Première certification et premier doublage d'un film en gallo : "Astéris caoz galo mézë !"
Publié : 22 juin 2023 à 18h12 par Dolorès CHARLES
C'est une première qui a lieu ce jeudi soir à Rennes, au Cinéma Arvor : la projection du film "Astérix et le Domaine des Dieux" doublé en gallo. Une nouvelle étape dans la défense de cette langue bretonne, qui vient aussi d'obtenir une première certification.
"Astéris caoz galo mézë !" : Asterix parle maintenant gallo ! "Le Domaine des dieux", d'Alexandre Astier, est le premier long-métrage de l'histoire doublé en gallo. Le film sera présenté en avant-première ce jeudi soir (22 juin) à Rennes, en Ille-et-Vilaine. C'est le studio Dizale qui s'est chargé du doublage. Des long-métrages existent depuis longtemps en breton, mais le gallo, l'autre langue de la Bretagne, n'avait eu droit qu'à quelques court-métrages.
Une injustice réparée
Injustice désormais réparée, et véritable tournant pour la défense du gallo, comme le souligne Jérôme Bouthier, directeur de l'Institut du Gallo au micro de Yann Launay : "On est en train de montrer à tous les locuteurs du gallo que leur langue est comme toutes les autres langues. On peut la côtoyer dans le quotidien, sans trop s'en apercevoir, et puis on peut aller au cinéma et entendre un film de très bonne qualité, de très bonne facture, doublé en gallo. Pour nous, c'est un symbole et on n'a pas pris Astérix au hasard. On situe le village d'Astérix dans les alentours d'Erquy, en Haute Bretagne. Pour nous, il nous semble tout à fait normal qu'Astérix et Obélix parlent gallo. Derrière, il y a à la fois ce mouvement de résistance, Astérix et ses amis représentent quelque part le gallo, ils ne lâcheront pas et (nous) on n'abandonnera pas notre langue..."
Le film "Astéris - Le Demaine és Dieûs", sera projeté ce jeudi soir en avant-première à 20h30 au cinéma Arvor. Il sera ensuite disponible pour les cinémas qui souhaiteront le présenter sur leurs écrans.
Une première certification en gallo
On estime que le gallo est parlé par environ 200 000 personnes, presque autant que le breton, et pourtant il n'existait pas d'épreuve officielle pour attester un niveau de langue en gallo. C'est maintenant chose faite : 12 candidats viennent de passer des épreuves écrites et orales pour obtenir leur certification. Parmi ces tout premiers candidats : Manon, enseignante et originaire des Côtes-d'Armor. Ses propres parents parlaient gallo, et Manon enseigne la langue à ses élèves. A ses yeux, la certification n'a rien d'anecdotique, c'est une étape clé pour la langue gallèse :
"Cela nous légitimise par rapport à nos pratiques. Je comprends bien que des parents à qui on a dit que le gallo n'était pas une langue de science, qu'on a empêché de parler gallo voire puni, freinent des quatre fers parce qu'ils ont peur que leurs enfants deviennent bêtes tout simplement. Le fait qu'il y ait de vraies formations avec des diplômes, les gens vont réfléchir et se dire que ce n'est pas juste une langue pour les "bouseux" et que c'est une vraie langue. Plus les gens vont être heureux, plus les gens vont savoir d'où ils viennent, et moins ils auront peur de ce qu'ils connaissent pas."
Mais obtenir une certification en gallo, qu'est-ce que ça change ?
Nathalie Tréhel-Tas, présidente de l'Institut du gallo : "à partir du moment où vous allez avoir une évaluation de niveau, que vous allez connaître votre niveau en langues, vous pourrez le valoriser auprès d'un établissement scolaire, parce que l'enseignement de la langue gallèse se fait à l'école primaire, au collège, au lycée, et à l'université. Vous pourrez le valoriser au sein de votre milieu professionnel, dans le milieu hospitalier, dans les EHPAD... C'est une plus value notamment auprès des personnes âgées avec qui on peut pratiquer cette langue. Cela adoucit cette fin de vie qu'on peut accompagner d'une meilleure manière. Une plus value qu'on ajoute à nos compétences."
La région soutient les deux langues
Cette certification est mise en place avec le rectorat de Rennes et la Région Bretagne, qui ne compte pas lâcher le gallo, comme le confirme Kaourintine Humaud, conseillère régionale dédiée à la langue gallèse : "C'est une langue du quotidien, une langue d'émotion, une langue de cœur et qui est encore parlée par de nombreuses personnes et pas forcément que les personnes âgées. Ce qui me réjouit, c'est de voir que les nouvelles générations s'intéressent à la langue gallèse. Longtemps, elle a été méprisée, on a dit que ceux qui parlaient le gallo ou la langue gallèse n'étaient que des sous-Bretons et beaucoup de locuteurs du gallèse "ont mangé leur langue et ils n'ont surtout pas dit qu'ils parlaient gallo." Nous, ce que l'on souhaite faire par notre politique, c'est avoir une conscientisation de cette langue, et de dire que vous avez le droit de parler cette langue, et que vous avez le droit de la transmettre à vos enfants. Nous sommes pour le soutien des deux langues !"
Une campagne de communication en faveur du gallo doit démarrer en septembre.