Bretagne. Les agriculteurs repassent à l'action ce mercredi

Publié : 5 décembre 2023 à 22h37 - Modifié : 6 décembre 2023 à 8h20 par Dolorès CHARLES

Mobilisation des agriculteurs (Bréal 2019)
Mobilisation des agriculteurs (Bréal 2019)
Crédit : Yann Launay

Les agriculteurs repassent à l’action aujourd’hui mercredi (6 décembre), en particulier en Bretagne, où les tracteurs vont se retrouver dans le Morbihan puis à Rennes à la mi-journée pour rejoindre le Finistère et les Côtes-d'Armor dans l'après-midi et en soirée. Dans la lignée de l'opération "On marche sur la tête", ils tiennent à dénoncer entre autres les mesures agroenvironnementales et climatiques.

Les agriculteurs changent de ton : ils estiment que retourner les panneaux d'entrée de ville n'a pas suffi à se faire entendre. Ce mercredi partout dans l'Ouest, des tracteurs prendront la route pour des manifestations devant des bâtiments administratifs. Les agriculteurs disent crouler sous des normes, des règlements, parfois même contradictoires. Ils demandent davantage de cohérence de la part de l'Etat, et attendent des objectifs clairs et de long terme.

"L'Etat s'était engagé à soutenir la démarche (plus environnementale), mais aujourd'hui, il n'y a pas assez d'argent pour payer..."

Ils s'estiment trahis par exemple dans le cas des MAEC - les mesures agroenvironnementales et climatiques, comme l'explique Jérémy Choquet, éleveur à Trédion, dans le Morbihan, et secrétaire général des JA Bretagne : il s'agissait d'aides "pour implanter plus d'herbe dans les systèmes - avoir des systèmes avec moins d'intrants, moins d'engrais, moins de cultures de vente. Forcément, on avait moins de chiffre d'affaires à la fin, moins de production, et l'Etat s'était engagé à soutenir ces systèmes qui allaient dans cette démarche. Mais aujourd'hui, on nous dit qu'il n'y a pas assez d'argent pour payer ça, sauf que la démarche est en place. On ne peut pas rester dans le temps d'annonce politique, car nos démarches sont du long terme."

Jérémy Choquet, éleveur à Trédion
Crédit : Yann Launay

Des actions paradoxales

Jérémy Choquet et les JA attendent un plus grand soutien de l'Etat dans les projets de rénovation ou de construction de bâtiments d'élevages, plutôt que d'imposer des enquêtes publiques pour tous les projets : "c'est catastrophique. On ne pourra plus sortir de bâtiments neufs, ni moderniser nos élevages. Une grande partie des jeunes ne veulent plus faire ce genre de dossier d'enquête publique, parce qu'ils savent qu'ils seront toqués, mis sur la place publique, et que ça va leur coûter une fortune.

Aujourd'hui, on demande à quelqu'un qui a envie d'entreprendre et de construire, de sortir 30 000 € pour pouvoir travailler. Qui ferait ça ? Et ce qui est paradoxal, c'est que des associations environnementales attaquent des projets sur des fonds idéologiques. Ce sont des projets qui ne verront jamais le jour et pour compenser notre consommation, on va importer. C'est le cas d'une volaille sur deux aujourd'hui en France, tout simplement parce qu'on n'a pas su garder notre parc."

Jérémy Choquet, éleveur à Trédion
Crédit : Yann Launay

La concurrence du poulet ukrainien

Réjane Etienne, installée depuis 2019 en élevage de volaille à Evellys, dans le Morbihan, compte manifester ce mercredi, pour dénoncer la concurrence du poulet ukrainien : de la volaille produite dans des élevages géants, et massivement importée en France et en Europe depuis le début de la guerre avec la Russie. En fait ces importations profitent principalement à un milliardaire ukrainien, au détriment d'éleveurs comme Réjane :

"Il n'y a plus de droits de douane pour la viande ukrainienne, ce qui fait qu'elle arrive à des prix avec lesquels on ne pourra pas rivaliser. Nous, pendant ce temps là, on n'a plus le droit de travailler, on est vide... Entre la période début 2023 jusqu'à l'été 2024, je me projette un peu, mais je vais perdre un sixième de ma production, donc un sixième de mes revenus et puis il y a la grippe aviaire qui nous fait perdre aussi de l'argent. Cela commence à faire beaucoup puisque pour ma part, je pense que je serai pas loin d'un tiers de ma production en moins."

Réjane Etienne
Crédit : Yann Launay

"Si on veut être compétitif, il faut qu'on nous enlève des charges..."

Réjane attend de l'Etat une meilleure protection des producteurs français, face à une concurrence étrangère jugée déloyale, puisque soumise à des exigences bien moindres. D'autant que l'inflation vient compliquer la situation des éleveurs : "j'ai des contrats, notamment pour une grande enseigne de fast food, qui n'a plus le niveau de consommation qu'elle avait. Cette clientèle, qui ne vient plus, va acheter en grande surface, soit va réorienter sa consommation à domicile sur tout ce qui va être snacking et 90 % de la viande de volaille présente dans la sandwicherie n'est pas française. Nos débouchés sont boudés pour une raison budgétaire encore une fois... mais si on veut être compétitif, il faut qu'on nous enlève des charges... Rétablissons aussi les droits de douane sur les importations, et ce serait déjà très bien."

Réjane Etienne
Crédit : Yann Launay

Gare aux bouchons !

Dans le Morbihan, les agriculteurs se donnent rendez-vous à midi devant la préfecture, à Vannes. En Ille-et-Vilaine, plusieurs convois de tracteurs convergeront vers le Conseil régional de Bretagne, où ils doivent arriver à midi, avant de se rendre devant la DRAAF, la Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt. 

Plusieurs rassemblements sont aussi prévus, dans le Finistère à Quimper, devant la DDTM, à Brest et à Morlaix, devant les sous-préfectures, et plus tard dans les Côtes d'Armor, dans le secteur de Saint-Brieuc entre 18h et 20h30, les tracteurs partiront de Broons, Dinan, Guingamp, Plaintel, en empruntant les voies rapides.

Les mobilisations sont maintenues malgré les avancées obtenues hier soir à Matignon où les présidents des JA et FNSEA étaient reçus : abandon de la hausse de la taxe sur les pesticides et l'eau notamment.