Nantes. Les apiculteurs de l'ouest défendent un miel français
Publié : 5 février 2024 à 21h01 par Dolorès CHARLES
C'est près de Nantes (44) que les apiculteurs ont choisi de manifester aujourd'hui (lundi 5 février). A l'image de leurs collègues agriculteurs, ils ont voulu dénoncer la concurrence étrangère dans les rayons de miel, en grande surface.
Ils dénoncent la concurrence déloyale de producteurs de miel étrangers : les apiculteurs sont passés à l'action, aujourd'hui (lundi 5 février), dans plusieurs villes de France. Pour le grand Ouest, c'est Nantes qui avait été choisie. Plusieurs dizaines d'apiculteurs en combinaison ont installé des ruches devant le centre Leclerc Atout sud de Rezé, avant d'investir les rayons de l'hypermarché, à la recherche de miel d'importation... et ils ont découvert un rayon miel qui venait tout juste d'être remanié, avec beaucoup moins de miel étranger que ce qu'ils avaient constaté quelques heures plus tôt.
Pourquoi certains miels avaient-ils disparu ?
Les apiculteurs ont posé la question au directeur du magasin, Roland Beauchêne : "On a changé notre rayon, parce qu'on savait que vous alliez venir vérifier l'origine des miels... Qui vous fournit sincèrement le miel ? Demandez du miel français. On a peut-être une part de responsabilité plus grande que ce qu'on pensait par rapport à ça, je vous l'accorde.
Eric Leray, apiculteur à Puceul, en Loire-Atlantique, et président du Centre d'étude technique apicole de Loire-Atlantique. "Le directeur du magasin a retiré tout ce qui dérangeait dans le décor de son rayon miel pour ne laisser quasiment que des miels français et espagnols. Il se doutait de la réaction qu'on pouvait avoir, mais nous sommes à côté et on peut refaire une descente demain ou après-demain. On va d'abord être sages et commencer par la discussion : discuter avec le responsable de cette grande surface, et aussi au niveau national avec les différents groupes conditionneurs GMS - grandes et moyennes surfaces."
"On a plein de bons miels dans nos mielleries, et malheureusement on n'arrive pas à les vendre"
Du miel espagnol a été découvert par les apiculteurs, et retiré des rayons, mais le magasin a reconnu avoir retiré des miels étrangers juste avant l'arrivée des manifestants. Les apiculteurs venaient aussi informer les consommateurs directement sur le lieu d'achat : "Bonjour messieurs dames, on est des apiculteurs locaux de Bretagne, des Pays de la Loire et du Centre... On a plein de bons miels dans nos mielleries et malheureusement on n'arrive pas à les vendre. Les trésoreries s'effondrent pour autant, les conditionneurs préfèrent encore et toujours du miel pas cher d'Ukraine qu'ils achètent à 2 € du kilo, sachant qu'en plus quand ça vient de l'étranger on peut frelaté beaucoup plus facilement...
On se retrouve avec des échantillons de miel, explique Jacques, apiculteur près de Redon, qui ont été analysés par la DGCCRF à 46 % frelaté de l'étranger notamment. En fait, c'est du miel de sucre : des usines achètent du sucre qui le mélange avec un peu de miel pour rajouter un peu de pollen et tromper les analyses. Les GMS ont un pouvoir, ce sont les GMS qui tirent les prix vers le bas et qui importent des miels de mauvaise qualité."
L'apparence des pots et les étiquettes peuvent être trompeuses
Les apiculteurs dénoncent la roublardise de certains conditionneurs de miel et appellent les consommateurs à la vigilance, d'autant que l'apparence des pots et les étiquettes peuvent être trompeuses : démonstration avec un pot de miel portant les mentions "Miel militant / Sauvons le miel 100% pur et naturel". Un miel produit par l'un des leaders européens du marché.
Décryptage de l'étiquette avec Julien Tartoué, apiculteur à Durtal, en Maine & Loire : "Un pot de miel qui est très sympa, au niveau packaging, éco responsable en pot cartonné, on pourrait croire que c'est un pot de producteur militant... mais s'il était si militant que ça il achèterait la production locale et française, et ce n'est pas le cas... On a la provenance sur le couvercle : Espagne et France, mais il nous manque le pourcentage, il peut y avoir que 5 voire même 1 % de miel français. En Espagne ou hors Europe, on n'a pas du tout les mêmes normes..."
Plus de la moitié du miel consommé en France est aujourd'hui importé. Une opération de contrôle de grande ampleur menée par l'Union européenne en 2023 avait montré que près d'un pot de miel sur deux importés dans l'Union était rempli de miel frauduleux, contenant par exemple des sirops de sucre.
La mise en pause du plan Ecophyto est aussi dans le collimateur des apiculteurs, qui dénoncent cette décision du gouvernement. S'ils rejoignent leurs collègues agriculteurs pour dénoncer les distortions de concurrence, les apiculteurs attendent une baisse plus rapide de l'usage des pesticides, accusés de décimer les abeilles.