, c'est un peu du n'importe quoi, on va dire."
"On n'est pas la grande distribution"
Les tarifs affichés à la station de Spézet n'étaient pas beaucoup plus élevés que les tarifs des stations de grandes surfaces, mais si la grande distribution se met à vendre à prix coûtant, l'écart va se creuser.
N'y-t-il pas un risque de voir le nombre de clients chuter ? "On ne pourra pas être à 0,20 € au dessus de la grande distribution, on va réduire au minimum nos marges, mais elles sont tellement minimes : c'est 2 € sur un plein de 40 litres ; on ne peut pas faire des folies, explique Alain Lollier. On n'est pas comme la grande distribution qui va attirer les clients chez eux pour remplir le panier. Ils pourront compenser sur l'alimentaire alors que nous, on compense sur rien du tout. On essayera de bien acheter pour bien revendre, mais il faudra qu'on sorte un peu de marge. Je pense qu'il y a beaucoup de personnes qui vont nous suivre et qui sont conscients qu'on n'est pas des pétroliers et qu'on n'est pas la grande distribution."
Vers une demande d'aide de l'Etat
A Plouray, la station service ouverte depuis 2015 est entièrement gérée par la commune. La marge est très faible, de quelques centimes par litre, et pour le maire, Michel Morvant, la vente à prix coûtant ne serait ni raisonnable, ni juste : "cela ne va pas être possible parce si nous n'avions pas ce petit excédent, ce surplus par rapport au prix d'achat, ce sont les contribuables de la commune qui paieraient ! Ce ne serait pas logique surtout qu'il y a des personnes de l'extérieur qui viennent. On a fait quand même des opérations à prix coûtant, mais c'était très limité dans la durée et dans le temps, donc ça n'avait pas de sens réel pour le porte monnaie des gens, c'est symbolique pour montrer une certaine solidarité avec l'affaire des gilets jaunes. On en parlera peut être au conseil municipal, mais je pense qu'on s'orienterait plutôt vers l'espoir d'avoir une aide de l'Etat, si tant est qu'elle existe et qu'elle sera mise en œuvre."
Les tarifs calculés au plus juste
Depuis son ouverture, la station fonctionne au-delà des espérances de l'équipe municipale, et Michel Morvant ne pense pas que les clients disparaîtront si la station communale n'applique pas le prix coûtant. Les tarifs aux pompes communales sont calculés au plus juste : "on a deux fournisseurs et chaque semaine, on les interroge pour savoir quel est celui qui pratique les prix les plus bas et aux prix pratiqués par l'un de ses fournisseurs, on rajoute une marge de 2 ou 3, parfois 3,5 centimes de plus, mais jamais au delà, ce qui nous permet de couvrir les dépenses de fonctionnement courantes qui sont significatives. Le prix par rapport aux grandes surfaces, on le regarde et on est parfois moins cher, mais on est franchement dans les mêmes prix...Il n'y a pas beaucoup de différence !"
Les stations indépendantes ont interpellé le gouvernement pour demander la mise en place d'un fonds de compensation, afin de survivre à la concurrence de la grande distribution.