Brexit. Des bateaux bretons plus rentables vont finir à la casse

Publié : 21 février 2023 à 11h54 - Modifié : 21 février 2023 à 18h37 par Dolorès CHARLES

Port du Guilvinec (29)
Crédit : Yann Launay

Une mobilisation est prévue ce samedi 25 février à Pont-L'Abbé dans le Finistère, pour défendre la pêche bretonne malmenée en raison du Brexit. En France, 90 bateaux de pêche vont finir à la casse, et beaucoup sont de la région bretonne. Reportage au Guilvinec.

C'est une conséquence principalement du Brexit : 90 bateaux de pêche français vont finir à la casse, et la moitié sont des bateaux bretons, surtout finistériens. Des navires de pêche en haute mer, qui quittaient des ports comme le Guilvinec pour jeter leurs filets dans les eaux britanniques. Mais avec le Brexit, certains bateaux bretons ne sont plus rentables.

Il n'y avait pas d'autre solution

Pour ces bateaux, il n'y avait pas d'autre option que la sortie de flotte, comme l'explique Yannick Calvez, président du Comité des Pêches du Finistère, à Yann Launay : "les Anglais ont développé leur effort de pêche, ce qui fait qu'il y a plein de zones qui ne sont plus accessibles. Ensuite, on a eu une diminution des quotas vu la négociation avec les Anglais. A ça se rajoute une pression plus forte des contrôles au niveau anglais, ce qui fait que beaucoup de bateaux hésitaient à y retourner. Il faut ajouter aussi le fait que le gazole ait enchérit à un point assez inquiétant. Il n'y avait pas d'autre solution,mais on n'est quand même déçu d'en arriver là ! Un patron pêcheur préfère voir son bateau naviguer pour le revenndre et le passer à un jeune. Mais bon, on n'a plus de visibilité et on doit renégocier encore avec les Anglais à partir de 2026... et on se demande si on a déjà fini les premières négociations. C'est triste !"

Yannick Calvez, président du Comité des Pêches du Finistère
Crédit : Yann Launay

Les élus appellent à la mobilisation

Face à ce plan de sortie de flotte, qui impacte tout particulièrement le Finistère sud, des élus bigoudens appellent à la mobilisation, pour réclamer un meilleur accompagnement des communes concernées. Devant cette réaction, Yannick Calvez ne cache pas ressentir un peu d'amertume : il y a "des élus qui s'offusquent qu'il y ait un plan de sortie de flotte, mais ce n'est pas maintenant qu'il fallait voir ça, c'était avant et ça fait longtemps qu'on alerte sur l'état de la pêche... aujourd'hui c'est trop tard, et il faut travailler maintenant à ce que les bateaux qui restent puissent s'en sortir, voir comment on garde l'outil actuel, comment on sauve les bateaux qui vont rester, et après on pourra voir comment on fait pour réinstaller des jeunes."

Les élus bigoudens appellent à une manifestation ce samedi 25 février, à 11h place de la République à Pont-l'Abbé. Une mobilisation pour réclamer un plan d'accompagnement du territoire par l'Etat, et pour demander des garanties pour l'avenir de la pêche bretonne.

Yannick Calvez, président du Comité des Pêches du Finistère
Crédit : Yann Launay

De nombreux emplois en jeu

La disparition de ces bateaux va impacter de larges pans de l'économie locale et régionale, plusieurs centaines d'emplois sont en jeu, au-delà des équipages  "Un bateau ce n'est pas qu'un équipage et un patron, il y a tous les corps de métier qui tournent autour, que ce soit les chantiers navals, les mécanos ou les peintres, fournisseurs de matériel. Tous ces corps de métiers vont subir le plan de sortie de flotte, surtout que les navires qui sortent étaient des navires hauturiers, c'est à dire des bateaux qui stoppaient 15 jours, trois semaines pour de gros travaux généralement. Tout ça, c'est un ensemble ! Il va y avoir une sacrée perte par rapport à ça. Il n'y aura pas d'aide et ça va poser un problème. Il faut que l'État se mette autour de la table pour voir comment on fait pour sauver tout ce tissu socio-économique qui tournait autour des navires."

Yannick Calvez, président du Comité des Pêches du Finistère
Crédit : Yann Launay

Tout va revenir aux Espagnols

L'avenir de certaines criées finistériennes est remise en cause, et certaines espèces de poissons, débarquées jusque là des bateaux du Guilvinec, risquent de manquer ou bien, plus probablement, de sortir des cales de bateaux basés hors de France : "tout va revenir aux Espagnols qui vont combler le vide. Je n'espère pas mais il y a de grandes chances et ils ont une flotte très grande et surtout une politique nationale qui aide les pêcheurs. Ils font tout pour garder leur pêche, tandis qu'ici en France, on a l'impression que Bruxelles dicte et la France suit. On n'a pas une politique nationale portée sur la pêche. Si on ne veut pas être dépendant à 100 % de l'importation sur le poisson, il faut qu'on commence à bouger !"

Yannick Calvez, président du Comité des Pêches du Finistère
Crédit : Yann Launay

Au-delà de ce plan et de la destruction de 90 navires, Yannick Calvez n'est pas très optimiste pour l'avenir de la pêche française à moyen terme. Pour sauver ce qui reste de la flotte tricolore, une première urgence s'impose, "aider les armements à faire face aux frais de gazole, alors que l'aide de l'Etat de 25 centimes par litre doit se réduire progressivement".

Une mobilisation est prévue ce samedi à Pont-L'Abbé pour défendre la pêche bretonne.