Carburants : la grogne des pêcheurs et professionnels des travaux publics

Publié : 10 mars 2022 à 10h54 - Modifié : 10 mars 2022 à 10h54 par Dolorès CHARLES

Yohann Madiot, patron du chalutier Naoned
Crédit : Yann Launay

Le cours du pétrole n'en finit plus de grimper, et la facture s'envole à la pompe. Le prix du gazole a dépassé le chiffre symbolique de 2 euros, comme celui de l'essence (en fonction des stations), et pour de nombreux professionnels, les choses se compliquent.

De jour en jour, il y a une inquiétude qui grandit face au prix du baril de fuel en forte augmentation, en marge de l'offensive russe en Ukraine. Le gazole pêche vient de franchir lui la barre d'un euro le litre, un tarif multiplié par deux en six mois. Les pêcheurs attendent une aide efficace et rapide du Gouvernement, ou ils seront contraints de rester à quai, comme l'explique Yohann Madiot, originaire de Nantes et patron d'un chalutier de 23 mètres baptisé le "Naoned". Yann Launay l'a rencontré au port de pêche de Lorient :

"On a fait le plein samedi, donc on était encore sur des tarifs où on pouvait exploiter le bateau. Là on  va partir en mer, on va vider les cuves à gasoil, et une fois que ce sera vide, on rentrera. Du gasoil à 1,20 euro, 1,30 euro ou 1,40 euro pour nous ce n'est pas possible, on ne sera plus viable, plus rentable, on perdra de l'argent... On restera le long du quai et on attendra. On consomme à peu près 2000 litres de gasoil sur 24 heures. On a beaucoup réduit, on travaille sur du matériel de pêche qui fait moins consommer mais à un moment, le bateau il faut bien qu'il avance."

Yohann, patron du chalutier Naoned
Crédit : Yann Launay

Les marins directement impactés

Si Yohann décide de rester à quai, ce sera aussi peut-être à la demande de ses 5 hommes d'équipage eux-mêmes : dans la pêche artisanale, les marins sont directement impactés, sur leur fiche de paie, par la hausse du prix du carburant, du fait de la rémunération à la part :

"A la fin de la marée, on vend notre poisson, on fait le total et là-dessus on enlève les frais communs : les vivres pour manger à bord, le gasoil... Et une fois que ça c'est retiré, il y a une part qui va à l'armement, et une part qui va pour l'équipage... Le marin et l'armement sont autant impactés par la montée du gasoil. Sur la dernière marée, une marée de 15 jours, ils perdent entre 500 et 600 euros sur leur salaire, ça fait du 1000 euros par mois qu'ils perdent, les gars. Si ça continue à monter comme ça, on ne pourra plus donner de salaire, on n'ira plus en mer ce n'est plus possible."

Norbert Guillou TPSL
Crédit : Yann Launay
Yohann, patron du chalutier Naoned
Crédit : Yann Launay

Une entreprise de TP travaille à perte

Face aux prix des carburants qui atteignent des records, la grogne monte dans de nombreux secteurs d'activité. Norbert Guillou dirige une entreprise de travaux publics basée à Caudan, près de Lorient, qui emploie une soixantaine de personnes. Norbet Guillou tire la sonnette d'alarme : avec la flambée du prix du carburant depuis quelques jours il travaille à perte :

"Aujourd'hui, je vais faire une demande de chômage partiel : vaut mieux laisser les engins dans la cour à rien faire, que les amener pour faire un chèque à la fin de la journée.. Les clients, on va essayer de les faire participer un peu, mais les clients sont comme nous, ils ont le même problème que nous, donc il y a des projets qui vont être arrêtés, c'est obligé... Comme on est là, dans deux mois on ferme la boutique. Comment ça se fait qu'avant la crise, en prenant un porteur, on payait moins cher que dans les stations, et aujourd'hui on se retrouve à payer 30 centimes plus cher que dans les stations ?"

 

Norbert Guillou dirige une entreprise de travaux publics à Caudan
Crédit : Yann Launay

Prêt à passer à l'action

Une entreprise comme celle de Norbert Guillou doit faire face à la flambée des prix du carburant, et aussi désormais à des difficultés d'approvisionnement. Est-ce le résultat de commandes massives, anticipées ? En tout cas, il devient chaque jour plus compliqué de se faire livrer, et de se faire livrer le volume espéré. Pour l'entrepreneur, "sur 4 fournisseurs de carburant, il y en a un qu'il ne peut pas joindre, il ne répond plus. Un autre est à 2,81 euros le litre, et peut livrer 2000 litres mais avec 2000 litres il ne fait rien..."

Norbert Guillou avait participé au blocage du dépôt pétrolier de Lorient, en 2019, et se dit prêt à nouveau à passer à l'action, si le gouvernement n'annonce pas rapidement des mesures de soutien aux entreprises touchées par la flambée du prix des carburants. Le patron de l'entreprise TPSL compte maintenant sur une initiative rapide du gouvernement :

"Je pense que le gouvernement aujourd'hui peut faire un effort, peut réduire les taxes, momentanément. Pendant le covid, ils ont participé, au niveau des restaurants, à tous les niveaux, nous on a rien eu du tout. Aujourd'hui, c'est nous qui avons un gros souci, je pense qu'on peut avoir des aides. S'il n'y a pas d'annonce, si on a rien d'ici la fin de la semaine ou début de semaine prochaine, on n'aura pas le choix que de sortir, pour montrer notre mécontentement, et là il n'y aura pas que les TP, il y aura les transporteurs, les taxis, les ambulanciers, les pêcheurs... Tout le monde aujourd'hui à le même problème."

 

Norbert Guillou dirige une entreprise de travaux publics à Caudan
Crédit : Yann Launay

Le gouvernement devrait présenter la semaine prochaine son "plan de résilience" pour aider les entreprises impactées par les conséquences de la guerre en Ukraine.