Bretagne. Le métier d'agriculteur : "petit on en rêve, grand on en crève"
Publié : 24 janvier 2024 à 21h41 - Modifié : 24 janvier 2024 à 21h43 par Dolorès CHARLES
La mobilisation des agriculteurs se poursuivra demain, jeudi 25 janvier, partout en France et dans l'ouest, notamment à Rennes et Nantes, mais aussi sur les grands axes de circulation, et du côté du dépôt pétrolier de Lorient. A Quimper, la voie rapide Nantes-Brest est bloquée depuis mardi soir, par des paysans remontés et usés par la paperasse et les normes. Ils veulent simplement vivre de leur métier.
Dans la région de Quimper, plusieurs dizaines de tracteurs sont venus en renfort des territoires de Quimperlé ou de Scaër, avec des cargaisons de bois, de déchets végétaux pour alimenter les feux, et des bottes de paille pour ériger des murs et barrer la route... Objectif, se faire entendre. De nombreux tracteurs portent des slogans comme "Petit on en rêve, grand on en crève", en référence au métier. Les manifestants dénoncent les prix tirés vers le bas; et l'empilement des normes, qui parfois se contredisent. La question du GNR (gazole non routier) est aussi une doléance souvent entendue : depuis le 1er janvier dernier, les taxes sur le gasoil agricole ont commencé à augmenter, elles le feront par pallier, jusqu'à la disparition de cet avantage fiscal dont bénéficiaient les agriculteurs.
D'un côté le GNR, de l'autre les GMS
Une décision injuste, aux yeux de Maxime, éleveur à Langolen, rencontré par Yann Launay. Sur son exploitation, il "consomme 25 milles litres de gazoil par an, aussi quelques centimes en plus sur un litre ou quelques dizaines de centimes fois 25 000, cela représente beaucoup. Pour l'instant, il n'y a aucune alternative. C'est bien de vouloir décarboner, diminuer le gazoil progressivement d'accord, mais s'il n'y a rien pour le remplacer, on ne va pas retourner avec les chevaux. Il nous faut une solution en face avant de nous priver de quelque chose. Nous ne sommes pas contre, mais tant qu'il n'y a rien... et puis à côté, on a toujours les grandes surfaces qui tirent les prix toujours vers le bas - on est tiré des deux côtés."
Les doléances des agriculteurs sont nombreuses
Les problèmes à résoudre sont souvent complexes, et parfois entre les mains de l'Union européenne. Alors quelle réponse et quelle décision, l'Etat et le gouvernement pourraient apporter. Pour Fabrice, éleveur laitier à Elliant : "il faudrait déjà que toutes les lois EGALIM mises en place soient respectées, et que l'inflation subie par le français dans son caddie revienne aux paysans parce que pour l'instant ce n'est pas le cas. Les prix ont augmenté, et on n'est pas payés beaucoup plus cher ! Comme nos charges ont augmenté, on ne gagne pas plus ... et c'est très compliqué de savoir où vont les marges... Les grandes surfaces ont beaucoup de pouvoir, c'est un combat qui a commencé depuis pas longtemps, mais j'espère que cela fera réfléchir le gouvernement. Qu'il comprenne les choses."
Un mouvement soutenu par les Français
En attendant la fin du mouvement, les automobilistes devront encore s'organiser, changer d'itinéraire, ou prendre leur mal en patience, comme ces conducteurs contrains de quitter la voie rapide à l'entrée de Quimper et qui se retrouvent coincés dans les bouchons.. En majorité, ils soutiennent les agriculteurs (* selon un sondage Odoxa-Backbone Consulting pour Le Figaro, 89% des Français soutiennent le mouvement de protestation paysan) : "cela m'embête d'être dans les bouchons, mais je suis complètement avec eux. Ils ont raison et j'aimerais bien que tout le monde se mette avec eux, que tout s'arrête ! J'espère pour eux que ça va aboutir... La cause est bonne donc il y a aucun souci. A force de presser le citron les gens éclates et je les comprends : les producteurs de lait ne gagnent pas leur croûte alors qu'ils font des heures pas possible.
Il faut partir plutôt de la maison, avec les bouchons, donc c'est "relou", mais après je comprends qu'ils manifestent. Au final, je ne sais pas si ça va servir à quelque chose. Je comprends leur colère, mais c'est pas en nous blouquant que cela va faire avancer le projet. Autant bloquer ceux qui décident. Ici, on a besoin de travailler, on est solidaires mais il faut qu'ils nous laissent travailler."
Les agriculteurs comptent se relayer jour et nuit sur le blocage de Quimper, "tant que nécessaire", et au moins jusqu'en fin de semaine. Le gouvernement dit préparer des réponses aux agriculteurs, qui pourraient être annoncées par le Premier ministre Gabriel Attal ce vendredi lors d'un déplacement.
Notez que la Confédération paysanne, troisième syndicat du secteur, annonce se joindre au mouvement.