Bretagne. Les ostréiculteurs dénoncent le (mauvais) traitement des eaux usées par les collectivités
Publié : 9 janvier 2024 à 8h25 - Modifié : 9 janvier 2024 à 8h28 par Dolorès CHARLES
L'inquiétude et la colère montent chez les ostréiculteurs. Une réunion s'est tenue à Auray dans le Morbihan hier (lundi 8 janvier) autour de Philippe Le Gal président du Comité National de la conchyliculture, après une consommation des coquillages en berne pendant les fêtes. La profession se dit "victime du manque de rigueur des collectivités dans le traitement des eaux usées." Explications.
Dans plusieurs secteurs de Loire-Atlantique, Vendée, Gironde, les huîtres sont interdites à la vente depuis décembre dernier, pour cause de contamination au virus de la gastro-entérite. Une contamination d'origine terrestre, probablement liée aux fortes pluies et au débordement de stations d'épuration.
Ces contaminations restent localisées, mais elles impactent tous les producteurs de l'Ouest, comme en témoigne Sébastien Lemoine, ostréiculteur à Carnac interrogé par Yann Launay. "Avec la fermeture d'Arcachon et la médiatisation, le nouvel An a été très compliqué : on est sur une baisse de 30 à 50% de consommation. Les mois de janvier et février vont être très tendus. On avait déjà une baisse de la consommation par rapport à l'inflation, même si le prix de l'huître n'avait pas augmenté, mais les gens faisaient attention à leur budget. Aujourd'hui, il y a une crainte pour les semaines et les mois à venir.
"Une dizaine de zones fermées sur 400, c'est insignifiant !"
A partir du moment où il y a une zone fermée, on a une médiatisation, le public fait un amalgame et les gens arrêtent de consommer des huitres, par crainte. A nous producteurs, d'expliquer qu'il y a quelques zones fermées certes, mais c'est disons une dizaine de zones sur presque 400 zones en France, c'est insignifiant."
Les ventes d'huîtres en berne partout
De nombreux consommateurs ont joué la prudence en se passant d'huîtres, quelle que soit leur origine géographique. Résultat : les ventes sont en berne pour toutes les zones. La profession se dit victime du manque de rigueur des collectivités dans le traitement des eaux usées. C'est ce que dénonce Philippe Le Gal, ostréiculteur dans le Morbihan et président du Comité national de la conchyliculture :
"C'est une gastro-entérite humaine qui, n'ayant pas été traitée dans les stations d'épuration, se retrouve dans le milieu maritime. Cela fait des années que les collectivités devaient séparer les eaux pluviales de l'assainissement et ce n'est toujours pas fait... et on voit bien qu'il y a de gros soucis. Ça fait des années qu'on tire la sonnette d'alarme, et des années qu'on dit que ça ne va pas, et que des choses devraient être faites... Il y a un moment, on va certainement passer dans des actions concrètes."
"On ne veut plus personne de malade avec ces histoires, ce n'est pas possible"
Soutenus par leur comité national, les ostréiculteurs de Loire-Atlantique veulent porter plainte contre les collectivités à l'origine des contaminations. Pour démontrer cette responsabilité, les producteurs demandent au tribunal administratif de Nantes d'ordonner une expertise de terrain. A l'image de ce qui avait été fait à Auray et La Baule, et qui avait clairement révélé des manquements.
"Ce sont des débordements de stations au delà du raisonnable, souligne Philippe Le Gal. Ce sont des postes de relevage qui n'étaient pas aux normes et qui débordaient, des réseaux pourris qui étaient foutus, et dont il fallait changer la tuyauterie. Ce sont plein de petits exemples comme ça que l'on retrouve sur le littoral... On a les moyens techniques pour résorber ces problématiques et ne plus avoir de déversements parce que derrière le message que l'on veut passer, "c'est zéro malade ! On ne veut plus personne de malade avec ces histoires, ce n'est pas possible !"
Laisser les huîtres une semaine voire 10 jours, après analyse
En attendant la mise aux normes de toutes les stations d'épuration, les ostréiculteurs demandent des aides financières pour adapter leurs installations et garantir des huîtres saines : "Traditionnellement, on purifiait pendant 24 à 48 h les huîtres et aujourd'hui, il semblerait qu'en les purifiant une semaine, voire une semaine et demie, on réduirait de manière importante le risque de rendre des gens malades avec les coquillages. On l'a démontré avec des études simples : en entrée de bassin, on analyse des lots de coquillages, et on voit s'il y a une quantité de pathogènes dans les huîtres et en les laissant une semaine, une semaine et demie, on a une élimination totale du pathogène. C'est une solution qui fonctionne mais il va falloir l'expliquer aux confrères, aux services de l'Etat et surtout avoir un soutien financier pour pouvoir avoir des bassins plus grand, et mieux dimensionnés"
Les représentants des ostréiculteurs de toute la France doivent se réunir ce mardi à Paris, autour de Philippe Le Gal, leur président national. Ils attendent l'aide de l'Etat, et réclament l'accélération de la mise aux normes des stations d'épuration. Ils n'excluent pas l'organisation d'actions de protestation.
De son côté, le Secrétaire d'Etat chargé de la mer, le Costarmoricain Hervé Berville, promet un soutien financier à chaque entreprise conchylicole touchée par les interdictions de vente.